Poutine. Deux petites syllabes qui sonnent aujourd'hui comme une salve de rafales dans les oreilles des Russes. Vladimir Vladimirovitch Poutine, qui incarnait depuis 1999 l'aura retrouvée de la Russie fière et conquérante, a perdu de sa superbe.Jadis, droit dans ses bottes de soldat engagé pour redorer le blason terni de l'ancienne Union soviétique, Poutine est désormais dans ses petits souliers. Hier adoré, aujourd'hui abhorré, ce fringuant homme d'Etat, à l'allure sportive et au look à la James Bond, ne trouve plus grâce aux yeux des Russes. Ayant longtemps vécu sous le masque d'un agent de l'ex-KGB, comme espion à Dresde en ex-RDA, Poutine a du mal à devenir un «civil». Ayant assisté en «live» à la chute du mur de Berlin et à la désintégration de l'Union soviétique, l'espion modèle va, la mort dans l'âme, rentrer dans sa ville Saint-Pétersbourg dont il deviendra maire. Mais sa qualité d'organisateur et son efficacité vont lui valoir d'être appelé au Kremlin pour exercer dans l'administration présidentielle sous Eltsine. Un poste qui lui a servi de rampe de lancement pour atterrir en 1998 à la tête du FSB (chargé de la sécurité intérieure, issu de l'ex-KGB). Tout s'enchaîne bien et rapidement pour l'ambitieux Vladimir qui se voit à un jet de pierre du poste suprême. En décembre 1999, c'est la consécration pour l'espion qui devient président grâce à coup de pouce de son ami vieillissant Boris Eltsine qui lui confia l'intérim. L'enfant de Leningrad (actuelle Saint-Pétersbourg) – il est né le 7 octobre 1952 – sera couronné cinq mois plus tard maître du Kremlin. Vladimir Poutine est élu président de la Russie en mai 2000. Ayant hérité d'un pays au bord du gouffre et un peuple au moral en berne, le fougueux président va tout de suite retrousser ses manches pour lustrer une Russie bien rouillée par la corruption et l'injustice. «La chute de l'Union soviétique est la plus grande catastrophe géopolitique du siècle dernier», affirmera-t-il juste après son investisseur. C'est autour de ce postulat que Poutine articulera sa politique visant à rendre à la Russie ses lettres de noblesse dans le concert des nations. Mais par réflexe atavique, l'homme des services, rompu à la manière forte, va tout de suite muscler son discours et ses actes. Il entreprend alors la chasse aux opposants et ferme le «bec» aux chaînes de télévision indépendantes qu'il a placées sous le contrôle de l'Etat. Curieusement, malgré ce verrouillage, Poutine garde intacte sa côte de popularité. Une popularité qu'il doit surtout à son image d'un chef d'Etat énergique et frondeur à l'égard de l'Occident ; un discours qui titille l'ego des Russes. Deux mandats durant, Poutine va réussir à remettre la Russie sur les rails et à la replacer parmi les pays qui comptent. N'était l'exigence constitutionnelle qui limitait les mandats présidentiels à deux, il aurait été plébiscité en 2008. Malin, il trouva la parade en adoubant son fidèle ami Dmitri Medvedev, qui a tout juste la quarantaine. Mais le Premier ministre continue à gérer à distance le vrai pouvoir, loin du Kremlin. Vladimir Poutine pensait pouvoir enfiler à nouveau le costume de président et laisser celui du Premier ministre à son ami en 2012 grâce à la machine électorale qu'il a fabriquée, son parti «Russie unie». Mais cette fois, il semble s'être trompé dans son plan. Les injustices sociales, la corruption, les pots-de-vin et les assassinats politiques semblent avoir enlaidi l'image du duo Poutine-Medvedev qui se livre à un jeu de chaises musicales. La fraude massive durant les dernières législatives aura été de trop. A cinq mois du scrutin, le printemps risque d'être chaud à Moscou. Les Russes, qu'on croyait définitivement givrés politiquement, foncent comme des ours polaires dans les rues de Moscou, Saint-Pétersbourg et la lointaine Vladivostok, pour crier leur haine à Poutine. Cela va-t-il refroidir l'ardeur du Tsar des temps modernes ? Pas sûr.