C'est un ministre de l'Information conciliant et optimiste qui a tenté de convaincre les journalistes présents à la conférence de presse qu'il a animée, samedi, à Ghaza, que la défaite de Fatah n'était pas une Nakba. « Il faut savoir que Hamas est plus habilité à vivre une évolution, à la turque, comme celle du parti de Erdogan que celle d'un mouvement extrémiste », a assuré Nabil Shaât. Ne tarissant pas d'éloges sur les déclarations du chef du bureau politique de Hamas, Khaled Machaâl, Shaât semblait le porte-parole des vainqueurs et non des vaincus. N'allant tout de même pas jusqu'à donner carte blanche au mouvement islamiste, le ministre sortant a rétéiré le refus du Fatah de prendre part au prochain exécutif. Interrogé sur les risques de voir Hamas imposer des lois et des mesures qui menaceraient les libertés individuelles, Shaât a répondu que la Constitution et la personne du président de L'Autorité nationale palestinienne étaient les meilleures garanties pour les citoyens qui n'ont pas voté Hamas. A propos de la position des gouvernements arabes, dont la majorité n'a pas encore exprimé, officiellement, sa position vis-a-vis de la victoire de Hamas, Nabil Shaât, nous répond que « les pays arabes sont trop attachés à la cause palestinienne, c'est pourquoi les gouvernements ne pourront pas se dérober à leur responsabilité. Ils ont juste besoin de temps ». Mais l'optimisme du représentant du gouvernement sortant n'est pas vraiment fondé, car le discours ouvertement hostile au Hamas des Usa a fait son effet sur les pouvoirs arabes, notamment sur les monarchies du Golfe, comme l'Arabie Saoudite principal pays donateur au profit de la Palestine, n'ont pas encore donné signe de vie. Le département d'Etat américain n'a-t-il pas clairement déclaré au monde, que son « gouvernement ne comptait pas financer des organisations terroristes ? » Au niveau des institutions européennes, Xavier Solana, commissaire européen en charge des Affaires étrangères, a répété à quelques mots près, le même avertissement, hier soir. Que l'Administration américaine et la plupart des gouvernements européens aient préféré n'avoir rien à faire avec les dirigeants d'un mouvement qui figure sur la liste des organisations terroristes du Pentagone, n'est un secret pour personne, mais les observateurs, qui ont à cœur le futur du processus de paix au Moyen-Orient, commencent à se demander sérieusement si les pressions insoutenables que les Occidentaux s'amusent à faire peser sur un mouvement démocratiquement élu, et cela avant même qu'il ait formé son gouvernement, ne soient pas tout simplement irresponsables, voire suicidaires. Car acculer le Hamas et le réduire à l'isolement et à l'impuissance ne rend pas service aux Palestiniens, loin de là. Il suffit de constater comment la situation économique dans les territoires palestiniens s'est complètement dégradée, ces dernières années à cause de la décision israélienne d'interdire les déplacements de la Cisjordanie et de la bande de Ghaza vers les villes israéliennes. Selon des statistiques récentes, plus de 48% des Palestiniens vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Le taux de chômage parmi la population active dépasse les 25%. Une ville comme Ghaza souffre d'un taux de chômage qui frôle les 60% depuis que les 120 000 habitants qui travaillaient dans les villes israéliennes ont été interdits de passage, au niveau des postes frontaliers imposés par les Israéliens. Les Palestiniens, dans leur grande majorité, survivent économiquement grâce aux financements internationaux. Hier, sur une chaîne de télévision arabe, le ministre de l'Economie sortant, Mazen Sankrat, a affirmé que les Palestiniens ont besoin d'un milliard et demi de dollars par an pour pouvoir gérer l'économie du pays. Les cadres dirigeants du mouvement islamiste savent tout cela, et savent aussi que le Fatah leur laisse une situation catastrophique à gérer. Rencontré, chez lui, dans le quartier de Beït Lahia, à la périphérie de Ghaza, le porte-parole du Hamas et aussi le plus jeune député nouvellement élu, Mouchir Al Masri, nous a affirmé que sa formation politique ne pliera pas sous le chantage américain et européen. « Nous ne demandons pas l'aumône aux Occidentaux et si leurs fonds sont conditionnés politiquement, nous nous en passerons », nous assure-t-il. Lui aussi, tient le même discours ferme que Machaal concernant la poursuite de la résistance armée et le refus de reconnaître Israël. Le muezzin appelle à la prière d'El Asr. Le porte-parole du Hamas met fin à l'entretien pour pouvoir se rendre à la mosquée toute proche. Son adjoint nous dit que si on veut attendre la fin de la prière, Al Masri sera disponible pour poursuivre l'entretien. Les confrères allemand et italien qui nous accompagnent, lui demandent, innocemment : « Et combien cela dure une prière ? »