La réalité du terrain est tout autre. La construction de nouvelles baraques et bidonvilles est quotidienne. Elle est visible tout autour des plus importantes daïras de la wilaya de Annaba, le chef-lieu, El Bouni, El Hadjar, Sidi Amar et Berrahal. « On nous a parqués ici depuis des années. Nos enfants ont grandi. Certains se sont mariés et il a fallu construire d'autres baraques pour les loger en attendant le logement promis par la wilaya. Je sais bien qu'il ne figure pas sur la liste des recensés pour un recasement, mais il faut bien que son tour arrive un jour ou l'autre », considère Chérif M. habitant le bidonville Sidi Harb IV. Quelques jours auparavant, un éboulement de rochers et de rocailles, suite aux fortes pluies, avaient mis en péril la vie des occupants des baraques construites en flanc de montagne. Dans ce petit bidonville comme dans les autres à la Vielle ville, Zaghouane, Rizzi Amor, Val Mascort, Beni M'haffeur, l'on s'entasse comme on peut. De nouvelles baraques sont confectionnées la nuit loin du regard inquisiteur du voisinage. Dans ces bidonvilles, la colère des habitants est difficilement contenue. Elle est le résultat d'une lourde addition de chômage, de promiscuité, de petite délinquance, d'échecs scolaires, d'espoirs floués et brouillés par des attentes insatisfaites de plusieurs générations. Du côté des autorités locales, l'annonce est la même que celle d'il y a quelques années. Elles ont donné le coup d'envoi du début des travaux en 2005 de 9600 logements sur les 14 000 prévus sur le programme général de plus de 19 900. Malgré un cahier des charges draconien spécifiant les délais de réception, les responsables n'ont jamais été au rendez-vous qu'ils s'étaient eux-mêmes publiquement fixé. Social locatif, social participatif ou rural, le logement est revendiqué comme un droit par les habitants des bidonvilles ou habitations précaires. La plupart des 20 000 familles, qui constituent les bénéficiaires potentiels, sont victimes de la gestion désordonnée et erratique des quotas de logements et des plateformes. Reproche de base effectué est le « clientélisme » qui consiste à distribuer des logements aux membres des associations ou à leurs proches sources d'électeurs potentiels en cas de besoin. Certaines forces politiques cherchent du reste à encadrer ou à récupérer le mouvement, qui à Sidi Aïssa, Rizi Amor et Sidi Harb I, II, III et IV a fait tache d'huile. En rendant public samedi dernier les véritables chiffres des logements réalisés, ceux en cours, en voie d'être lancés ou en instance, les services de la wilaya ont levé un coin du voile. Celui-là même que les membres de l'association des bâtisseurs de la wilaya de Annaba ne cessent de dénoncer. Mohamed A. l'un d'entre eux a affirmé : « J'ai été étonné de voir mon entreprise portée sur la liste des promoteurs chargés de la réalisation des logements. Je ne comprends rien. Je n'ai pas encore soumis un quelconque devis et on m'attribue, sans que je le sache, une réalisation d'un certain nombre de logements sociaux. C'est à ne rien comprendre. Allez ouvrir le dossier des 50 logements de Beni M'haffeur, vous y découvrirez où se jouent les véritables enjeux. En tous les cas, ils ne prennent pas en considération l'attente des demandeurs. »