L'islamiste Ali Larayedh, nommé ministre de l'Intérieur, est connu comme être un dirigeant qui s'est entièrement consacré à protéger l'organisation du parti Ennahda contre les coups de force du pouvoir tunisien. Détenu, M. Larayedh avait été torturé dans le sous-sol du ministère de l'Intérieur qui symbolise, pour les ex-opposants tunisiens, la terreur et la dictature du président déchu Ben Ali. «J'ai frôlé la mort à plusieurs reprises dans les geôles du ministère de l'Intérieur. Mais je fais la différence entre cette période et maintenant. La révolution est venue pour avancer et instaurer une justice transitoire et non pour se venger», a déclaré le nouveau ministre de l'Intérieur. Ingénieur de l'Ecole de la marine marchande de Tunisie, M. Larayedh, 56 ans, a été président du bureau exécutif d'Ennahda jusqu'à son emprisonnement, en 1990, dans le cadre d'une vague de répression visant à briser ce mouvement, perçu par Ben Ali comme son premier ennemi politique. «C'est un homme de l'appareil islamiste. Il sait garder son sang-froid pendant les moments de tension», dit de lui Kamel Ben Younes, journaliste et universitaire qui l' a connu de près. M. Larayedh avait émergé comme un des premiers dirigeants du mouvement islamiste dans les années 1980, quand les leaders historiques du parti étaient emprisonnés au cours de la première épreuve de force entre les islamistes et le régime du premier président de la Tunisie, Habib Bourguiba. «Larayedh est porté sur l'action et non sur les déclarations et les théories. Il est le pragmatique qui sait écouter les autres et n'hésite pas à prendre des notes pendant les discussions», note M. Ben Younes. En 1987, il a été condamné à mort avant d'être gracié en 1988, puis très vite emprisonné pour 15 ans pour subversion contre le régime, dont 13 années en isolement. Les leaders de l'opposition laïque évoquent son ouverture d'esprit quand ils le comparent à d'autres dirigeants islamistes de sa génération. Elu membre de l'Assemblée constituante à l'issue des élections du 23 octobre, M. Larayedh a dit vouloir faire du ministère un tremplin pour renforcer les liens avec les pays maghrébins et les principaux partenaires économiques occidentaux, notamment la France et les Etats-Unis.