Alors que les librairies ferment en Algérie, certains défient la tendance «autodafé». L'exemple patent est celui de Ramdane Iftini, documentariste (Hanifa). Il a choisi la difficulté noblement. Il a ouvert, il y a sept mois, une nouvelle librairie : «Ta page». Une belle trouvaille pour faire du bruit autour du livre et de la lecture dans le quartier du Télemly. Ramdane Iftini, fin lettré, aime les mots qui sonnent et par conséquent les livres. Aussi, a-t-il voulu partager cette passion dévorante des pages avec les autres. Et puis gagner (cela n'est guère aisé) un espace libre. Un îlot d'espoir. Un petit coin florentin jurant avec le tout fast-food (pour ne pas dire furious) ambiant. C'est au 75, rue Krim Belkacem au Télemly. La preuve ! Quand vous entrez dans la libraire «Ta page», vous êtes accueilli par un petit fond musical - ce n'est pas du tapage et autre bruitage - de Barbara, et ce, dans une atmosphère livresque. «Dans les années 1990, j'avais une maison d'édition. J'ai toujours rêvé d'avoir une librairie. Oui, c'est de la ‘‘folie''. Un défi ! «Ta page», c'est partager, lire une page, faire un tapage activement et faire bouger les choses. Surtout dans un quartier (Télemly) qui n'est pas passant. Toutes les passions ont des raisons… Je voudrai offrir une convivialité, un partage dans une librairie de quartier. Au début, les gens m'ont dit : ‘‘mais vous êtes fou d'ouvrir une libraire !''. Mais après, ils étaient contents d'avoir une librairie dans leur quartier. Ils viennent commander un livre», dira Ramdane Iftini de sa passion. LES ENFANTS D'ABORD A propos du profil des clients, il indiquera : «Il y a un lectorat. Les plus de 50 ans lisent. Les jeunes rarement. Avec une exception dans la tranche d'âge des 12-13 ans, filles et garçons, qui ont de très bons choix de lecture. Les quinquagénaires et les enfants sont plus intéressés par les livres…». Justement, Ramdane Iftini a prévu un rayonnage de livres pour enfants et a aménagé un espace spécialement réservé aux matières d'éveil, notamment le dessin, la peinture… La librairie «Ta page» renferme aussi de bons ouvrages d'histoire, nature, sciences, décoration, musique, arts plastiques, théâtre, poésie, des beaux-livres, des essais, marketing, management, ressources humaines, les codes ainsi que les manuels parascolaires. Quant aux «risques du métier», Ramdane Iftini déplorera : «Les loyers des librairies sont très chers. On ramène, 20, 200 livres. Dans le jargon des importateurs du livres on dit : ‘‘bqat ghir haba''(il n'en reste qu'un). L'on considère le livre comme une marchandise. C'est désolant ! Mon vœu est qu'on ne ferme pas et qu'on passe le cap de l'année.» Ce qui est méritoire chez Ramdane Iftini, c'est qu'il a choisi un métier où il faut faire de la résistance pour une mission passionnante, passionnée et surtout noble.