Aux Tagarins, siège du ministère de la Défense, on ne compte décidément plus les gros contrats d'armement passés notamment avec le fournisseur historique (de l'Algérie), la Russie en l'occurrence. Des contrats qui se chiffrent par milliards de dollars (16 milliards rien qu'avec la Russie), conclus dans l'opacité totale, et pesant lourdement sur les objectifs de développement national. Le quotidien économique russe Vedomosti a rapporté dans son édition d'hier que la Russie va livrer à l'Algérie (et au Turkménistan) 150 chars T-90 pour un montant de 500 millions de dollars. Citant des sources proches de Rosoboronexport, la compagnie publique russe chargée des exportations d'armements, Vedomosti précise que ces nouvelles livraisons se feront conformément à deux contrats conclus en été et en automne 2011 portant sur 30 chars T-90 au Turkménistan et 120 chars à l'Algérie. Deux pays, commente le même journal, «qui ont peur des révolutions qui touchent le monde arabe (sic)». «Ces contrats ont été conclus sur fond d'instabilité croissante, après les révolutions en Tunisie et en Egypte, et la guerre en Libye», a déclaré à Vedomosti, une source proche de Rosoboronexport et de la Russian Technologies. En 2010, souligne-t-on par ailleurs, la Russie avait déjà livré 185 chars T-90, un tank qui équipe déjà l'ANP et l'armée russe. Cette dernière semble ne plus en vouloir dans ses forces blindées, notamment pour son «coût élevé et à qualité inférieure par rapport à des modèles analogues allemand ou israélien», à en croire le même quotidien russe. Le ministère de la Défense russe vient même de rendre publique sa décision de suspension de l'achat de nouveaux véhicules blindés par les forces armées de Russie, et ce, pour un délai de cinq ans. Cette décision a été annoncée, hier, à Moscou, par le chef d'état-major de l'armée russe, Nikolaï Makarov. La liste des véhicules blindés comprend notamment les vieux modèles T-90 et BMP-3, etc.). «Nous avons donné aux concepteurs cinq ans pour développer de nouveaux types de matériel militaire», a déclaré à la presse Nikolaï Makarov. Cependant, le contrat portant sur l'achat du char de combat «Vladimir», le T-90, ne daterait pas de l'autonome dernier. Il s'agirait, selon toute vraisemblance, d'un vieux contrat portant sur l'achat de plus de 300 chars T-90, datant de septembre 2006, conclu cinq mois après la visite de Poutine à Alger. La signature du contrat – plus d'un milliard de dollars – a même été rendue publique (agence russe Arms-Tass, 24 novembre 2006) par Igor Sevastyanov, directeur du département des exportations des armements des forces terrestres au sein de Rosoboronexport. La première commande, de 180 chars, devrait être exécutée avant la fin de 2007 et le reste, 120 chars, finalisé au courant de l'année 2011. Ce tank a été fabriqué en chaîne, dès 1994, par les usines Uralvagonzavod en Sibérie et le premier prototype est sorti d'usine en 1988. Il est présenté comme l'un des plus «performants» de sa génération et surtout des moins chers : un T-90 coûterait quelque 3 millions de dollars contre 6 millions pour un Abrams américain et 8 millions pour un char français Leclerc. Toutefois, qu'ils soient nouveaux ou anciens, l'empilement de ce type de contrats, aux montants vertigineux, suscite plus d'une interrogation en rapport notamment avec les motivations réelles du pouvoir d'Alger. Le régime algérien, effrayé par la vague des soulèvements populaires, s'offre en effet un arsenal phénoménal capable à la fois de parer à l'ennemi extérieur qu'«intérieur». Une course à l'armement qui ne dit pas son nom, doublée d'une course à l'achat de soutiens des grandes puissances principales fournisseurs de l'Algérie en armements. En la matière, l'Algérie est indétrônable. Elle caracole en haut de l'affiche : huitième acheteur d'armes au monde, sur la période 2006-2010. L'Algérie a acquis, au cours de la même période, 3% des armes conventionnelles commercialisées dans le monde, arrivée ex aequo avec l'Australie et les Etats-Unis. Le budget de la Défense nationale culmine en 2011 à plus de sept milliards de dollars.