Debout tel un drone suspicieux, affamé comme une tête de liste à la veille d'une élection, errant à la lisière des forêts déboisées par les trois millions de logements, il s'arrêta un moment pour réfléchir à sa situation. Et si c'était la fin ? Et si lui n'avait plus aucune fonction ni de raison d'exister ? L'atavisme étant plus fort, il poursuivit son chemin en évitant les pièges et obstacles bureaucratiques jusqu'à voir au loin une kasma bleue adossée à la colline. Il n'avait rien mangé depuis des semaines et le Ramadhan était encore loin. Il sentit un effluve familier. Alléché par l'odeur du pétrole, le loup s'approcha à pas de loup de la kasma et regarda par la fenêtre en aluminium. A l'intérieur, une bande de loups était en train de faire un festin à base de jeunes agneaux tendres. Comment ces loups ont-ils réussi là où lui-même a lamentablement échoué ? Après une brève réflexion sur l'injustice de la vie et le bien-fondé de la théorie qui dit que les loups ne se mangent pas entre eux, il prit sa dernière pièce de monnaie et frappa à la porte. Peu après, un loup rigolard ouvrit et lui demanda ce qu'il voulait. Le loup affamé expliqua qu'il voulait manger et était prêt à tout pour ce faire, étant lui-même un loup. Le loup de la kasma lui expliqua qu'ils avaient déjà tous les loups dont ils avaient besoin. Le loup affamé expliqua qu'il était tellement loup qu'il pouvait dévorer un enfant avant même qu'il naisse. Touché par l'argument, le loup fit entrer le loup après lui avoir rappelé les constantes de la nation. On l'invita à manger et il mangea copieusement. A la fin du dîner, il demanda à l'assemblée ce qu'il devait faire pour les remercier. On lui répondit qu'il avait juste à retourner dans la forêt pour expliquer qu'au lieu de voter pour un agneau qui ne sait pas manger du loup, vaut mieux voter pour un loup qui sait manger de l'agneau. Trop rigolos, les loups.