Il ne s'agit ni d'humour, ni de liberté d'expression, ni de question de figuration de symboles sacrés. Pas même des rapports entre les lois universelles des hommes et les lois religieuses, les premières restant la référence commune. Inutile de dévier le débat. Il s'agit, avant tout, de l'amalgame assassin entre Islam et terrorisme, encore plus choquant lorsqu'il vise la référence fondatrice. Tous les êtres de bon sens, croyants ou incroyants, religieux ou laïcs, savent que l'islamisme n'est pas l'Islam, encore moins le terrorisme. Certains en Occident, dans l'air du temps réactionnaire, délirent, incapables de prendre conscience de l'impasse dans laquelle ils vivent, arrogants et aveugles, ils s'enfoncent dans le sentiment antireligieux, la diffamation de valeurs spirituelles comme fonds de commerce et la hargne obsessionnelle à l'encontre de l'autre différent, en l'occurrence l'Islam ce méconnu. Islamophobie caractérisée, campagne outrancière. Ils cherchent, par là à cacher les échecs et les vrais problèmes du monde, comme ceux de l'injustice et du recul du droit. Ils tentent de masquer les contradictions du libéralisme sauvage, les impasses du système mondial actuel et, paradoxalement, ceux de l'intégrisme qu'ils favorisent, d'une part, et de l'athéisme qu'ils pratiquent d'autre part. Sous le couvert de la liberté d'expression, noble valeur trahie et travestie, dans le contexte d'une sorte de foire vulgaire et non de la vraie liberté comme dirait le philosophe Jacques Derrida, ils s'inventent de nouveaux ennemis. Mais la haine est vouée à l'échec. Tout comme la violence aveugle fanatique et la réaction irrationnelle sont vouées à l'échec. Les quatre cinquièmes de l'humanité refusent et le modèle des puissants agresseurs, calomniateurs, arrogants, même si ces provocateurs disposent de la force technico-militaire, de la majorité des médias et de la finance ; et les actes désespérés des extrémistes politico-religieux. Leur délire, leur haine, leur aveuglement, à tous, ne peuvent cacher les échecs. Ne leur donnons pas l'occasion aujourd'hui de créer des diversions. Les faibles, auteurs de violence aveugle, malgré leur capacité de nuisance, ne constituent pas une menace réelle quant à l'avenir de l'humanité, même s'il faut, sans relâche, unir nos efforts pour tarir les sources qui les abreuvent. Sur nombre de plans, les puissants de ce monde sont en difficulté, ils sont dans l'impasse, ils cherchent des boucs émissaires, mais leur pratique a une influence autrement plus décisive sur le cours de l'histoire. Ils ne veulent pas reconnaître que les problèmes qu'ils créent sont dévastateurs. Même si les problèmes des démunis sont aussi complexes, ils ne sont pas du même ordre. Reste aux peuples, à tous les peuples, qui ne se reconnaissent pas dans ces délires, ces calomnies et toutes ces permissivités criminelles, d'en tirer les leçons, de pratiquer l'analyse objective de la situation concrète, de la situation mondiale et régionale et de s'opposer à la mondialisation de la vulgarité, du racisme et de la loi du plus fort. Il faut s'y opposer par l'exercice de la raison, de l'intelligence et du dialogue, d'autant plus que les valeurs spirituelles et humaines, comme celles de l'Islam, sont bien trop hautes pour que leur haine puisse les atteindre. Il nous faut prendre attache, plus que jamais, avec toutes les forces qui dans le monde s'opposent à ces pratiques inadmissibles, qui s'opposent à l'injuste mondialisation du vulgaire, du sectarisme et de la perversion des libertés. Les nouvelles formes de guerre, sous toutes ses formes, psychologique, informationnelle, culturelle, économique, ne font que commencer, car nous apparaissons, aux yeux de certains, comme les derniers dissidents au désordre hégémonique mondial. Ces nouvelles formes de guerre et de pratiques du deux poids, deux mesures, ont redoublé depuis la folie du 11 septembre 2001. Le terrorisme, cette monstruosité innommable et injustifiable, a des causes politiques et idéologiques et non point coraniques. Tout comme l'inquisition, le nazisme et le colonialisme ne sont pas dans l'Evangile. Mais il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. L'arrogance, les manipulations et les agressions, c'est-à-dire les déviations de certains centres de décisions en Occident, et les incohérences de certains régimes arabes alimentent la bête immonde. En rive Sud, nous en sommes conscients, la victoire contre le terrorisme politico-religieux des faibles, d'un côté, et le terrorisme politico-économique des puissants, d'un autre côté, se fondent, entre autres, mais avant tout, sur la non-confusion entre les valeurs du monothéisme et les dérives contemporaines. L'exploitation de l'épouvantail du terrorisme et les amalgames infâmes redoubleront, si nos capacités de résistance et de ripostes communes restent faibles, si les peuples, et leurs élites, ne sont pas eux-mêmes engagés et responsabilisés. On est, certes, loin du compte, mais le chemin tracé, hier, en rive Nord par le siècle des Lumières et en rive Sud par le combat anticolonial, souffles de liberté et de dignité, et aujourd'hui par celui de l'altermondialisation bien comprise, est toujours ouvert. En accord avec toutes les forces morales et politiques qui, partout dans le monde, refusent la mondialisation du vulgaire, de l'injustice et des amalgames, apprenons à résister par tous les moyens légitimes et pacifiques. Et en premier lieu en prenant la parole de manière réfléchie, en dialoguant avec toutes les forces dans le monde soucieuses de droit, d'équité et de paix. Le libéralo-fascisme, par médias interposés, par l'insulte et la bassesse, par la propagande du choc, tente de brouiller les cartes face aux dérives de l'ordre mondial. Pour cette idéologie, c'est peine perdue, si nous savons résister en profondeur, en coordination avec d'autres mouvements et peuples, et en fondant nos actions pour l'édification d'une société humaine responsable, cultivée et vigilante. Il n'est pas trop tard, il n'est pas impossible.