Le parvis de la Maison du peuple, à Alger, a servi, hier, de tribune à de nombreux syndicats pour dénoncer les violations des libertés syndicales. Un imposant rassemblement, auquel ont pris part la Coordination des lycées d'Alger (CLA), le Snapap, l'Unpef, l'association estudiantine Nedjma, les syndicats des Douanes (SND), des dockers, de la BEA et de la BDL, de la Cnan, de l'Entmv, de Presco, a été organisé à l'appel de la coordination des syndicats (UGTA) des entreprises portuaires élargie aux représentants des travailleurs de nombreux autres secteurs. Des banderoles avec des slogans tels que : « Oui à un syndicat démocratique et populaire », « Halte aux violations des libertés syndicales », « Non au harcèlement des syndicalistes » ont été hissées durant cette manifestation qui se voulait « une mise en garde à l'égard de ceux qui violent le droit des travailleurs à des activités syndicales ». Prenant la parole, Redouane Osmane, porte-parole du CLA, a appelé à la construction d'une convergence des luttes pour la défense des droits socio-professionnels des travailleurs. « Comment un membre du Bureau international du travail accepte-t-il de se taire quant aux violations aussi flagrantes des principes des libertés syndicales ? Il faut se mobiliser et être solidaires avec tous les travailleurs et les syndicalistes harcelés, menacés ou malmenés. La suspension de Ahmed Badaoui n'est qu'un cas parmi des milliers d'autres ayant fait l'objet de harcèlement. Il faut donc unir nos forces, poursuivre le combat et arrêter la démarche à suivre », s'est-il interrogé. Intervenant dans le débat, Ahmed Badaoui, secrétaire général du SND, suspendu de ses fonctions par son employeur et de ses activités syndicales par Sidi Saïd, patron de l'UGTA, a déclaré : « Nous sommes là pour dénoncer le harcèlement et les intimidations dont sont victimes des milliers d'autres syndicalistes. Il est temps, aujourd'hui, d'aller vers une meilleure mobilisation avec l'ensemble des mouvements et syndicats qui militent pour la défense des droits des travailleurs. Cette lutte ne se mène pas dans les couloirs et les coulisses mais sur le terrain. » Rachid Aït Ali, chargé de la communication auprès du secrétariat national de l'UGTA, porteur d'un message, a expliqué à l'assistance que Sidi Saïd « ne peut recevoir que 5 ou 6 personnes, les autres doivent introduire une demande d'audience ». Une déclaration mal perçue par les travailleurs. Ahmed Badaoui a fustigé Sidi Saïd en disant : « Notre démarche consistait à dépêcher une délégation de travailleurs pour voir Sidi Saïd afin de lui remettre les revendications des syndicalistes, étant donné qu'il sert de courroie de transmission avec les autorités. Son refus de recevoir des syndicalistes est une honte. La gestion d'un syndicat n'est pas celle d'une administration. Si ce refus avait émané d'un ministre ou d'un directeur général, nous aurions compris et accepté. Mais qu'il vienne d'un secrétaire général d'une organisation syndicale, c'est inadmissible. » Redouane Osmane du CLA a précisé qu'il n'y a aucun complexe à regrouper plusieurs syndicats autonomes sous la même casquette, pourvu qu'il y ait « convergence des revendications ». Le représentant de l'Unpef a exprimé la solidarité de son organisation qui s'apprête à lancer une grève de trois jours en février. « Nous sommes un syndicat agréé, mais les pouvoirs publics nous font subir un harcèlement quotidien pour nous dissuader d'organiser des grèves ou des actions de protestation auxquelles nous recourons pour faire aboutir nos revendications socioprofessionnelles. » Pour sa part, le représentant des travailleurs de la société Batos, ex-Erca, dissoute il y a 16 mois sans que la situation des 1400 employés ne soit réglée, a dénoncé l'absence de communication entre la base et les travailleurs affilié à l'UGTA. « Nous lui avons transmis une lettre, le 17 juin dernier, et à ce jour aucune réponse ne nous a été donnée. Il y a des travailleurs qui n'arrivent plus à subvenir aux besoins les plus élémentaires de leur famille. Ils n'ont même pas de quoi acheter une baguette de pain et un litre de lait. L'un d'eux, dont la mère et le fils sont handicapés, a fini par se suicider à Belcourt. C'est un véritable drame que nous vivons et lui, il se contente de regarder de loin. » La présidente du syndicat du prescolaire et l'association Nedjma ont, elles aussi, exprimé leur soutien et leur solidarité à Ahmed Badaoui, tout en appelant les syndicalistes à unir leurs forces pour faire aboutir leurs revendications. De nombreux autres syndicalistes ont pris également la parole avant que la délégation reçue par Sidi Saïd ne rende compte de l'entretien. Les émissaires ont affirmé que le patron de l'UGTA s'est engagé à lever la suspension de Badaoui, décidée par l'administration douanière. Un geste venu un peu tard dans la mesure où Badaoui est d'office réintégrable à son poste, du fait que sa suspension a dépassé le délai d'un mois et un jour prévu par la loi. Sidi Saïd a néanmoins maintenu sa décision de suspension de toute activité syndicale qu'il a prise contre Badaoui, en annonçant que son dossier sera examiné par la Commission nationale exécutive (CEN). Il a également annoncé qu'un congrès extraordinaire du SND aura lieu prochainement. Ce même congrès que le directeur général des Douanes a toujours demandé. Il est tout de même inquiétant de voir Sidi Saïd décider d'un congrès extraordinaire pour un syndicat qui est à trois années de la fin de son mandat au moment où de nombreux autres syndicats ont dépassé de plusieurs années leurs mandats, à commencer par le secrétariat national de l'UGTA qui est en retard de cinq mois. En tout état de cause, les participants au rassemblement se sont entendus pour se réunir dans les jours qui viennent et décider des actions à mener à l'avenir.