Violation délibérée de la loi ou opération légale ? L'interception, en août 2005, d'un autocar de transport des voyageurs reliant Adrar à Oran par la brigade de la douane de Béni Ounif (110 km au nord de Béchar, à quelques encablures de la frontière marocaine) revient sur le devant de la scène et soulève quelques interrogations sur le bien-fondé de la délivrance d'une mainlevée sur le bus intercepté. En effet, la fouille effectuée par les agents douaniers sur le moyen de transport appartenant à la société de transport Sidi-Ahmed Ben Moussa, dont le siège social se trouve à Adrar, a donné lieu à la découverte d'une cache aménagée contenant 122 cartouches de cigarettes de marque étrangère destinées au marché informel du Nord. La saisie de cette marchandise survenue sur une zone sensible, dite rayon de douane, est sévèrement réprimée par les dispositions du code des Douanes et par l'article 328 de la loi de finances 2005. La valeur globale de la saisie (autocar et cigarettes) totalise un montant de 80 471 000 DA, soit une amende dix fois la valeur des produits confisqués. Avant d'entamer la procédure légale de la saisie de l'autocar, une proposition de mainlevée a été faite aux chauffeurs du bus contre le paiement d'une caution de 8 000 000 DA qui, en cas d'acceptation de la part des contrevenants, allait être consignée dans un compte provisoire en attendant le jugement de l'affaire. Cependant, la proposition a été explicitement rejetée par ces derniers, d'après une copie du PV de la mainlevée en notre possession. Le refus de payer la caution s'expliquerait apparemment par le désir des deux conducteurs de voir la justice trancher le contentieux. Or, entre-temps, ordre a été donné de prononcer la mainlevée sur le bus par la direction régionale, alors qu'en application de l'article 244 du code des Douanes, seul le receveur de la douane « chargé des poursuites est constitué dépositaire des marchandises saisies ». Une source autorisée ajoute que dans les annales des services de la douane de Béchar aucun précédent de ce type n'a été enregistré, et de citer le cas d'une saisie opérée sur un véhicule lourd en infraction appartenant à la SNTR qui n'a été rendu à la société nationale qu'après acquittement des droits douaniers. Toujours, selon les dispositions du code de cette institution et dans le cadre des activités des agents douaniers, lorsqu'une saisie est opérée et le PV dressé à l'encontre de l'auteur de l'infraction, seule la justice est habilitée à délibérer sur le litige. L'article 283 mentionne « qu'il ne peut être donné mainlevée des marchandises saisies qu'en jugeant définitivement le tout sous peine de nullité des jugements ». Afin d'obtenir des éclaircissements sur cette affaire, nous nous sommes rapprochés du directeur régional ainsi que du divisionnaire de la douane qui restent cependant formels : la mainlevée accordée au propriétaire de l'autocar est légale. Selon les deux responsables douaniers, elle a été accordée sur la base de la bonne foi prouvée par la production d'une procuration établie et notariée entre le propriétaire et les deux conducteurs. La procuration exhibée engage expressément les deux chauffeurs à respecter les clauses qui les lient au propriétaire et fait état de leur responsabilité civile en cas de fraude avérée commise par eux sur le moyen de transport. Mais la procuration notariée est établie le 14 août 2005, soit deux jours après l'interception du bus avec effet du 28 mars, selon le document en notre possession. Alors s'agit-il d'une faute professionnelle délibérée ou d'une opération légale ?