Une cinquantaine d'ingénieurs en construction venus de huit wilayas du pays se sont rencontrés hier à Tipaza pour créer un groupe de réflexion, qui sera chargé de trouver les meilleurs arguments afin de faire valoir leurs droits. Les adhérents de l'Union nationale des ingénieurs de la construction (UNIC) ont réagi à la suite du refus réitéré et exprimé par le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme à la création de l'ordre national des ingénieurs de la construction. Selon une source officielle, le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme avait adressé le 11 décembre 2005 à l'Assemblée populaire nationale, en guise de réponse, un envoi référencé n°528/SPM/MHU, dans lequel il précise que « la question a été examinée à la lumière des dispositions de la Constitution, essentiellement l'article 122. Par conséquent, cet article, selon le ministère de l'Habitat, définit les domaines pour lesquels la Constitution confère au Parlement la prérogative de légiférer. Sur cette base, nonobstant les dispositions de l'article 119 qui définit les institutions auxquelles appartient l'initiative des lois, le membre du gouvernement chargé du secteur de l'habitat a déduit, du fait de sa non-constitutionnalité, la non-éligibilité du projet de texte présenté par l'UNIC à travers la commission de l'APN au rang d'une loi spécifique ». Par ailleurs, ajoute-t-il, « il me paraît également devoir souligner que s'agissant des ingénieurs en génie civil la loi n°01-05 du 14 août 2004, modifiant et complétant la loi n°90-29 du 1er décembre 1990 relative à l'aménagement, a introduit une disposition extrêmement importante dans son article 5, qui stipule que les projets de construction soumis à permis de construire doivent être élaborés conjointement par un architecte et un ingénieur agréé, dans le cadre d'un contrat de gestion du projet ». En Algérie, selon nos interlocuteurs, 2500 ingénieurs en génie civil sont installés à leur compte et agréés par le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme. En dépit de leur marginalisation, ils sont contraints de payer toutes les charges directes et indirectes liées à l'activité du bureau. « Mais pourquoi le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme donne-t-il des agréments aux nouveaux qui viennent de terminer leurs études, alors qu'auparavant on exigeait deux années d'expérience, comme ce fut mon cas », s'interroge cet ingénieur de la wilaya de Blida. Les architectes soumissionnent et accaparent tous les projets, y compris ceux qui ne figurent pas dans leurs compétences, sachant que les bureaux des ingénieurs en génie civil agréés sont naturellement éliminés. Marginalisation Les architectes sous-traitent par la suite avec des ingénieurs salariés dans les administrations du secteur de l'habitat. L'UNIC demeure préoccupée pour réglementer la profession d'ingénieur en construction. Toutes ses tentatives pour faire aboutir ses idées se heurtent au refus du département de Hamimid. « La création de l'ordre national des ingénieurs en construction fait terriblement peur au lobby qui gravite autour du ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme », déclare un ingénieur de la wilaya de Tissemsilt. Selon nos interlocuteurs, il faut dissocier la fonction de l'architecte de celle de l'ingénieur en génie civil, afin de délimiter les responsabilités dans le secteur de la construction. L'ingénieur en génie civil est le seul qui est en mesure de déterminer l'étude du projet, la composante du béton, des structures, les positions des aciers et le suivi des travaux. En revanche, la mission de l'architecte est claire. Il désigne la volumétrie des ouvrages, des façades, le choix des matériaux, les couleurs, mais il ne s'aventure jamais dans le contrôle du béton et du ferraillage des constructions. « Pourquoi ne veut-on pas réglementer la profession d'ingénieur en construction en Algérie ? », s'est s'interrogé un représentant de la wilaya d'Alger. Des ingénieurs venus des wilayas du Sud avouent leur impuissance devant cette situation qui, à leurs yeux, n'a pas d'issue. Ils possèdent des bureaux d'études agréés, de surcroît ouverts depuis l'année 2000, mais n'ont jamais été sollicités par les services techniques locaux pour les chantiers. « Je vais vous révéler un cas, nous dit cet ingénieur de Touggourt. J'avais sous-traité pour un montant insignifiant un marché attribué à un architecte de Constantine qui n'a jamais mis les pieds dans le chantier. Je suis contraint de mendier presque pour payer mes charges et mon personnel. Au Sud, nous vivons dans la misère, mais je suis soulagé à Tipaza, quand je me suis rendu compte que mes collègues des autres wilayas sont mobilisés pour des problèmes identiques aux miens », conclut-il. Les ingénieurs en génie civil venus des wilayas du Sud sont conscients des opportunités qui pourraient leur être offertes, en raison de l'immense programme de construction initié par le président de la République. « Des travaux d'électricité dans un hôpital au sud du pays ont été attribués à un bureau d'architecte. Il est inutile de vous dire ce qui s'est produit par la suite dans cet hôpital, nous confie cet autre ingénieur en construction qui réside à Ouargla, ou encore ces balcons des logements qui tombent dans ces nouveaux bâtiments non encore réceptionnés en raison des erreurs de calculs... » « Alors pourquoi les directions nous marginalisent-elles et préfèrent attribuer les projets à nos amis architectes ? », s'interroge-t-il.