Le Conseil de sécurité a pris tout son temps dans le dossier nucléaire iranien. L'expiration, le 27 février dernier, de l'ultimatum fixé par une de ses résolutions trois mois auparavant, n'a donné lieu à aucune action spectaculaire. Les diplomates ont pris tout leur temps, s'engageant même — s'agissant des Américains — dans des actions qui auraient pu laisser comprendre que la voie d'un compromis n'était pas aussi étroite qu'on le pensait. Et depuis deux jours, elle semble nulle effectivement au regard des informations en provenance des Nations unies. L'Afrique du Sud a proposé lundi que le Conseil de sécurité accepte un gel simultané de ses sanctions contre l'Iran et de l'enrichissement d'uranium par Téhéran, idée qui n'a guère de chances d'être retenue alors que le Conseil s'apprête au contraire à discuter d'un alourdissement des sanctions. Pretoria souhaite amender le projet de nouvelles sanctions contre l'Iran déposé jeudi au Conseil de sécurité, en proposant ce gel simultané pour trois mois. Selon ces amendements, l'octroi à l'Iran d'une « période de grâce de 90 jours » permettrait « une réduction des tensions et créerait l'occasion (...) de reprendre les négociations pour une solution à long terme » de la question nucléaire iranienne. Suivant cette logique, Pretoria propose également de supprimer du projet de résolution toute nouvelle mesure envisagée contre Téhéran, comme l'embargo sur les achats d'armes en provenance d'Iran. Il demande également la suppression de toutes les entités et personnalités non liées directement aux programmes nucléaire ou balistique iraniens des listes des cibles des sanctions individuelles, comme les Gardiens de la révolution. L'idée d'une suspension simultanée de l'enrichissement d'uranium iranien et des sanctions du Conseil avait été lancée au début de l'année par le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed El Baradei. Par là, ce dernier avait souhaité une « pause » dans l'escalade de la tension entre la République islamique et la communauté internationale. Membre non permanent du Conseil de sécurité depuis janvier, l'Afrique du Sud en assure ce mois-ci la présidence tournante. Mais elle n'y dispose pas du droit de veto, privilège des cinq membres permanents (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie). Ceux-ci se sont accordés la semaine dernière sur un projet de résolution alourdissant les sanctions imposées à Téhéran par la résolution 1737, de décembre dernier, pour son refus de suspendre ses activités nucléaires sensibles, et en ajoutant de nouvelles. Ils l'ont communiqué aux dix membres non permanents qui l'ont transmis à leur capitale pour examen. Selon l'ambassadeur d'Afrique du Sud, Dumisani Kumalo, les Européens, rédacteurs du projet, ont demandé la tenue de discussions informelles « sur des questions liées » à la résolution mais « pas pour négocier ». Les premières négociations sur le texte en séance plénière du Conseil sont toujours prévues pour aujourd'hui, a-t-il précisé. Désaccord tactique ? L'autre élément qui ne serait pas tout à fait nouveau, puisqu'il alimente une certaine controverse depuis quelques semaines, a trait à la relation entre l'Iran et son fournisseur. En effet, et après qu'il ait été question d'argent, c'est-à-dire que l'Iran n'avait pas totalement honoré ses engagements pour que la Russie puisse en faire autant, la presse américaine développe de nouvelles thèses. La Russie a prévenu l'Iran qu'elle refuserait de lui livrer du combustible pour sa centrale atomique de Bouchehr s'il ne suspendait pas son programme d'enrichissement d'uranium comme l'exigent les Nations unies, affirmait hier le New York Times citant des sources anonymes américaines, européennes et iraniennes. Igor Ivanov, le secrétaire du Conseil de sécurité russe, a posé cet ultimatum la semaine dernière lors d'une visite à Moscou du numéro deux du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, Ali Hosseini-Tash, écrit le quotidien américain, citant des hauts responsables sous le couvert de l'anonymat. Mais selon une source diplomatique européenne, citée par le journal, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait informé les gouvernements européens le mois dernier que la Russie avait décidé de ne pas livrer le combustible, les prévenant qu'elle invoquerait officiellement la question d'un retard de paiements. « Nous considérons cela comme une décision très importante de la part des Russes. Cela montre que notre désaccord sur la question du programme nucléaire iranien n'est que tactique », a déclaré un haut responsable européen. « Fondamentalement, les Russes ne veulent pas d'un Iran nucléaire. » Un haut responsable iranien a également confirmé que la Russie avait prévenu Téhéran que le combustible ne serait livré qu'après la suspension du programme d'enrichissement d'uranium, ajoute le New York Times. Ce qui rendrait dérisoires les efforts iraniens dans le processus d'enrichissement puisque l'ensemble des éléments ne sont pas réunis. Et dire qu'un tel vote, s'il venait à avoir lieu, pourrait se dérouler en présence du président iranien Mahmoud Ahmadinejad alors même qu'il faisait preuve de beaucoup d'assurance, contrairement à d'autres dirigeants qui l'appelaient à plus de souplesse et de réalisme.