La CAN 2006 a confirmé une triste vérité dans le football africain. Les joueurs vedettes des sélections ont droit de vie ou de mort sur les sélectionneurs. Cela s'est vérifié en Egypte. Au moins trois joueurs, de trois sélections différentes, se sont illustrés dans ce chapitre. Il s'agit du Togolais Emmanuel Adebayor, de l'Ivoirien Didier Drogba et du Camerounais Samuel Eto'o. Leurs coachs respectifs, le Nigérian Stephen Keshi, le Français Henri Michel et le Portugais Arthur Jorge ont subi leurs volontés, disons caprices, sous peine de rentrer chez eux prématurément. Déjà ces joueurs et leurs semblables puisent leur pouvoir absolu tout simplement de leur statut de professionnel. L'exemple d'Adebayor est très révélateur de l'esprit étriqué de quelques joueurs qui se prennent pour des messies. A force de créer des problèmes, le groupe togolais a explosé et l'entraîneur Stephen Keshi a perdu la partie, et probablement son poste. Adebayor a joué la victimisation pour détourner l'attention de l'opinion togolaise et la fourvoyer dans des voies qui n'ont rien à voir avec ce qui s'est passé en Egypte. Bien sûr, les dirigeants de la fédération du Togo accorderont leurs violons avec ceux du joueur et se débarrasseront de l'entraîneur nigérian. Sa succession était ouverte au Caire. Adebayor, qui a signé à Arsenal, aurait pris langue personnellement avec Claude Leroy pour qu'il prenne la place de Stephen Keshi. ` Le Français a ensuite signifié la fin de son aventure avec les Simba et attendrait une invitation officielle de la fédération togolaise pour aller parapher son contrat avec les Eperviers qu'il conduira en Coupe du monde. Henri Michel, lui aussi, court le même risque que Keshi. Dans l'entourage des Eléphants, personne ne fait mystère de l'imposante influence de Didier Drogba sur tout ce qui touche à l'aspect technique. Drogba, de par son statut de joueur à Chelsea, jouit d'un pouvoir illimité au sein du groupe. Samedi, lors du match Cameroun-Côte d'Ivoire, tous les spectateurs présents au stade de l'Académie militaire au Caire ont assisté à une scène presque irréaliste. Au moment d'un changement de joueur, Didier Drogba s'est précipité vers la ligne de touche pour signifier son mécontentement concernant le choix de l'entraîneur. Du doigt, l'attaquant de Chelsea a désigné le joueur qui devait quitter le terrain et il a insisté pour qu'il le fasse rapidement, humiliant au passage Henri Michel, debout sur la ligne de touche et ne sachant quoi faire ni dire. Le Camerounais Samuel Eto'o, lui aussi, se conduit comme un sémaphore sur le terrain. Il est le seul Camerounais qui jouait comme bon lui plaisait à tel point qu'il a été pratiquement transparent le soir de vérité. Ces exemples, ajoutés à celui du Sénégalais Hadji Diouf, un sacré numéro celui-là aussi, et vous aurez le reflet des mauvais exemples de ceux que tous les enfants d'Afrique adulent. Ce qui déçoit le plus dans ce genre d'affaire, au-delà de la mauvaise image qu'elle renvoie de ces professionnels qu'on idéalise trop souvent, c'est que ces comportements sont mis au placard lorsqu'il s'agit de leur club employeur sachant qu'ils deviennent dociles et sans aucun écart de langage, ni de comportement. Le football africain a besoin de joueurs respectueux. Ce n'est pas parce qu'on s'appelle Drogba, Eto'o, Diouf ou Adebayor, qu'on joue en Europe, qu'on doit se sentir obliger d'exercer un droit de vie et de mort sur un coach. La faiblesse des dirigeants, l'exploitation à des fins politiciennes du football par des politiques encourage cette fuite vers l'avant, très souvent sans issue.