Le bras de fer entre les Occidentaux et la Russie sur le dossier syrien s'est poursuivi hier dans l'enceinte de l'Organisation des nations unies. Alors que les Occidentaux étaient «déterminés» à adopter, hier, au Conseil de sécurité une résolution condamnant la répression en Syrie, la Russie a, une nouvelle fois, tenté en effet de jouer de son influence pour retarder le vote. «Nous sommes déterminés à voter aujourd'hui (hier, ndlr)», a déclaré l'ambassadeur français Gérard Araud à la presse à son entrée dans la salle du Conseil. Evoquant le projet de résolution sur la table du Conseil, il a ajouté que «c'est une résolution qui soutient le plan de paix de la Ligue arabe, rien de plus, rien de moins». «Nous n'allons pas nous en écarter et nous votons aujourd'hui», a-t-il affirmé. Selon des diplomates occidentaux, la Russie pousse à un report du vote. Mieux, Moscou a aussi fait part de sa volonté de modifier le projet de résolution en question pour en atténuer la portée. Tôt dans la journée, le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, avait déclaré effectivement que le projet de résolution ne convenait «absolument pas» à la Russie et que le soumettre samedi (hier, ndlr) au Conseil provoquerait un «scandale». Moscou a aussi annoncé que M. Lavrov allait se rendre mardi à Damas pour rencontrer le président syrien Bachar Al Assad afin de «trouver une issue politique au conflit». Cette énième épreuve de force des Russes intervient au lendemain d'un massacre de civils commis par le régime de Bachar Al Assad dans la ville de Homs. La réponse des Etats-Unis ne s'est pas faite attendre. L'ambassadrice américaine Susan Rice a affirmé que des modifications de dernière minute que les Russes voulaient apporter au texte, étaient «inacceptables». Les ambassadeurs ont désormais des «discussions informelles» avant d'éventuelles consultations formelles qui pourraient mener à un vote, selon des diplomates. Le président américain Barack Obama a, de son côté, accusé hier le président syrien Bachar Al Assad d'avoir «assassiné des civils» dans les «attaques abominables» qui ont eu lieu dans la ville de Homs vendredi soir, lui demandant de quitter le pouvoir. Selon l'opposition syrienne, plus de 230 civils ont été tués dans la nuit de vendredi à samedi par des bombardements des forces gouvernementales à Homs. Si ces informations étaient confirmées, il s'agirait de la journée la plus meurtrière depuis le début de la révolte contre le pouvoir du président Assad en mars 2011. Les autorités syriennes ont démenti avoir bombardé Homs, imputant les violences dans cette ville à des «groupes armés». Selon le chef de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, le nombre des morts à Homs s'élève désormais à 237, dont 99 femmes et enfants. Le Conseil national syrien (CNS), la principale coalition d'opposants, a pour sa part fait état de 260 morts et de centaines de blessés dans le bombardement au mortier de zones résidentielles à Khaldiyé et Qoussour, parlant de l'un des «massacres les plus terrifiants» depuis mars. Les Frères musulmans appellent à l'ouverture d'une enquête internationale Hier encore, les forces du régime ont tiré sur une foule participant aux funérailles de victimes de la veille à Daraya près de Damas, faisant 12 morts et 30 blessés, selon l'OSDH. Neuf autres civils, dont deux enfants, ont péri sous les balles des troupes, dans la région de Damas et à Idleb (nord-ouest). Les Frères musulmans, qui font partie du CNS, ont appelé à l'ouverture d'une enquête internationale et demandé à la Croix-Rouge internationale, «absente sur le terrain, d'agir immédiatement pour sauver les blessés». Malgré dix mois de violences qui ont fait au moins 6 000 morts, selon les militants, le Conseil a été incapable jusqu'ici d'adopter une résolution sur la Syrie. Un précédent texte avait été bloqué en octobre dernier par le veto russe et chinois. Le projet de résolution que les ambassadeurs des 15 pays avaient mis au point jeudi afin de le soumettre au vote «soutient pleinement» les décisions prises par la Ligue arabe en janvier pour assurer une transition vers la démocratie en Syrie. Mais les modalités, en particulier le transfert des pouvoirs du président syrien Bachar Al Assad à son vice-président, ont été laissées de côté pour ne pas heurter Moscou. Le texte contient d'autres concessions à la Russie : il n'évoque pas des sanctions économiques ni les ventes d'armes russes à Damas et souligne qu'il faut résoudre la crise en Syrie «de manière pacifique», afin de dissiper toute analogie avec l'affaire libyenne. Le texte «condamne toute violence d'où qu'elle émane», pouvoir ou opposition. Il «dénonce les violations continues, flagrantes et étendues des droits de l'homme» par les autorités syriennes. Malgré cela, tout reste encore bloqué.