Les manifestants exigent l'annulation pure et simple de la liste des bénéficiaires des 190 logements sociaux, à l'origine de ce mouvement de contestation, et le limogeage du wali et du chef de la sûreté de wilaya. Le mouvement de protestation, entamé depuis une semaine par la population de Laghouat (400 km au sud d'Alger), s'est poursuivi hier avec un appel à une marche pacifique, vers 15h, laquelle a été avortée par les forces de l'ordre. Les manifestants, qui occupent toujours la place de la Grande-Poste, à quelques encablures du siège de la wilaya, ne décolèrent pas. Ils exigent l'annulation pure et simple de la liste des bénéficiaires des 190 logements sociaux, à l'origine de ce mouvement de contestation, et le limogeage du wali et du chef de sûreté de la wilaya. Près d'un millier de manifestants étaient encore massés, hier en fin de journée, aux alentours du commissariat central où régnait une vive tension. Encerclé par les forces de l'ordre, un groupe de jeunes essayait de bloquer la route et tentait de forcer le cordon de sécurité, peu après 16h, en vain. Quelques escarmouches sont enregistrées ici et là, à des proportions variées, mais pas de heurts violents comme ce fut le cas mercredi dernier. «Les policiers se font plus discrets après la brutalité disproportionnée dont ils ont fait preuve mardi», explique Yacine Ziad, président du bureau local de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (Laddh). Mardi dernier, la police avait fait usage de bombes lacrymogènes pour disperser la foule qui manifestait pacifiquement, rappelle-t-il. Selon Yacine Ziad, une trentaine de jeunes ont été interpellés et plusieurs autres ont été blessés lors d'affrontements particulièrement violents. «Rien ne justifie un tel déchaînement de violence de la part des forces de l'ordre face à des citoyens qui, pourtant, manifestaient pacifiquement», poursuit-il. «Les policiers ont procédé à des interpellations musclées à partir de 7h. Certains jeunes ont été tirés leur lit sans ménagement.» Sur la place de la Grande-Poste, des exclus du logement social exhibent les listes des indus bénéficiaires, dont plusieurs appartiennent à une même famille. «Vingt-cinq personnes d'une même famille, n'ouvrant aucunement droit au logement social, ont bénéficié de logements neufs, alors que certains attendent d'être logés depuis 15 ans», s'indigne Hamid, ingénieur. Un homme, dans la foule, crie sa colère contre les responsables locaux : «Trop d'injustice, trop de corruption, nous ne voulons plus de ce wali», s'écrie-t-il sous les acclamations. «Nous avons décidé de rester jusqu'à ce que les listes des indus bénéficiaires soient annulées et que les responsables de ces dépassements rendent des comptes», nous fait savoir l'un des organisateurs du mouvement, alors qu'une partie des manifestants réclame une occupation de la rue pour une durée indéterminée. LES MANIFESTANTS ARRÊTES LIBERES HIER Devant le siège de la wilaya, les discussions s'enchaînent et se ressemblent. Elles tournent toutes, sans exception, autour des affrontements durement réprimés par les forces de l'ordre en cette journée du mardi 10 janvier. Selon de nombreux témoins, les manifestants arrêtés mardi à Laghouat suite aux affrontements avec les forces antiémeute ont été libérés hier, par petits groupes. Selon le chef de la cellule de communication à la direction de sûreté de la wilaya, Ismaïl Medeken, cité par l'APS, trente personnes ont été libérées. «Des jeunes ont été libérés mercredi à 3h du matin, après avoir été auditionnés sur PV», selon Toufik, jeune militant des droits de l'homme. Se décrivant comme «apolitique et citoyen», Toufik estime que tant que l'impunité et les abus subsistent, «il n'y aura pas de retour à la normale à Laghouat». Une source à la wilaya de Laghouat a indiqué hier que la liste des bénéficiaires a été gelée sur décision du wali. «Des possibilités de recours existent pour ceux qui ne figurent pas dans la liste», affirme cette même source, tout en minimisant l'ampleur des heurts qui ont opposé la police aux manifestants. La région de Laghouat, l'une des plus importantes zones pétrolifères d'Algérie, vit depuis plusieurs jours au rythme de grèves et de mouvements de protestation déclenchés par des demandeurs de logements sociaux et des chômeurs.