Un nouveau pas a été franchi hier dans le traitement du dossier du nucléaire iranien avec la décision des cinq membres permanents du Conseil de sécurité réunis, lundi à Londres, de demander à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de saisir officiellement le Conseil de sécurité pour statuer sur ce dossier. Les ministres des Affaires étrangères des pays membres du Conseil de sécurité (les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la Chine et la Russie) ainsi que celui de l'Allemagne et le représentant de l'Union européenne pour la politique, étrangère, Javier Solana, ont pu trouver un consensus particulièrement avec la Russie et la Chine qui freinaient des quatre fers pour empêcher que l'Iran ne soit traînée devant le Conseil de sécurité. Les pressions américaines, qui se sont accentuées sur l'Iran depuis l'arrivée au pouvoir du président ultraconservateur, Mahmoud Ahmadinejad, ont pris le pas sur la diplomatie parallèle menée, notamment, par Moscou avec sa proposition faite à Téhéran d'enrichir son uranium en Russie pour désamorcer la crise. Les pays de la troïka de l'Union européenne (France, Grande-Bretagne et Allemagne), engagés dans un long processus de négociation politique avec l'Iran sur son dossier nucléaire, ont fini eux aussi par rallier la position américaine visant à renforcer l'autorité de l'AIEA et à impliquer le Conseil de sécurité dans ce conflit. Il est vrai que la décision des cinq membres permanents du Conseil de sécurité est fondamentalement politique et qu'elle ne signifie pas que l'on s'achemine inexorablement vers la solution extrême d'une condamnation sans appel de l'Iran assortie de sanctions internationales. Les pays membres du Conseil de sécurité, sous l'influence de la Russie et de la Chine et de manière un peu plus nuancée depuis ces dernières semaines, des pays de la troïka de l'UE, ont laissé la porte du dialogue ouverte avec l'Iran, en s'accordant un délai d'un mois pour arrêter une décision définitive sur la conduite à tenir face à l'Iran. Cette décision est tributaire des conclusions du rapport du directeur général de l'AIEA, M. Al Baradei, qui devrait présenter le 6 mars prochain devant le Conseil des gouverneurs de l'agence onusienne de l'énergie atomique. Mais compte tenu de l'intransigeance de l'Iran qui continue à camper sur ses positions faisant valoir son droit de se doter de l'arme nucléaire pour des objectifs civils, il y a fort à parier que la machine, dissuasive pour l'heure, qui s'est mise en branle contre l'Iran ne tardera pas à se transformer en outil de répression pour amener l'Iran à renoncer à son programme nucléaire. Les autorités iraniennes s'abritent derrière le bouclier de la légalité internationale, en rappelant aux membres permanents du Conseil de sécurité qu'il n'existe aucune base juridique dans le cadre du règlement de l'AIEA pouvant être invoquée pour épingler l'Iran. Les Européens « ne pourront pas trouver de base juridique » pour transférer le dossier nucléaire iranien au Conseil de sécurité de l'Onu, a affirmé hier le chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA), Gholamreza Agazadeh. Les Iraniens savent qu'ils font dans l'angelisme politique en retournant à leurs détracteurs les mêmes armes, celle du droit international. La tragédie du conflit irakien est, en effet, encore vivace dans les esprits pour rappeler les graves dérives commises au nom de la légalité internationale et de la préservation de la paix dans le monde et ne pas craindre de nouveaux dérapages, dont nul ne peut prévoir l'issue. Pour rassurer ses partenaires européens, Téhéran a annoncé hier par la voix de son ministre du Pétrole, Kazem Vaziri Hamaneh, qu'il n'avait pas proposé de réduction de la production de pétrole à la réunion de l'Opep qui se tient à Vienne. Ce n'est pas là, l'avis du ministre libyen de l'Energie, qui a estimé hier à Vienne que le transfert du dossier nucléaire iranien devant le conseil de sécurité aura fatalement des retombées sur les cours du pétrole. Dans ce bras de fer entre l'Iran et certains membres du Conseil de sécurité emmenés par les Etats-Unis, l'Iran veut encore croire à une solution négociée. « Informer ou saisir le Conseil de sécurité du dossier nucléaire iranien signifie la fin de la diplomatie », a déclaré hier Ali Larijani, principal dirigeant iranien en charge du nucléaire après la décision des cinq membres permanents de saisir le Conseil de sécurité. Il reste à savoir quelles sont les concessions que l'Iran pourrait faire d'ici le 6 mars prochain, date butoir de la remise du rapport du directeur général de l'AIE au Conseil des gouverneurs de l'Agence pour éviter le traitement de choc que l'on semble réserver à ce pays. Et comment va évoluer le rapport de force au sein du Conseil de sécurité entre les partisans de la fermeté et de la manière forte pour faire « entendre raison » à l'Iran et ceux qui comme la Chine et la Russie veulent à tout prix éviter cette solution du pire en donnant de nouvelles chances au dialogue et à la négociation.