Le grand guitariste du groupe Raïna Raï, Lotfi Attar, l'enfant terrible du raï'n'roll et enfant de la balle de Sidi Bel Abbès, revient d'un long séjour au Canada. Il y avait de l'électricité dans l'air ! Lotfi Attar, vous revenez de Montréal (Canada) où vous avez séjourné pendant trois mois... On a été invité au Festival des musiques du monde arabe sous l'impulsion du ministère de la Culture algérien. Je me suis produit dans la grande salle du Corrona, dans des clubs comme celui du Beau Bar, animé des concerts, tels que celui du réveillon aux côtés des chebs Dino et Fayçal. C'était chaleureux, familial et nostalgique pour la communauté algérienne et maghrébine au Canada. J'ai été invité avec d'autres artistes algériens à Ottawa. Ce qui m'a touché, c'est que les concerts et même ceux privés étaient archicombles. Que vous a apporté ce voyage en Amérique du Nord ? Cela m'a permis de connaître les Québécois qui sont accueillants et chaleureux, de jeunes musiciens qui se sont intéressés à ce que je fais. En tant que guitariste, ils m'associent à la dimension internationale. Ainsi, à ces musiciens et autres instrumentistes, je leur ai fait écouter une maquette de compositions inédites. Et ils ont apprécié ma manière de jouer à la guitare. Que pensent les Canadiens et notamment ces musiciens du style raï électro de Sidi Bel Abbès ? Pour eux, c'est un nouveau souffle dans le monde. Je ramène quelque chose de nouveau. je ne me limite pas uniquement à mon pays, l'Algérie. Pour eux, je suis un guitariste international. L'un des derniers Mohicans des années 1960 et 1970. J'ai été vraiment ému quand on m'a dit qu'on retrouvait dans mon jeu du Hendrix, du Santana, du Mark Knopfler... et que le monde était en moi. Et puis, je suis un enfant du rock et pop de cette époque-là et celui des musiques du monde. Et je suis beaucoup plus world music. Je suis un citoyen-musicien du monde. On perçoit dans la tablature de Lotfi Attar, un gros son solide rock rédhibitoire... Pour vous dire, je suis un guitariste tout simplement. Je ne suis pas un guitariste qui fait la course au manche (guitare). Etre rapide n'est pas une référence de talent. La guitare est un instrument renfermant des émotions, des humeurs... Il y a des moments où je suis rapide, même très, et d'autres où j'exprime doucement quelque chose d'intense. Quels sont les guitaristes qui t'ont inspiré ? Tes références... Au début, c'était les Shadows. Il y avait une mélodie et une structure musicale derrière. Et puis, il y a eu les Beatles, les bluesmen américains, Jimi Hendrix, Eric Clapton, Santana, Jeff Beck, Aldi Miola... J'ai toujours cette musique-là. Mais dès que j'ai pris conscience de la culture de mon pays, je m'y suis investi. Car, j'ai une culture à défendre. J'ai pris la structure musicale de la pop music et l'ai insufflée dans le raï. Justement, quel est le secret de cette transposition de la note pentatonique de la flûte (gasba) du ch'ir el melhoun (poésie populaire) en rif caractéristique raï électro de Sidi Bel Abbès ? Sidi Bel Abbès a toujours des groupes de rock et de pop. Un foisonnement de formations faisant de la pop music. Quand j'entends les chioukh du ch'ir el melhoun (poésie populaire chantée) qui chantent, pour moi c'est du blues du trab (terroir), roots, quoi ! Dans la note pentatonique de la gasba(flûte), il y a de la révolte et beaucoup de blues. C'est un feeling de la musique traditionnelle algérienne. Et la déclinaison du goumbri électrique surchargé... Il y a quelque chose de bizarre dans ma famille. Des ancêtres venaient de l'Andalousie. Et un aïeul était marié à une Africaine. Donc, j'ai du diwan et du gnawi dans les « gènes » et bien sûr dans la peau. En fait, je fais du diwan et du gnaoui d'avant-garde et d'évolution. Je ne reste pas dans le ganoui folklorique. Depuis ma prime enfance, j'ai été emporté et transporté par le diwan de Sidi B'lal. Dernièrement vous avez repris Hey Joe de Jimi Hendrix qui est devenu Djelloul... On se refait pas... Il n'y pas de nationalités dans l'art. Je ne suis pas prétentieux. Le jour où les Algériens considéreront leurs artistes en les mettant en valeur dans le monde entier, alors les choses changeront. Raïna Raï a fait école depuis... Nous sommes fiers de cela. C'est notre devoir d'ouvrir la voie à d'autres groupes que nous respectons. Nous avons été les pères et eux aussi seront les pères pour d'autres. Si nous sommes les précurseurs du raï électrique, ce n'est pas comme ça. C'était un mouvement rebelle. C'était notre « révolution culturelle à nous ». Et Zina, reste d'actualité, ça veut tout dire. La dernière fois, quand je suis venu vous rendre visite, à Sidi Bel Abbès, dans votre antre, chez vous, vous aviez huit guitares accrochées au mur... (Rires). Ces guitares ont fait « des petits ». J'en ai maintenant seize. (Rires). Vous avez un musée... J'ai ramené récemment deux guitares allemandes du Maroc où j'ai participé au Festival du théâtre de Casablanca, dont l'organisation est professionnelle. Il s'agit d'une guitare jazz vintage rouge, une très belle pièce, datant de 1932 et une autre customisé avec des micros Fender. Et du Canada, j'ai ramené deux Gibson Maroder et US One U2 de couleur verte ainsi qu'une Fender télécaster et une Ibanez. Mais votre fidèle et préférée guitare demeure la Gibson Gold... Oui, elle m'accompagne depuis 1989. Vous préparez quelque chose de nouveau... J'ai une démo de quatre titres ainsi que d'autres en chantier pour un éventuel album, mais pour le réaliser il faudrait des conditions professionnelles Vous avez adopté un nouveau look... Je m'y sens bien, et ma fille, qui a 18 ans, l'adore déjà.