A l'image de ce qui s'est passé et se passe toujours dans les pays arabes, les Russes ont investi les rues des principales villes du pays pour «dégager leur tyran» : «Poutine démissionne !» Le régime russe s'ébranle. Considéré comme l'un des plus fermés au monde, le système russe est désormais désacralisé. L'homme qui l'incarne depuis 12 ans, le Premier ministre, Vladimir Poutine, en l'occurrence, est pris dans son propre piège. Alors qu'il s'apprête à reprendre tranquillement les commandes du Kremlin à l'occasion de l'élection présidentielle prévue dans moins de trois mois, l'homme fort de la Russie découvre finalement qu'il est honni par ses propres concitoyens. Même dans son fief de Saint-Pétersbourg. La fraude massive, qui a caractérisé les dernières législatives remportées par le parti au pouvoir, Russie unie, n'a fait qu'exacerber ce sentiment chez les Russes. Vladimir Poutine est depuis le début du mois de décembre dans l'œil du cyclone qui risque d'anéantir tous ses projets politiques. Après une première manifestation organisée le 10 décembre, des milliers de personnes (120 000, selon l'opposition et près de 30 000, selon les autorités) sont revenus à la charge, samedi dernier, pour lui rappeler que leur mobilisation ne fait que commencer et qu'ils n'arrêteront pas avant d'obtenir «un vrai changement». La russie sans poutine A l'image de ce qui s'est passé et se passe toujours dans les pays arabes, les Russes ont investi les rues des principales villes du pays pour «dégager leur tyran». «Poutine démissionne !», «Russie sans Poutine !» et «M. Poutine, demain toute la Russie scandera ça pour vous !», scandaient les participants à ce grand rassemblement qui a été couvert, pour la première fois, par les chaînes de télévision d'Etat qui sont strictement contrôlées par le pouvoir. Les manifestants ont répondu d'une manière imagée à Vladimir Poutine, qui avait comparé, le 15 décembre, les opposants à la tribu des singes Bandar-Log du livre de La Jungle de Rudyard Kipling. «Il sait traiter avec les Bandar-Log, mais pas avec les humains !», clamaient plusieurs pancartes brandies par les opposants russes. Le conseil de Gorbatchev Vladimir Poutine perd même le soutien du dernier dirigeant de l'Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev (80 ans). «Je conseillerais à Vladimir Vladimirovitch (Poutine) de partir maintenant. Il a déjà fait trois mandats : deux en tant que président (2000-2008), un en tant que Premier ministre - trois mandats, ça suffit», lance le père de la perestroïka dans une déclaration à la radio Echo de Moscou. Et d'ajouter : «Il devrait faire la même chose que moi. Moi, à sa place, je le ferais, car ainsi il pourrait préserver toutes les choses positives qu'il a faites.» Mikhaïl Gorbatchev explique «qu'il aurait voulu participer à la manifestation de samedi dernier, mais son état de santé ne le lui permettait pas». «Je suis heureux d'avoir vécu ce réveil politique russe. Ça crée un grand espoir», indique-t-il. Ce message sera-t-il entendu par l'ancien patron du KGB ? Pas sûr. Dans une première réaction officielle après la manifestation, le porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov, qualifie les protestataires de minoritaires. «L'opinion des manifestants a été entendue et les gens qui sont descendus dans la rue sont une partie très importante de la société, mais ils sont en minorité», estime-t-il, précisant que «Poutine a toujours le soutien de la majorité». «Il est évident que Poutine est candidat à la présidentielle au-delà de toute concurrence», enchaîne-t-il. Ce n'est pas l'avis de l'opposition et des analystes russes. «La contestation ne va pas retomber. Ce n'est même plus une question de manifestations, mais de l'opinion publique qui ne considère plus le pouvoir en place comme une institution légitime», analyse Evguéni Gontmakher, dirigeant du centre de politique sociale de l'Institut d'économie. Selon lui, le pouvoir fait des concessions, mais il est en retard, c'est un signe de situation prérévolutionnaire. Pour lui, Poutine n'a pas plusieurs solutions : «Il ferait mieux de réfléchir à sa stratégie de départ du pouvoir.»
A cinq mois de la présidentielle en Russie, l'homme qui se croyait inébranlable, dans son retour vers le Kremlin, en l'occurrence Vladimir Poutine, est envahi par le doute après l'immense manifestation de protestation populaire qui a eu lieu hier et qui se poursuit tous les jours aux quatre coins de la république de Russie.