Journée nationale de la commune: un nouveau système de gestion des collectivités locales en 2025    Zerrouki insiste sur la qualité des prestations et la promotion du e-paiement    70e anniversaire de la mort de Didouche Mourad: conférence sur le parcours du chahid    Assainissement: traitement de près de 600 millions m3 d'eaux usées par an    Foot / Ligue des Champions (Gr: A - 6e et dernière journée) : héroïque en Tanzanie, le MC Alger qualifié en quarts de finale    Foot: clôture du Séminaire sur la gouvernance organisé par la CAF à Alger    Commerce: un programme proactif pour éviter toute éventuelle perturbation sur les marchés    La Coopérative Oscar pour la culture et les arts de Biskra commémore le 21e anniversaire de la mort du musicien Maati Bachir    Intempéries: plusieurs routes coupées en raison de l'accumulation de la neige    Conseil de sécurité: la diplomatie algérienne réussit à protéger les avoirs libyens gelés    Cancer de la prostate: le dépistage individuel seul moyen de prendre connaissance de la pathologie    Le Caftan constantinois: un des habits féminins prestigieux incarnant l'authenticité algérienne    Volley/Mondial 2025 (messieurs) - Préparation : le Six national en stage à Alger    L'attaque "lâche" contre le siège de "Global Aktion" vise à empêcher toute forme de solidarité et de soutien au peuple sahraoui    Agression sioniste: environ 35 enfants palestiniens tués par jour à Ghaza, selon l'UNICEF    Chutes de neige sur les reliefs de l'ouest du pays à partir de samedi    La valorisation du savoir et la bonne gouvernance et non le volume des réserves d'or qui permet le développement d'un pays    Vers l'importation de près de 28.000 tonnes de viandes blanche et rouge    LG lance un service de streaming audio gratuit    Bensaha deuxième recrue hivernale de l'USMH    Les Verts ratent leur sortie et déçoivent leurs fans    Championnat d'Arabie saoudite : L'Algérien Yousri Bouzok s'engage avec Al-Raed    Le ministre présente ses condoléances suite au décès du Moudjahid Mohamed Hadj Hamou,    Le Président Tebboune a reçu les responsables de médias    L'état du secteur de la communication et ses perspectives futures    Campagne de lutte contre la chenille processionnaire    Le wali en faveur du projet «SBA verte»    Mostaganem Premieres averses, grand soulagement    Poursuite des réactions internationales et appels au respect de l'accord    RDC : Appel à soutenir le processus de paix de Luanda    Vers un embargo sur les armes    Frédéric Berger n'est plus    Entre bellicisme médiatique et journalisme populacier    La 10e édition a tenu toutes ses promesses    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie auprès de la République de Sierra Léone    Batna: la dépouille mortelle du moudjahid Lakhdar Benchaïba inhumée au cimetière d'Arris        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Albert Camus, une œuvre toujours revisitée
L'Etranger : un criminel innocent ?
Publié dans El Watan le 02 - 02 - 2006

la réalité du roman L'Etranger met mal à l'aise le lecteur. Mais d'où vient la force d'impact qui a fait de ce court récit l'objet de tant de commentaires, d'analyses et de réflexions illimitées parmi les critiques littéraires et dans le monde universitaire d'une façon générale ?
C'est le caractère énigmatique du personnage de Meursault qui rend invisible la frontière entre la fiction et la réalité, à travers l'accomplissement d'un meurtre, pas n'importe lequel, celui de l'Arabe. Toute la ligne des commentaires, qui ont inscrit le roman dans la perspective historico-narrative, semblent privilégier cette représentation, comme si derrière cet acte criminel se profilait le crime colonial. Cette orientation a suscité diverses appréciations et a attiré l'attention de beaucoup d'écrivains et non des moindres, tel que le grand intellectuel américano-palestinien, Edward Saïd, qui, dans un livre remarquable - Culture et impérialisme - a démontré que l'auteur Albert Camus ne pouvait échapper à la mentalité coloniale de son temps. A la suite du grand philosophe J-P Sartre, d'autres critiques se sont penchées sur le chemin de la philosophie de l'absurde (suicide) qui imprègne « le mythe de Sisyphe », pour expliquer de façon plus ou moins exagérée les racines de L'Etranger. Si c'est à travers l'expérience du personnage de Meursault que l'écrivain Camus voulait révéler sa visée artistique, cette approche laisse échapper l'affectivité complexe et angoissante du livre, comme le laisse entendre le psychanalyste anglais, Masud R. Khan. Dérangeante, inclassable et irréprésentable, l'expérience criminelle du personnage de Meursault, énigmatique et innommable jusqu'à la méconnaissance du nom de la victime, identifiée par l'unique signifiant de différence culturelle, ne facilite guère ni l'accès ni l'entrée à une compréhension de ce que remue l'auteur dans son roman. Cette expérience a ouvert la voie à des lectures duels qui instruisent beaucoup plus le procès de l'écrivain (réalité) que le procès de vérité esthétique (fiction) à l'œuvre dans le roman. Est-elle indifférente au contexte de la réalité coloniale ? Certainement pas. Mais pour échapper au piège des lectures qui occultent l'interrogation sur les enjeux subjectifs qui poussent le personnage de Meursault à l'accomplissement de cet acte malheureux dans une situation sociale coloniale sans issue, il est peut-être nécessaire d'établir un lien avec le roman La Peste qui a été entamé en 1941, une année avant la publication de L'Etranger, pour n'être publié qu'en 1947, et ce, afin de circonscrire l'opacité et l'impasse criminelle du personnage de Meursault. Dans ce livre, Camus nous livre une figure de style paradoxal pour se représenter un archétype, où l'on peut reconnaître facilement le personnage de Meursault qui attente à la vie de l'Arabe. Voici un extrait de La Peste où l'écrivain déclare une vérité ultime : « J'ai pris le parti alors de parler et d'agir clairement pour me mettre sur le bon chemin. Par conséquent, je dis qu'il y a des fléaux et des victimes, et rien de plus. Si, disant cela, je deviens fléau moi-même, du moins, je ne suis pas consentant. J'essaie d'être un meurtrier innocent. Vous voyez que ce n'est pas une grande ambition. » Dans ce passage, Camus dépeint quelque chose de potentiellement nihiliste, à travers cette catégorie paradoxale du « meurtrier innocent ». Une innocence qui décharge le criminel de la culpabilité subjective et l'accusé de la culpabilité juridique. Cette figure du meurtrier innocent nous permet de réévaluer la sensibilité spécifique et paradoxale du personnage de Meursault afin de comprendre son incapacité d'entrer dans la symbolisation de son crime. Meursault ne manifeste aucune culpabilité, il est l'archétype même du « criminel innocent », pour qui la vie n'est que réalité sensible de pure corporéité, sans rapport d'altérité et sans représentation : « Le corps ne triche jamais ». Menacé par l'indifférenciation et la méconnaissance de l'autre, Meursault n'est que la révélation dramatique d'un personnage dans un contexte social dominé par la logique coloniale. S'il ne parvient pas à élaborer sa culpabilité pour se représenter son crime, c'est que le dogme de la violence coloniale l'enferme dans un duel et dans un non-sens qui l'aident de façon maladive à ne pas se reconnaître coupable : « J'avais remarqué que l'essentiel était de donner une chance au condamné. Une seule sur mille, cela suffisait pour arranger bien des choses. Ainsi, il me semblait qu'on pouvait trouver une combinaison chimique, dont l'absorption tuerait le patient (je pensais : le patient) neuf fois sur dix. » Que renferme cette nouvelle identité qui fait virer le récit où le personnage de Meursault ne se pense pas comme prisonnier, mais en tant que patient ? Le rapprochement a été vite fait par un grand nombre de critiques et par Camus lui-même qui pensait que le meurtre et le suicide sont les deux faces de la même pièce. La philosophie de l'absurde, qui s'est développée autour de ces grandes interrogations que soulève l'auteur, a oublié sinon occulté une grande vérité anthropologique de la tradition romano-canonique occidentale : le suicidé tue quelqu'un. Autre chose de beaucoup plus complexe. Si l'on s'interroge sur le suicide au Moyen Age, le désespoir n'était ni un sentiment ni un état psychique, mais un vice, une maladie. Même si le procureur déclare coupable Meursault d'indifférence filiale, le romancier Camus était loin d'être indifférent aux textes fondateurs de sa généalogie qui épongent la culpabilité.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.