La tension sur le carburant dans l'ouest du pays a été aggravée par plusieurs facteurs, dont certains échappent encore aux intervenants sur le marché. Apres la consignation des ports, en décembre dernier, à cause du mauvais temps, notamment à Skikda, qui a créé la pénurie, la chaîne de distribution se retrouve encore déstabilisée par le développement du trafic à la frontière ouest et l'effet boule de neige en pareil cas. Les travaux de réhabilitation de la raffinerie d'Arzew ont encore contribué à diminuer l'offre et accentuer le manque. A la fin du mois de décembre, Naftal avait déjà indiqué que la pénurie était due aux «conditions météorologiques et à la consignation décrétée à travers les ports». Le mauvais temps dans les ports a gêné aussi bien les importations que les cargaisons en provenance de la raffinerie de Skikda, selon une source de Sonatrach, qui a indiqué que de gros efforts ont été consentis pour l'importation.La consignation dans le port de Skikda aurait duré 8 jours, rendant impossible l'accostage des navires. Le cabotage rend encore plus lente la chaîne de distribution. La pénurie créée se poursuit sous forme de tension sur le produit. Le prix bas de l'essence, en Algérie, a généré un véritable business vers les pays frontaliers. Traditionnellement ce trafic alimente le Maroc et la Tunisie. L'augmentation des prix de l'essence au Maroc et en Tunisie avec la hausse des prix du pétrole ces derniers temps a encore favorisé le développement de la contrebande aux frontières. Au Maroc par exemple, le prix de l'essence est 4 à 5 fois plus élevé qu'en Algérie. Durant l'année 2011, l'est du pays s'était aussi retrouvé impliqué par la contrebande de l'essence vers la Libye, dont le secteur de l'énergie était paralysé. Les travaux de réhabilitation de la raffinerie d'Arzew, dont la capacité doit augmenter de 50% pour passer de 2,5 millions de tonnes par an à 3,8 millions de tonnes, ont eu une incidence sur l'offre aussi bien pour l'essence que pour les huiles. Avant ces travaux, cette unité produisait 70 000 tonnes de super, 490 000 t d'essence normale, 120 000 t de kérosène et 980 000 t de gasoil ainsi que 160 000 tonnes de lubrifiants. La situation de pénurie, qui crée généralement la psychose, pousse aussi les particuliers à stocker en s'approvisionnant régulièrement plus que d'habitude. Selon une source de Sonatrach, la reprise de la raffinerie d'Arzew, qui se fera au mois de février, devrait stabiliser le marché. Sur un autre plan,les mesures décidées par les autorités locales des wilayas frontalières de ne servir que 40 litres par véhicule et 180 l par camion pour lutter contre la contrebande ont été interprétées comme une volonté d'organiser le rationnement. Sollicitée hier, Naftal a refusé de s'exprimer sur la situation, notamment la décision des autorités de fixer des quotas, en avançant comme explication sa qualité d'entreprise de distribution. Cette crise dans la distribution du carburant renvoie aux capacités de raffinage, dépassées par une demande qui a explosé durant la dernière décennie avec un parc automobile qui augmente d'année en année. Selon l'Association des concessionnaires automobiles, en 2010, l'Algérie a importé 285 337 véhicules contre 277 881 en 2009 ; elle a aussi importé 299 041 véhicules durant les neuf premiers mois de 2011 contre 241 992 à la même période de 2010, soit une hausse de 23,5%. Le programme de réhabilitation des raffineries de Skikda, d'Alger et d'Arzew va contribuer à augmenter l'offre d'ici 2013. Le plan d'investissement de Sonatrach – de 4,2 milliards de dollars pour réhabiliter ses raffineries et les moderniser – devrait faire passer les capacités de raffinage de 27 millions de tonnes par an actuellement à 33 millions de tonnes. D'ici là, Sonatrach va continuer à importer de l'essence pour faire la soudure. La compagnie nationale en a importé en 2011 et va encore en importer en 2012, selon une déclaration faite par son ancien PDG, Nordine Cherouati. Dans ce schéma, il manque une raffinerie. Le projet d'une unité de raffinage de 15 millions de tonnes par an, qui aurait pu éviter ces tensions, est pratiquement gelé. L'avis d'appel d'offres lancé en 2005 pour l'implanter à Tiaret n'a pas avancé. Selon une source du secteur, le problème de l'eau et celui de l'éloignement des ports pour l'exportation ont freiné les investisseurs. A la fin du mois de décembre 2011, le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, avait annoncé qu'un plan d'investissement à long terme dans le domaine du raffinage et de la distribution était en cours d'élaboration et sera soumis au gouvernement pour décision.