Ramdane Iftini aime les belles choses. Et quand on aime les belles choses, on sait généralement en faire. De son parcours d'homme, ceux qui le connaissent savent que s'il n'a pas toujours eu le vent dans le dos, il a, à chaque fois que les conditions l'ont permis, bousculé les habitudes qui squattent l'imagination. Homme de conviction, il a toujours su mettre son talent au service de ses convictions profondes et de son exigence esthétique. Quand il fallait s'engager, il s'est mis tout de suite mis à la règle pour faire ce qu'il savait faire le mieux. Et il a conçu trois journaux dont on retiendra la qualité artistique au service de généreuses projections. L'expérience, si éphémémére qu'elle fut, a tout de même servi : à rappeler que quand on n'a pas les moyens de sa politique, il faut pratiquer la politique de ses moyens et à tempérer ses ardeurs quand l'entreprise a besoin de sérénité. Ramdane a alors su se mettre à l'ombre. Il n'a pourtant ni cédé à la résignation, ni à la tentation des gagne-petit. Encore moins sombré dans la paresse intellectuelle. Et pour cause, il fait partie de cette catégorie d'hommes qui ont la chance de vivre dignement en ne faisant que ce qu'ils aiment faire, ce qui est loin d'être un moindre mérite. Féru de littérature, il a tenté l'édition, passionné de musique et de cinéma, il a carrément tiré d'un oubli mortel Hanifa, une chanteuse morte d'avoir été consumée par l'insolence de son talent et les déchirures à répétition de sa vie. Dans le même registre, Ramdane a défriché récemment, dans un documentaire en chantier, un champ qu'il a toujours couvé dans son ventre : le chant des femmes kabyles. Et il s'en va, dans la même foulée et sans se poser de questions, ouvrir une librairie. Il y a plus de librairies qui ferment que celles qui ouvrent ? C'est possible. Peut-être aussi que la question ne se pose pas ou alors qu'elle se pose autrement. A moins d'arrêter de poser des questions et dire des choses qui sont partout des évidences, sauf dans notre beau et vaste pays : il faut que les libraires gagnent de l'argent. D'abord parce que les libraires ont tous une marmite à faire bouillir, ensuite parce que c'est l'unique solution pour que les librairies ne ferment pas. Quand, avec une pointe d'ironie, un ami qui lui veut du bien a demandé à Ramdane de ne pas «oublier de vendre des livres», histoire de lui rappeler qu'une librairie, ce n'est pas seulement un commerce, mais un commerce quand même, Ramdane a souri des yeux. Histoire sans doute de lui dire qu'un libraire, c'est aussi sourire des yeux. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir