Le phénomène de la violence est loin d'être balayé de nos universités. Avant-hier, de graves incidents ont eu lieu à l'intérieur de la cité universitaire de garçons de Boudouaou El Bahri, à l'ouest de Boumerdès. De violents affrontements ont éclaté vers 22h, au cours d'un gala artistique, entre les habitants du site des chalets jouxtant la résidence (2000 lits) et les étudiants. Le bilan fait état d'une trentaine de blessés, dont une vingtaine parmi les résidents. Six d'entre eux ont été évacués, dans la même soirée, vers les infrastructures sanitaires de la région. Les affrontements ont causé également d'importants dégâts matériels. L'on déplore le saccage du foyer et d'équipements de bureau se trouvant à l'intérieur de l'administration et du poste de garde de la résidence. Même le carrelage a été arraché ; il a été utilisé par les étudiants pour se défendre. Hier, toutes les facultés de l'université M'hamed Bouguerra ont été paralysées par les étudiants qui ont tenu à dénoncer «ces graves incidents qui se sont produits à cause du laxisme des agents de sécurité et des services de maintien de l'ordre». Les heurts ont débuté suite à une altercation entre un résident et un jeune habitant des chalets qui s'était introduit pour assister à la soirée artistique organisée par Solidarité nationale estudiantine (SNE), à l'occasion du nouvel an berbère. Ce différend, qui a mal tourné, a pris une autre tournure après l'intervention d'autres personnes. Les résidents parlent d'une agression à coups de couteau d'un de leurs camarades par un habitant des chalets. Ils précisent que des dizaines de jeunes ont pu accéder à l'intérieur de la cité pour partager les moments de joie offerts pour la circonstance avant de s'en prendre aux organisateurs. La soirée était animée par des artistes amateurs, entre autres cheb Fayçal, chaba Zahia et cheb Saleh. Mais la fête s'est mal terminée, car un groupe «d'intrus», profitant du relâchement de la sécurité, a tout gâché. Une soirée artistique qui a mal tourné Les «invités indésirables» ont en effet transformé la résidence en une arène d'affrontements à coups de pierre et de barres de fer. L'échange de coups entre les deux parties a duré plus de quatre heures, sans qu'aucune autorité ne s'interpose pour instaurer le calme. Les assaillants ont pour la plupart réussi à accéder à la résidence par les murs de clôture. Certains indiquent qu'ils auraient trompé la vigilance des agents de sécurité après une coupure d'électricité. Mais la réaction des étudiants ne s'est pas fait attendre puisqu'ils se sont aussitôt mobilisés pour défendre leur territoire contre ce qu'ils ont perçu comme «des envahisseurs». «Ils étaient armés de barres de fer et de gourdins. Certains étaient ivres. Les agents n'ont rien pu faire pour les arrêter et les gendarmes regardaient de loin sans rien faire», relate Nassim, un étudiant en électronique rencontré devant la résidence hier. Et d'ajouter : «Un étudiant a perdu un œil ; un autre a chuté du toit du foyer, alors qu'un troisième a été agressé à coups de couteau. Ils ont été évacués par la Protection civile vers l'hôpital Mustapha.» «Les autres blessés ont été tous soignés à l'intérieur de la cité avec les moyens du bord», témoigne Nassim. Comment de tels incidents ont-ils pu se produire ? Apostrophé à l'entrée de la cité, le président de la SNE précise qu'il a pris toutes les dispositions nécessaires pour la réussite des festivités de Yennayer. «Nous avions formulé une demande le 3 janvier au directeur pour assurer la sécurité. Nous avions organisé une conférence animée par le docteur Hamid Obagha et nous avions prévu une pièce théâtrale pour aujourd'hui, mais elle a été annulée à cause de ce qui s'est passé», a-t-il indiqué. Notre interlocuteur réclame par la même occasion le renforcement de la sécurité aux alentours de la résidence, soulignant que plusieurs agressions ont été commises ces derniers mois contre des étudiants. Manques en tous genres «Nous sommes livrés à nous-mêmes. On demande la présence permanente de gendarmes sur la route longeant la cité. C'est un endroit isolé qui n'est doté d'aucune commodité», déplore le président de la SNE. De son côté, le chef des agents de sécurité précise que son effectif est insuffisant pour assurer sa mission : «Je suis à la tête de six agents. Moi-même j'ai été agressé à l'arme blanche au cours des incidents.» Et d'ajouter qu'il a pris soin de se déplacer à la brigade de gendarmerie de Boudouaou El Bahri, lui demander d'intervenir pour le bon déroulement de la soirée. Mais les étudiants ne l'entendent pas de cette oreille et l'accusent d'avoir failli à sa mission. «Seuls une dizaine de gendarmes sont venus, malgré l'insécurité qui règne dans les environs», regrette un étudiant natif de Blida. Interrogé, le directeur s'est montré très réticent. Il qualifie ce qui s'est passé «d'inadmissible» et reconnaît que les étudiants sont exposés à de sérieux risques d'agression à l'extérieur de la cité. Profitant de notre présence, les résidents, originaires de différentes wilayas du pays, nous ont fait part des difficultés qu'ils rencontrent à longueur d'année. «Il n'y a rien ici, sauf les chalets. Pour prendre un café, nous devons aller jusqu'à Boudouaou. La résidence n'est dotée ni de bibliothèque ni de salle internet», se plaignent-ils. En outre, nos interlocuteurs déplorent les coupures fréquentes d'électricité et l'absence de chauffage et de douches. Les habitants des chalets précisent, quant eux, avoir été surpris par la réaction des étudiants. «Ce sont eux qui nous ont attaqués car ils ne se sont pas mis d'accord sur la manière d'assurer le bon déroulement du spectacle. La première bagarre a éclaté entre eux, puis ils s'en sont pris à nous», se défendent-ils, avant de rappeler le calvaire qu'ils vivent en raison du manque de loisirs et d'infrastructures culturelles au niveau de leur quartier.