«Seigneur, Fais de moi un instrument de Ta paix. Là où est la haine, que je mette l'amour. Là où est l'offense, que je mette le pardon. Là où est la discorde, que je mette l'union. Là où est l'erreur, que je mette la vérité, c'est en pardonnant qu'on est pardonné» Saint François d'Assise (Prière) La situation de la Palestine est plus périlleuse que jamais. Pour l'observateur externe, les choses peuvent paraître manichéennes. En fait, elles sont plus complexes qu'il n'y paraît et bien souvent les causes apparentes que l'on croit déceler pèsent d'un poids marginal dans les fondements réels de la crise. Si on y ajoute le doigté de politique à la «levantine», nous avons tous les ingrédients d'une situation inextricable. Jugez-en plutôt: Voilà un pays, la Palestine, et un peuple, les Palestiniens, dont les dirigeants se trompent d'adversaire et passent une bonne partie à s'étriper pour le plus grand bien de l'adversaire séculaire: l'Etat d'Israël et sa politique sioniste. En février 2006, contre toute attente, des stratèges occidentaux et malgré toutes les «méthodes utilisées», le Hamas gagne les élections législatives «propres et honnêtes» dirions-nous en Algérie, dans une transparence indiscutable attestée même par l'ancien président des Etats-Unis Jimmy Carter. Que se passe-t-il alors? L'Occident- nous entendons par-là l'Europe, les Etats-Unis- et Israël sonnèrent l'hallali. A défaut de changer le peuple comme le recommande Berthold Brecht quand il vote mal, cette sainte ligue a décidé de pourrir la vie des Palestiniens en les affamant et en créant entre eux la «fitna», la discorde. Lutte fratricide Toute la panoplie des sanctions a été appliquée sans succès, le peuple tenait à ses élections et à la légitimité du Hamas. Pour rappel, les Palestiniens, depuis un an, ont passé plus de temps à se battre entre eux qu'à tenter de libérer ce qui reste de la Palestine. Ainsi, à La Mecque le 8 février 2007, était signé en Arabie Saoudite, un accord de réconciliation entre le Hamas, le Fatah pour mettre fin à une année de violences partisanes: formation d'un gouvernement d'union nationale dirigé par Ismaïl Haniyeh. Le 17 mars: le Parlement investit le premier gouvernement établi entre le Fatah et le Hamas. Israël refuse de le reconnaître. Le 11 mai: les combattants du Hamas et les membres des forces de sécurité s'affrontent dans la Bande de Ghaza, au lendemain du déploiement de centaines d'hommes des forces de sécurité, première phase contestée du plan de sécurité. Le 11 juin: des tirs contre le siège du gouvernement ont fait 15 morts. Le 12 juin: le bureau du président Mahmoud Abbas à Ghaza et la maison du Premier ministre, Ismaïl Haniyeh, sont attaqués. Le 14 juin: le gouvernement Haniyeh est limogé. Abbas proclame l'état d'urgence. Le 15 juin: prise de contrôle de la Bande de Ghaza par le Hamas. Le Cicr fait état d'au moins 116 morts et 550 blessés depuis le 7 juin. Le 27 juillet: un rapport d'enquête met en cause l'appareil sécuritaire de l'Autorité palestinienne et ses chefs dans la chute de la Bande de Ghaza «A la suite de ces troubles, le président palestinien, Mahmoud Abbas, a rompu ses relations avec le Hamas, a déclaré un gouvernement d'urgence, suspendu les travaux du Conseil législatif Palestinien, arrêté des dizaines de représentants du Hamas et a annoncé qu'il commencerait des discussions immédiates avec le gouvernement israélien du Premier ministre, Ehud Olmert. Les Etats-Unis ont répondu aussitôt: ils ont exhorté Israël à débloquer des centaines de millions de dollars américains de recettes fiscales et ont dit qu'ils travailleraient en direction de la création d'un Etat palestinien. Ils ont fait pression sur Israël pour qu'il allège les restrictions à la circulation en Cisjordanie, accordé au gouvernement d'Abbas des dizaines de millions de dollars en aide économique et sécuritaire, et exhorté les nations arabes à soutenir le programme politique d'Abbas».(1) Pour Mark Perry, «la société palestinienne n'est pas divisée. La société palestinienne est plus unie qu'elle ne l'a jamais été». Le «coup d'Etat de Ghaza» n'a pas été lancé à Ghaza, mais à Ramallah et les forces qui ont amené l'instabilité dans la Bande de Ghaza ont été financées et armées par les Etats-Unis. Le Hamas représente le principal courant de la société. La défaite du Fatah n'est pas simplement une critique de sa corruption, mais de son incapacité à parler au nom du peuple palestinien. Le Fatah est faible, vieillissant, corrompu, désorganisé, et bien plus divisé que le Hamas. Abbas est de plus en plus isolé. Le non-paiement des salaires gouvernementaux aux membres du Hamas en Cisjordanie cause une profonde désillusion parce que cela transcende les clivages familiaux et tribaux. Donc, un frère, membre du Fatah est payé, alors qu'un autre, membre du Hamas, ne l'est pas. Par ailleurs, il est indéniable que l'ordre est revenu à Ghaza. L'absence de coups de feu et la disparition des hommes en armes qui peuplaient les rues de Ghaza sont les signes les plus visibles de l'ordre nouveau instauré dans le territoire: en deux mois, le mouvement islamiste s'est appliqué à mettre un terme au chaos sécuritaire et à faire respecter une politique de «tolérance zéro». L'islamisation de la société n'est pas la priorité du Hamas, assurent ses dirigeants. «Personne n'a jamais parlé d'instaurer la charia (loi islamique) ou un Etat islamique à Ghaza. Notre modèle, c'est la Turquie d'Erdogan. Pas les talibans!», assure Ahmed Youssef, conseiller du Premier ministre du Hamas.(2) Cependant, tout n'est pas rose, pour preuve, cette tentation totalitaire du Hamas qui a interdit une manifestation le 13 aout 2007. Naturellement, cette information est du pain bénit pour les médias qui veulent diaboliser le Hamas. Trois cents personnes ont, en effet, défilé une vingtaine de minutes aux cris de «Hamas! ce qui se passe à Ghaza n'est pas acceptable», «Où sont la sécurité et les droits de l'homme?», «Ô, Abbas, Ô, Haniyeh, nous voulons l'unité du peuple». Des journalistes se sont vu confisquer caméras et appareils photos. Des manifestants ont été arrêtés. Ces mêmes journalistes qui sont très discrets sur la situation humanitaire. Quelle est, en effet, la situation des Palestiniens? La Bande de Ghaza au bord de l'asphyxie! déplore Filippo Grandi, numéro deux de l'Unrwa, l'agence de l'Onu chargée des réfugiés palestiniens qui critique le régime sioniste pour être responsable de la situation, ô combien grave, des Palestiniens dans la Bande de Ghaza, des conditions difficiles dont le blocus des passages de communication de cette région, notamment celui d'Al Mantar par le régime sioniste, sont à l'origine. «Si le régime de blocus continue comme aujourd'hui, Ghaza risque de devenir une communauté 100% dépendante de l'aide internationale, isolée et fermée sur elle-même», avertit Filippo Grandi. Pour le responsable onusien, la Bande de Ghaza sera bientôt menacée d'implosion économique et se retrouvera au seuil d'une tragédie humanitaire...Il a appelé l'Autorité autonome à entreprendre des mesures d'urgence pour rouvrir les passages de communication de Ghaza.(3) Pendant que les Palestiniens de la Bande de Ghaza souffrent le martyr, certains sont bloqués depuis plus d'un mois aussi bien du côté égyptien que du côté israélien, chacun des deux camps attend que l'autre cède. Mahmoud Abbas, fort de la légitimité occidentale, n'arrête pas de se réunir avec Ehud Olmert...pour rien. «Le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, était apparemment plus enchanté par le banquet que lui avait préparé la femme du chef négociateur palestinien, Saeb Erekat, que par sa rencontre avec le président Mahmoud Abbas à Jéricho l'avant-veille», écrit le journal libanais As-Safir sur son site Web le 8 août, citant la chaîne de télévision israélienne Channel 10. Derrière tout ce théâtre, les résultats de la rencontre ont été aussi maigres qu'on pouvait s'y attendre. Olmert a publiquement affirmé son engagement pour une «solution à deux Etats», pendant que les porte-parole informaient la presse qu'Israël n'était prêt à discuter d'aucunes des questions fondamentales. Pourtant, pendant qu'il traite Olmert avec délicatesse à Jéricho, Abbas fait de son mieux pour s'assurer que les Palestiniens de Ghaza continuent à souffrir et à crever de faim par la fermeture des carrefours commerciaux et civils, et a renforcé le siège imposé par Israël depuis que les résistants du Hamas ont semé la déroute parmi les milices du Fatah soutenues par les USA et Israël en juin dernier. Une source qui travaille directement avec les ministres d'Abbas dans le «gouvernement d'urgence» non élu et illégal de Salam Fayyad m'a écrit que «Abbas avait explicitement donné l'ordre que la frontière de Rafah soit fermée, et qu'elle le reste, dans le but d'étrangler le Hamas». Cette source, que cette abomination a poussé à parler, mais qui a demandé à garder l'anonymat par crainte de représailles, a ajouté qu'Abbas «est prêt à voir son propre peuple mourir pour son jeu politique». Abbas «avait demandé à Israël et à l'Egypte d'empêcher tout mouvement des personnes d'Egypte vers la Bande de Ghaza par le carrefour frontalier de Rafah» et qu'«Abbas et nombre de ses aides avaient demandé que la requête ne soit pas rendue publique»(4)(5). «Abbas, sous veto de l'administration Bush, refuse de discuter, alors même que quelques dirigeants israéliens ont commencé à plaider pour un dialogue direct avec le Hamas. Un d'entre eux est Efraim Halevy, ancien chef des services secrets du Mossad. Halevy a exprimé des doutes sur la stratégie des USA de soutien à Abbas et d'isolement du Hamas, la nommant ´´fantasme politique´´. Il a appelé Israël à négocier une trêve à long terme avec le Hamas, ce que le mouvement a déjà offert. Abbas continue sans vergogne; il a récemment reçu un nouvel énorme arrivage d'armes -1 000 fusils- coordonné par Israël et la Jordanie, pour renforcer ses milices contre le Hamas.»(5) Deux conditions Que proposent les Européens dont nous dit le député honoraire, Jean-Claude Lefort qu'ils sont inféodés aux Etats-Unis? «10 ministres des Affaires étrangères de l'Union demandent à Tony Blair l'envoi d'une force internationale à Ghaza»! Tout d'abord, selon eux, cette force doit être déployée dans Ghaza. Veut-on régler militairement le compte au Hamas? Faire le «sale boulot» à la place de M.Olmert à Ghaza? Se comporter en supplétifs de l'armée israélienne? La première condition qu'ils posent, c'est «un accord interpalestinien». Mais ils ont tout fait pour que celui-ci, qui a pourtant abouti à La Mecque, soit considéré comme nul et non avenu et ils se sont félicités des décisions d'Abou Mazen procédant à la dissolution du gouvernement d'Union nationale. Maintenant l'aide a repris et même Israël est de la partie...en partie. Diaboliques, ils sont. Que s'est-il passé, en effet, après l'accord de La Mecque alors que le dialogue interpalestinien avait abouti et que les pays arabes relançaient de manière concomitante leur «Plan de paix» à Riyad? Ils ont «tout simplement» refusé de reconnaître le nouveau gouvernement d'Union nationale dans son entier et ils n'ont pas levé les sanctions. M.Olmert, quant à lui, a refusé les conditions du «Plan de paix» arabe, plan qui n'est rien d'autre que la reprise des résolutions pertinentes de l'ONU. Quant à la seconde condition posée, «un plan de paix» entre les deux parties, l'idée d'une conférence internationale qu'ils proposent de réunir «sans tarder», et qui est «la» bonne idée par laquelle il faut commencer, est refusée absolument par Israël et les USA. Et comme il fallait à tout prix qu'ils confirment leur soumission à ces deux pays, voilà qu'après que l'Union européenne a décidé de nommer Tony Blair comme représentant de l'Union au Proche-Orient, on apprend que le Quartet se réunira en juillet en Egypte pour «définir les détails et les objectifs de la mission de Tony Blair au Proche-Orient». L'envoyé spécial de l'Union européenne verra donc son mandat décidé par les USA!(6). La France semble vouloir marquer sa différence. Pour Agnes Rotivel, les échecs rencontrés par l'Administration Bush en Irak et en Afghanistan ne sont probablement pas étrangers à cette prise de conscience de l'urgence de trouver une solution à ce conflit. Que peut alors faire la France pour aider à une solution au Proche-Orient? Beaucoup, à condition de cesser de s'abriter derrière l'Union européenne comme elle l'a fait lors de la décision, le 10 avril 2006, de geler les aides à l'Autorité palestinienne parce que le Hamas avait remporté les élections. Une erreur à demi reconnue, en juin, par le nouveau ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. L'Union européenne aurait donc commis une erreur en accédant à la demande américaine d'inscrire le Hamas sur la liste des organisations terroristes, car cette procédure a conduit à l'impossibilité de négocier avec ses représentants, alors même qu'ils étaient élus par le peuple lors d'un scrutin unanimement reconnu comme démocratique par la communauté internationale. Et la suspension des aides fut une décision malheureuse, puisqu'elle a sanctionné les populations civiles et non les responsables politiques. La France et Bernard Kouchner, fin connaisseur du dossier, pourraient apporter leur expérience et leur bon sens pour qu'une juste solution au conflit israélo-palestinien soit enfin proposée aux Israéliens et aux Palestiniens.(7). Il est évident que la solution ne peut être qu'endogène. Ismaïl Hanyeh a fait un premier geste en se déclarant prêt à céder la place. Pour le moment, Mahmoud Abbas préférant l'ombre à la réalité tourne le dos et enfonce encore plus le peuple dans le désespoir. 1.Ali Abunimah: Abbas court à sa perte Alterninfo.net Lundi 13 Août 2007 Mark Perry Rootless Cosmopolitan à: www.tonykaron.com. 2.Karim Lebhour:Le Hamas imprime sa marque dans la bande de Ghaza La Croix 13/08/2007 3.L'Onu tire la sonnette d'alarme à Ghaza Communiqué de l'Unrwa 9 Août 2007 4.«Abbas demande que le point de passage Ghaza-Egypte de Rafah reste fermé», Haaretz, 18 juillet 2007. 5.Ali Abunimah: La guerre de Mahmoud Abbas contre le peuple palestinienlterinfoNet.com 6.Jean-Claude Lefort: Palestine: une politique de va-t-en guerre. 11 juillet 2007 7.Agnès Rotvel: Paris a un rôle à jouer au Proche-Orient. Journal La Croix du 13 août 2007