Il a promulgué hier une amnistie générale pour tous les crimes commis depuis le mois de mars dernier. «Pas sérieux», jugent les Frères musulmans. Après avoir vainement essayé de mater par les armes la contestation populaire, le président Bachar Al Assad tente maintenant de désamorcer la crise en multipliant les gestes d'apaisement en direction de l'opposition en vue d'amener ses leaders à dialoguer. Alors que le commandement de l'Armée syrienne libre (ASL) affûte ses armes et se prépare à entrer en guerre, le régime a, lui, promulgué hier une «amnistie générale pour les crimes commis pendant les événements» qui secouent le pays depuis le 15 mars 2011. «Le président Al Assad a promulgué un décret stipulant une amnistie générale pour les crimes commis pendant les événements, entre le 15 mars 2011 et le 15 janvier 2012», a indiqué la très officielle agence Sana. L'amnistie, explique-t-on, concerne essentiellement des infractions à des lois sur les manifestations pacifiques, le port d'armes ou les déserteurs de l'armée. Même si la mesure peut paraître importante, il est cependant peu probable qu'elle contribue à ramener le calme. La raison tient d'abord au fait que depuis le mois de mars 2011, le sang à beaucoup coulé – l'ONU parle de 5000 morts dont plus de 400 après l'arrivée à Damas des observateurs arabes – et qu'ensuite l'opposition organisée au sein du Conseil national syrien (CNS) réclame ni plus ni moins, aujourd'hui, que de négocier les conditions du départ du régime. Au mieux, cette amnistie sera interprétée comme un signe de faiblesse que les insurgés n'hésiteront pas à exploiter. Manœuvres En attendant la réaction du CNS – qui n'était pas encore tombée au moment nous mettions sous presse – il se trouve que l'annonce de Bachar Al Assad présente déjà le désavantage d'être perçue par les Frères musulmans comme une manœuvre destinée à gagner du temps. Dans un communiqué rendu public juste après l'annonce de l'amnistie générale, ils ont jugé que l'initiative de Bachar Al Assad n'est «ni crédible ni sérieuse». «Le régime tente de rendre crédible son projet illusoire de réconciliation et de dialogue national et c'est dans ce contexte qu'il fait des annonces à des fins propagandistes. Cette dernière annonce, la troisième depuis dix mois, n'est ni sérieuse ni crédible», précise le communiqué, chiffrant à 60 000 le nombre de personnes détenues depuis le début de la contestation. Et lorsqu'on connaît le poids des Frères musulmans dans le nouveau jeu politique syrien, il y a tout lieu de s'attendre à ce que le CNS s'aligne sur leurs positions. Il est à rappeler que les autorités syriennes ont annoncé, ces dernières semaines, la libération de milliers de personnes «impliquées dans les événements» mais n'ayant «pas de sang sur les mains». Le 31 mai, le président Al Assad avait déjà décrété une amnistie générale incluant tous les détenus politiques, y compris les membres des Frères musulmans, organisation interdite en Syrie. Et le 21 juin, M. Al Assad avait décrété une nouvelle amnistie générale portant sur tous les crimes commis avant le 20 juin. Tous ces «gestes» de détente n'ont cependant pas réussi à stopper la violence et surtout les tueries. Juppé pointe le silence de l'ONU Au plan international, la situation semble se corser aussi pour Damas. Même si la Russie et la Chine parviennent encore à empêcher le Conseil de sécurité d'agir au prétexte que les Occidentaux cherchent rien de plus qu'un changement de régime en Syrie, il n'empêche que l'étau se resserre de plus en plus sur le régime de Bachar Al Assad. Les pressions occidentales se font de plus en plus pesantes en tout cas. Cela, surtout que la Ligue arabe peine à faire entendre raison au pouvoir syrien. En retrait ces dernières semaines et histoire probablement de mettre Moscou et Pékin sur la défensive, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, est revenu hier à la charge. Il ne s'est ainsi pas gêné pour dénoncer le «silence» du Conseil de sécurité de l'ONU sur la Syrie, estimant que la situation devenait «intolérable». «Le massacre continue, le silence du Conseil de sécurité aussi», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse en Birmanie. «Cette situation devient intolérable», a ajouté le chef de la diplomatie française. De leur côté, les Etats-Unis ont appelé la Russie à revoir sa position et à soutenir une résolution plus ferme, rédigée par Washington et plusieurs pays européens. Tout indique que les Occidentaux n'attendent que le rapport de la Ligue arabe pour agir. Ceci pour dire que le sort de Bachar Al Assad et de son régime est plus que jamais des plus incertains.