Engager l'administration fiscale sur ses écrits pour assurer une sécurité juridique : tel est l'objectif général du rescrit fiscal. Le rescrit fiscal est introduit en loi fiscale algérienne, plus précisément au sein d'un nouveau titre, inséré au code des procédures fiscales par la loi de finances 2012 publiée au Journal officiel n° 72 du 29 décembre 2011. L'article 47 de la loi de finances pour 2012 est novateur Il crée, au sein de la partie V du code des procédures fiscales, un titre VII bis, intitulé ‘le rescrit fiscal' comportant deux articles, l'article 174 bis et l'article 174 ter : • l'un instituant une garantie de non-rehaussement d'imposition antérieure aux contribuables de la Direction des Grandes Entreprises (DGE), lorsqu'il est démontré que l'appréciation faite par le contribuable a été admise par l'administration ; • l'autre par une extension de cette sécurité juridique, comme une sorte de recours contre une prise de position formelle de l'administration. Le rescrit fiscal, en tant que garantie donnée au contribuable, et son extension ont pour objectif commun de garantir une meilleure sécurité juridique et de limiter l'administration dans le rehaussement d'une imposition, lorsque ce dernier est contraire aux prises de position formelles de l'administration, ces dernières étant forcément écrites et par voie de conséquence opposables à l'administration. Le rescrit fiscal est bien plus qu'une demande d'information, car au-delà de la réponse donnée par l'administration fiscale sur une situation de fait donnée, la clarification obtenue engage cette dernière quant au bénéfice d'une disposition fiscale appliquée à une situation donnée. Solliciter l'administration pour une clarification engageante peut évidemment conduire à une réponse à contresens des attentes de l'entreprise, mais l'avantage est qu'une fois la clarification obtenue, elle engage l'administration, protège l'entreprise, puisqu'elle peut être invoquée en faire-valoir à l'occasion de contrôles et plus particulièrement à l'occasion de redressements basés sur des situations sur lesquelles l'entreprise a agi en bonne foi, à l'appui du rescrit. Les nouveaux articles 174 bis et 174 ter du code des procédures fiscales ne décrivent pas le mode opératoire et renvoient à des textes réglementaires à venir, pour ce qui est des modalités d'application, notamment le contenu du rescrit, le lieu ainsi que les modalités de dépôt de cette demande. Il est plus que probable que la demande du contribuable qui doit être demandée par écrit requiert un exposé de la situation rencontrée avec une demande formelle à l'administration fiscale sur la manière dont elle apprécierait ladite situation, telle l'éligibilité à une exonération fiscale avec le plus de détails permettant à l'administration de se prononcer. Au plan pratique, plus la demande sera claire, plus la réponse sera précise et sans ambigüité, au risque de recourir au second examen, prévu par l'article 174 ter sans invoquer d'éléments nouveaux, pour obtenir une réponse de confirmation ou en rectification d'interprétation du premier avis. La procédure n'est pour l'instant qu'une demi-mesure Il ne faut cependant pas se réjouir trop vite, car au-delà des aspects pratiques qui ne sont pas encore précisés, il faut relever les caractéristiques du ‘rescrit algérien'. Il ne concerne, pour l'instant, que les contribuables relevant de la Direction des grandes entreprises (DGE) et il ne porte que sur l'appréciation des situations de fait. Pour sa première application, le rescrit est donc réservé aux seules entreprises relevant de la Direction des Grandes Entreprises. Les contribuables qui relèvent d'autres services extérieurs devront certainement attendre que cette procédure soit maîtrisée, faut-il le rappeler, auprès des plus grands contribuables du pays, pour que la législation étende cette procédure à tous les contribuables. Cette limitation aux entreprises relevant de la DGE, espérons-le, devrait être structurante tant pour l'administration que pour les ‘Grandes Entreprises' et aider à développer la doctrine fiscale, encore que limitée aux situations de fait et non appliquée à l'interprétation des textes fiscaux. La seconde limitation de portée est justement à ce niveau, car le ‘rescrit algérien' ne s'appliquera pas, pour l'instant, à l'interprétation des textes. Sous les législations fiscales où il est utilisé, plus particulièrement dans les pays anglo-saxons où il est désigné sous l'intitulé de ‘Ruling', le rescrit s'applique en tant que garantie, par une prise de position formelle de l'administration fiscale, sur l'interprétation d'un texte fiscal et celle apportée par une prise de position formelle sur une situation de fait. C'est également le cas du rescrit fiscal tel qu'appliqué en France régi par les articles L80 A et L80B du livre des procédures fiscales. Quelque soit son environnement, anglo-saxon ou non, le ‘Ruling fiscal' a pour point commun, dans tous les pays où il s'applique, à obtenir une certitude juridique sur la manière dont la loi fiscale s'applique dans l'objectif d'améliorer la communication entre l'administration fiscale et les contribuables et de diminuer le contentieux fiscal. Il faudra donc au rescrit fiscal algérien un temps de maturation et des procédures rodées pour rejoindre les standards applicables en la matière. En l'état actuel des procédures fiscales algériennes, telles qu'amendées par la loi de finances pour 2012, ce rescrit se limitera aux situations de fait, même si paradoxalement celles-ci ne peuvent pas toujours être dissociées de l'interprétation des textes, souvent nécessaire en raison de leur densité et de leur superposition. Délinéation entre les situations de fait et les domaines d'interprétation de textes fiscaux Le rescrit basé sur l'interprétation des textes fiscaux, non applicable pour l'instant en Algérie, est sous d'autres juridictions, opposable à l'administration lorsque celle-ci a établi des interprétations écrites d'un texte fiscal pour régler de manière claire et sans ambiguïté un point de droit fiscal en prenant position sur le sens et la portée du texte examiné. Le texte en question peut être une loi, un règlement ou une convention internationale et le rescrit une ‘sorte de prolongement de loi'. Le rescrit appliqué aux situations de fait, qui est celui prévu par la loi de finances pour 2012, s'applique avec une nuance de taille: celle de tirer sa source dans le fait qu'une situation doit préalablement exister et qu'il convient de rapporter à un texte donné pour tirer les conséquences juridiques de la situation en question. En tout état de cause la réponse faite par l'administration sur cette situation de fait, devrait être opposable à l'administration, sous réserve de se conformer aux dispositions du nouvel article 174 bis du code des procédures fiscales et notamment : • d'être en présence d'une situation de fait ; • d'être de bonne foi ; • de saisir l'administration par une demande écrite, précise et complète ; • de requérir la position formelle de l'administration sur l'appréciation de la situation de fait au regard d'un texte fiscal. Dès lors, l'administration est tenue par le même article de répondre dans un délai de quatre (4) mois, sa réponse valant prise de position, sous condition qu'elle soit établie avant la date d'expiration du délai de déclaration, ou avant la date de mise en recouvrement de l'imposition, y compris la liquidation spontanée de l'impôt. En d'autres termes, le contribuable ne devra pas attendre de remplir ses obligations déclaratives ou de paiement de l'impôt pour requérir le rescrit fiscal sur une situation donnée. Ainsi, à titre d'exemple, l'acceptation formelle d'un taux d'amortissement, dument contenu au rescrit, obtenu avant l'établissement d'une déclaration annuelle au titre de l'Impôt sur les Bénéfices des Sociétés, vaudrait seulement dans le cas du respect des conditions énumérées ci-dessus et à charge d'être obtenue au plus tard avant le 30 avril de l'année suivant l'année d'imposition concernée ; ce qui suppose dans une gestion prudente de planning fiscal de saisir au plus tard – dans cet exemple – l'administration le 31 décembre de l'exercice clôturé. Il convient de préciser que le défaut de réponse par l'administration devrait valoir comme rescrit, en référence au contenu de la demande faite par le contribuable, sous réserve que cette demande soit précise et complète. En tout état de cause, le rescrit ne saurait être utilisé que dans les situations de rehaussement d'imposition antérieure et uniquement si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'appréciation de la situation de fait au regard d'un texte fiscal. Au cas où la réponse formelle de l'administration sur l'appréciation de cette situation ne satisferait pas le contribuable, ce dernier peut saisir l'administration, dans un délai de deux (2) mois, pour solliciter un second examen de cette demande, à condition qu'il n'invoque pas d'éléments nouveaux. Cette forme de recours impose alors à l'administration d'examiner la demande, de manière collégiale, avec une réponse établie selon les mêmes règles et délais que ceux applicables à la demande initiale, décomptés à partir de la nouvelle saisine. La mise en application du rescrit fiscal retiendra l'attention tant de l'administration que des contribuables, car sa réussite dépendra fortement des moyens mis en œuvre par l'administration, du suivi des demandes établies par les entreprises ainsi que de la bonne citoyenneté d'entreprise pour un usage en toute bonne foi et structurant tant de doctrine que de jurisprudence. Ne pas considérer le rescrit comme une quasi-loi Comme le rescrit ne concerne que les cas où l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures, il ne peut pas être invoqué à l'appui des contestations de compléments d'imposition venant s'ajouter aux impositions initiales mises en recouvrement. Par ailleurs, il faudra attendre la structuration du rescrit sur la durée pour apprécier s'il est établi en toute indépendance, dès lors qu'aussi bien en première instance qu'en seconde instance, même collégiale, il est probable qu'il ait une connotation plus favorable pour l'administration fiscale. Le rescrit n'étant ni une loi, ni un complément de loi, il est néanmoins souvent perçu comme une loi de fait dès lors que le contribuable qui ne s'exécute pas en conformité avec son contenu peut être considéré comme défaillant et conséquemment sujet à des pénalités. L'autorité donnée à l'administration de consacrer le contenu d'un rescrit en fait cependant une référence réglementaire applicable au moment, mais évolutive dans le temps. Il faut espérer qu'il soit établi en toute indépendance dans le seul objectif de faciliter la communication entre le contribuable et l'administration. Son élargissement à tous les contribuables dépend de sa fiabilité à venir. Samir Hadj-Ali. Expert-comptable