Il faut allonger un billet de 200 DA pour traverser Bouhalala, une localité difforme et sans âme, au bord de la RN44, entre l'aéroport et Ben M'hidi. La route est coupée à la circulation depuis vendredi par des citoyens qui se sentent abandonnés dans la catastrophe causée par les crues des oueds. Toutefois, on peut passer en toute quiétude si ont paie la dîme à des racketteurs qui opèrent au vu et au su de tous, mêmes des services de sécurité présents sur les lieux mais impuissants. «Il n'y a plus d'Etat», entend-on dire. Pour rejoindre le chef-lieu, il faut aller à Zerizer, puis à Asfour puisque la RN44 est aussi coupée à Bouremana, juste après le pont du Bounamoussa, monter jusqu'au barrage par la vallée de l'oued en crue et redescendre dans la plaine de Bouteldja par Cheffia. Une expédition ! Hier lors d'un point de presse, le wali d'El Tarf a annoncé que les démarches pour déclarer la zone sinistrée étaient en cours. Les services concernés ont été chargés d'établir les bilans des dégâts causés par les inondations. Selon le chef de l'exécutif, le barrage de Mexa aurait procédé à des lâchers de 128 millions de mètres cubes, soit deux fois sa capacité totale. Celui de Bougous 26 hm3 et celui de Cheffia 106 hm3. Difficile de croire qu'on aurait ainsi vidé, en moins de 48h, l'équivalent d'un grand barrage de 260 hm3. On s'interroge également sur l'efficacité du projet hydro-agricole qui a coûté la bagatelle de 400 milliards de centimes pour justement prévenir les crues et particulièrement là on a retrouvé, hier, la troisième victime des inondations qui n'a pas été secourue malgré ses appels à l'aide. Comme toute la population à El Tarf, le président de l'APW impute cet état de fait à l'Agence nationale des barrages (ANB) qui a mal géré et anticipé la situation. La meilleure preuve en est que les zones non régulées par des barrages, comme les plaines d'Om Teboul ou de Raml Souk, n'ont pas été affectées par la nappe d'eau dévastatrice. Alors que nous mettons sous presse, nous apprenons qu'il y a un reflux de la nappe vers Bouteldja et l'aéroport de Annaba, qui risquent d'être inondés. Les secours se poursuivent avec des renforts de la Protection civile venus de Constantine et Annaba, qui s'ajoutent à ceux de la Marine nationale en action depuis vendredi matin. Plus d'une centaine de vies ont pu être sauvées de justesse, dont 22 par hélitreuillage. Des personnes bloquées dans leurs véhicules ont été secourues in extremis. On parle de plus de 200 familles sinistrées et placées dans des centres de secours. Mais les appels à l'aide continent de fuser de toutes les régions. Il faut rendre hommage à la radio locale qui a suspendu toutes ses émissions pour se faire le relais entre les victimes, qui peuvent appeler à toute heure, et la cellule de crise.