Les organisateurs du colloque sur l'Emir Abdelkader veulent mettre en valeur les différentes facettes de la personnalité du fondateur de l'Etat algérien moderne. Tlemcen. De notre envoyé spécial L e poète céleste», «Le mystique ésotérique», «Le curieux du monde», «Le penseur visionnaire», «L'homme d'écoute», «Le chef militaire», «L'homme d'Etat» sont des thèmes développés lors du colloque international, «Abdelkader, homme de tous les temps», ouvert hier au Palais de la culture Imama à Tlemcen, à la faveur de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique». Cette rencontre est organisée par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) en collaboration avec la Fondation Emir Abdelakader et l'université Aboubakr Belkaïd de Tlemcen. «L'Emir Abdelkader est le fondateur de l'Etat algérien moderne. Un Etat lié aux Ottomans, Zianides, Hamadites, Fatimides, Numides, Zirides… En novembre 2032, nous fêterons les 200 ans de l'institution de l'Etat moderne algérien», a déclaré Zaïm Khenchelaoui, chercheur au CNRPAH. Mohamed Boutaleb, président de la Fondation Emir Abdelkader, a annoncé qu'il revenait d'un voyage à Caracas où une place porte désormais le nom de l'Emir Abdelkader. Des monuments existent également au Mexique, à Cuba, en France et aux Etats-Unis. M. Boutaleb a rendu hommage à Aboubakr Belkaïd, un des membres fondateurs de la Fondation. Slimane Hachi, directeur du CNRPAH, a estimé que l'Emir Abdelkader a été à l'origine de la pose de la première pierre de la présence algérienne dans le monde. «Si l'Emir Abdelkader, Jugurtha, Massinissa, Ibn Khaldoun sont peu connus des jeunes, c'est parce que l'université algérienne ne s'investit pas suffisamment dans la recherche sur ces personnalités», a-t-il regretté, appelant à une meilleure étude du XIXe siècle algérien. M. Khenchelaoui est revenu sur la symbolique de l'arbre. En novembre 1832, l'investiture (moubayâa) de l'Emir Abdelkader par des chefs de tribus s'était faite sous un arbre, dans la plaine de Ghriss, à Mascara. A l'époque, le fils de cheikh Mahieddine n'avait que 24 ans. Il avait été consacré «prince de la nation» et «protecteur de la foi». Il avait, selon Zaïm Khenchelaoui, constitué une armée, frappé la monnaie, constitué une armoirie nationale, nommé des ministres et des consuls et réformé les institutions religieuses, l'économie, l'éducation et la santé. «La consécration de l'Emir Abdelkader constitue le fondement moral de l'Etat algérien et un référentiel dans lequel celui-ci puise sa légitimité et sa sacralité. Les Algériens n'ont jamais rompu cette alliance. On pourrait donc affirmer que l'Emir est la racine et la postérité de l'Algérie, son alpha et son omega. Il s'agit ici de célébrer un soldat de la paix», a expliqué le chercheur. Yuko Tochibori, de l'université de Kyoto (Japon) a, pour sa part, exploré le sens du «contrat» chez l'Emir Abdelkader. «Il avait toujours prôné la coexistence entre musulmans et non-musulmans. Il était favorable au dialogue entre l'Islam et les autres religions. Il avait toujours mis en avant les idées de paix et de sérénité dans les accords et les traités signés avec les autres parties», a-t-elle relevé. Elle a rappelé que l'Emir Abdelkader avait accepté de ne plus livrer bataille à l'armée française à la seule condition de la restitution de la liberté au peuple algérien (thèse historique controversée, non encore étudiée). «Mais le colonialisme français n'avait pas respecté cet engagement. Il a déporté l'Emir à Toulon puis ailleurs, en France», a soutenu l'universitaire japonaise. «L'Emir a poursuivi malgré cela son combat pour les droits de l'humanité et pour faire connaître l'Islam et ses valeurs», a-t-elle ajouté. Et de rappeler le rapport particulier que l'Emir avait développé avec les chrétiens. Céderic Ribeyrot, de l'Institut orthodoxe français a, de son côté, relevé que l'Emir Abdelkader, «prince parmi les saints et saint parmi les princes», a donné à l'homme contemporain tous les clefs «pour transcender sa propre personne avec l'aide de Dieu». Il a souligné que l'œuvre de l'Emir s'était notamment inspirée de celle d'Ibn Arabi. Ahmed Bouyerdène, de l'université de Strasbourg, a analysé les différents portraits d'Abdelkader, représenté sous des images et iconographies évolutives selon les conjonctures politiques et militaires. L'Emir était tantôt représenté comme un homme aux traits négroïdes ou un homme aux gestes féminisés. Nous y reviendrons. Taran Volodymyr, de l'université ukrainienne de Zaporizhzhia, a expliqué que le modèle de l'Emir Abdelkader a servi pour la construction du leadership politique national en Ukraine moderne.