Le gouvernement vient de décider une dévaluation de 10% du dinar, en la présentant comme une dépréciation technique induite par l'évolution des cours des devises étrangères. Dévaluation et dépréciation indiquent le même mouvement à la baisse de la parité de la monnaie nationale décidée par une mesure politico-administrative qui ne se justifie pas économiquement compte tenu des réserves financières de l'Etat en dollars et en euros. On parle de 180 milliards d'euros d'excédents financiers, ce qui aurait dû provoquer une hausse de la parité du dinar si la politique monétaire en Algérie obéissait aux logiques du marché. Le choix du mot indique que le gouvernement a honte de dévaluer et parle de dépréciation technique. Ce choix des mots ne doit pas, cependant, cacher l'essentiel : toute modification de la parité de la monnaie par rapport aux devises étrangères correspond à une augmentation de la masse monétaire nationale sans création supplémentaire de richesses matérielles produites localement. La conséquence directe sera l'augmentation des prix sur le marché et donc une diminution du pouvoir d'achat des titulaires des revenus fixes : fonctionnaires, employés, salariés, retraités, etc. Pouvoir d'achat Il est important pour la culture politique de la population de connaître ce mécanisme d'appauvrissement afin de mieux s'y opposer. Je vais l'exposer schématiquement.La parité du dinar par rapport au dollar est de 1 à 76, c'est-à-dire que 1 dollar vaut 76 dinars officiellement. Je laisse de côté la question du marché parallèle où la parité du dollar est supérieure. Quand l'Algérie exporte pour 60 milliards de dollars en hydrocarbures, elle émet une masse monétaire de 4536 milliards de dinars (60 par 76). Si le gouvernement décide de dévaluer, le même montant de 60 milliards de dollars rapportera plus en monnaie locale. Avec une dévaluation de 10%, le gouvernement augmentera ses recettes en dinars de l'ordre de 453,6 milliards de dinars sans création supplémentaire de richesses, ni augmentation de la fiscalité, ni accroissement des revenus en devises étrangères. L'augmentation de 453,6 milliards de dinars sans accroissement de la richesse économique dans la même proportion va entraîner automatiquement une diminution du pouvoir d'achat des consommateurs aux revenus fixes. Le gouvernement, qui a pris la décision sage d'augmenter les pensions de retraite, vient d'annuler cette augmentation en opérant la dévaluation du dinar de 10%. L'augmentation des pensions sera financée par la diminution du pouvoir d'achat des consommateurs. Dans le langage populaire, on appelle cette opération men lahaïtou bakharlou. Pour réparer cette injustice, les syndicats devraient exiger que toute dévaluation soit immédiatement accompagnée d'une augmentation des salaires et des pensions de retraite dans la même proportion.