L'administration douanière accuse le concessionnaire de la marque Mercedes de «pratiques frauduleuses». Elle exige la fermeture de l'entrepôt privé et la saisie de 225 véhicules. L'opérateur conteste la sanction qu'il qualifie de «disproportionnée» par rapport aux erreurs constatées et exige une contre-expertise. C 'est le branle-bas de combat entre l'administration douanière et le concessionnaire de la marque Mercedes à Alger. A l'origine, un litige qui porte sur 225 véhicules entreposés dans une zone libre, à proximité de l'entrepôt privé sous douane appartenant à l'opérateur. Tout a commencé avec une inspection douanière durant le mois de juin dernier. Les documents en notre possession montrent qu'en date du 4 octobre 2011, le chef de l'inspection divisionnaire d'Alger Pins Maritimes a saisi le directeur régional des Douanes d'Alger extérieur, lui demandant de lui indiquer «la conduite à tenir en ce qui concerne le blocage des transferts vers l'entrepôt privé GMS et la suspension de dédouanement des 225 véhicules entreposés au niveau de la zone libre». En réponse à ce courrier et à un télex daté du 11 octobre, le responsable indique qu'«il y a lieu de procéder au dédouanement immédiat des véhicules se trouvant en zone libre et le cas échéant leur admission dans la zone agréée de l'entrepôt privé ou leur transfert immédiat vers un entrepôt public. Il y a lieu de maintenir le blocage du transfert jusqu'à régularisation complète de cette situation». Le 28 novembre, un autre télex émanant du directeur régional d'Alger extérieur et adressé toujours au chef de l'inspection divisionnaire des Pins Maritimes revient sur ses instructions en demandant d'autres mesures. Il écrit : «Vous m'informez du constat établi par vos services concernant le nombre de véhicules se trouvant actuellement au niveau de l'entrepôt GMS et ceux appartenant au dit exploitant stationnés au niveau de la zone libre. Vous me demandez de vous instruire pour les mesures à prendre concernant ces véhicules. Comme suite, il y a lieu de bloquer toute opération de douane de ces véhicules en perspective de leur saisie à titre conservatoire en application de l'article 290 du code des Douanes.» Une semaine plus tard, le directeur par intérim des régimes douaniers saisit par un courrier «confidentiel» le directeur régional des Douanes d'Alger extérieur, et le directeur du contentieux sur ce qu'il qualifie «d'infractions constatées» au niveau de l'entrepôt de GMS. Il affirme que «l'enquête ouverte par les services des Douanes au niveau de l'entrepôt privé exploité par la Sarl German Motors Service, à Dély Ibrahim, a fait état de plusieurs pratiques frauduleuses». Celles-ci son énumérées comme suit : «L'entreposage de véhicules sous le régime de l'entrepôt, dans des espaces non agréés par la douane, livraison de véhicules sous le régime de l'entrepôt, avant la souscription de la déclaration de mise à la consommation et enfin livraison de véhicules objets de déclaration de mise à la consommation avant l'acquittement des droits et taxes». Le responsable indique qu'il s'agit «de pratiques répétitives en violation de la législation et de la réglementation régissant les entrepôts privés». En conséquence, dit-il, et «en application des instructions des autorités supérieures il y a lieu d'engager la procédure de fermeture de tous les entrepôts sous douane exploités par la société GMS, d'exclure celle-ci du bénéfice du régime de l'entrepôt pour abus d'utilisation de cette facilité, d'engager immédiatement la procédure de dépôt de plainte pour les infractions constatées, d'exclure toute option de transaction dans le règlement de ce dossier et de diligenter une enquête sur les dépassements en niveau de cet entrepôt…». En conclusion, le directeur des régimes douaniers rappelle à ses subordonnés qu'ils sont «tenus d'assurer le contrôle périodique et rigoureux des opérations de dédouanement au niveau des entrepôts». Cette correspondance a été suivie par l'ouverture d'une enquête sur tous les entrepôts, privés notamment, des concessionnaires de véhicules. Du côté de la société GMS, toutes ces accusations sont récusées. Son président-directeur général, Hadj Abderrahmane Ouafik, estime que les sanctions imposées par l'administration douanière sont «disproportionnées par rapports aux erreurs constatés». Le PDG de GMS récuse toutes les accusations et exige une contre-enquête Le responsable reconnaît que lors de la première mission d'inspection des douanes, effectuée au mois de juin dernier au niveau de l'entrepôt privé, «225 véhicules ont été trouvés stationnés dans la zone libre non agréée située à quatre ou cinq mètres de l'entrepôt sous l'œil vigilant du douanier qui veille au contrôle. Il y a des véhicules en cours de dédouanement et d'autres en attente. Pour nous il s'agit peut être d'une erreur, mais qui ne méritait pas toute cette batterie de sanctions». Il explique que la présence de ces véhicules «en dehors, mais à proximité», de l'entrepôt sous douane est due essentiellement aux lenteurs de la procédure de dédouanement. «Depuis le début de l'année écoulée nous avons été assaillis par les demandes de véhicules dans le cadre du dispositif de l'Ansej et de la Cnac. Les bénéficiaires déposent une partie de l'argent et le reste est débloqué après au moins trois mois. Durant cette période, les véhicules sont en attente et le programme d'importation s'est poursuivi. Nous étions dépassés par stock de véhicules. L'entrepôt sous douane était au complet ce qui nous a obligé à mettre une partie à quelques mètres seulement. Le douanier en charge du contrôle a lui-même constaté la situation de surplus de stock», déclare le PDG, en précisant qu'«en aucun cas il n'était dans notre intention de frauder ou de nous soustraire aux droits et taxes douaniers». Interrogé sur les éventuels véhicules vendus sans dédouanement, M. Hadj Abderrahmane a été catégorique. Pour lui, il s'agit d'une confusion. «C'est le contrôle documentaire qu'ils ont effectué qui a fait ressortir quelques cartes jaunes manquantes. Or, lorsque le client paye son véhicule, je suis dans l'obligation de lui remettre la carte jaune pour qu'il puisse s'acquitter de l'assurance. C'est une question de deux ou trois jours au maximum. Mais tout a été régularisé.» Le PDG de GMS reconnaît «quelques petites erreurs» en se déclarant «prêt à les assumer et à payer». Il affirme avoir saisi par écrit mardi dernier le directeur général des Douanes, lui demandant d'ouvrir une «contre-enquête». Il ajoute : «J'insiste sur cette contre-expertise parce que je sais que mes erreurs ne sont pas à la hauteur des sanctions que je subis. Depuis 1996, jamais je n'ai été épinglé pour une quelconque infraction. Je me suis toujours acquitté des droits et taxes. Les sanctions qui me sont appliquées sont en train d'asphyxier ma société. Si la situation perdure, je risque de mettre au chômage les 400 employés.» Entre les propos du responsable et l'enquête de l'administration douanière, il y a quelque chose qui n'apparaît pas et qui suscite de lourdes interrogations.