Kamel Mouellef a longtemps été hanté par le destin de son arrière-grand-père : un tirailleur algérien mort «au champ d'honneur» le 20 juillet 1918, après quatre années au front. Dans Turcos. Le jasmin et la boue, une bande dessinée (éditions Tartamudo), il veut offrir à la jeune génération un motif de fierté. La guerre de 1914-1918 vue du 11e RTA (Régiment de tirailleurs algériens), le plus décoré de l'armée française car le plus exposé au feu de l'ennemi. La bravoure de ceux qui se battent pour une mère-patrie inconnue, et pas forcément reconnaissante. -Comment est née l'idée de traiter un tel sujet, les Turcos, les tirailleurs algériens ? L'idée de traiter ce sujet m'est venue lors des sifflements de la Marseillaise. Si personne ne leur parle à ces supporters de l'histoire de leurs ancêtres qui ont tant donné à cette France et à ce drapeau, comment sauront-ils d'où ils viennent ? D'où l'idée d'une bande dessinée reprenant l'histoire de mon arrière-grand-père mort pour la mère-patrie dans l'oubli le plus total. L'anecdote de l'origine du mot Turcos est extraordinaire... Je voulais interpeller les Français et rappeler l'engagement de nos ancêtres bien avant la 1re Guerre Mondiale, car en général l'appellation les tirailleurs algériens n'est connue que pour les 2 Guerres Mondiales. Le terme de Turcos trouve son origine pendant la guerre de Crimée (1853-1856), les soldats russes avaient peur des soldats français habillés en costume oriental. Pour eux, ces soldats étaient des Turcs. -Votre BD est-elle une réponse aussi au débat sur l'identité nationale ? Ma réponse est le ras-le-bol de la stigmatisation du débat sur l'Islam, de l'identité nationale, de l'Arabe qui ne bouffe que le pain du Français, des bienfaits de la colonisation, des devoirs mais jamais des droits, etc. Existe-t-il une forme de vivre ensemble à l'armée, même si les tirailleurs algériens peuvent être assimilés aux «Malgré nous» ? Je ne sais pas. Il y avait une forme de bien vivre ensemble dans l'armée, il n'y a qu'à lire le livre des officiers algériens des années 1950 et la réponse se trouve dans ce livre. Après réflexion, je dirais plutôt que la réponse se trouve dans les tranchées. -Pourquoi un tel choix graphique ? Pourquoi ce choix graphique ? Cela vient de l'éditeur, du dessinateur. Je voulais une BD historique pour rappeler la tristesse de la guerre avec une préface de Yasmina Khadra. J'ai voulu dans ce cahier apporter les preuves des engagement de nos ancêtres pour éviter les polémiques. Je travaille sur une deuxième BD Turcos, qui aura pour titre Jean Moulin, Jean Mohamed, Jean Mamadou, Jean N'Guyen, Jean Fernandez car la résistance française était colorée, et surtout que nos jeunes puissent avoir des éléments de réponse. Demain, ils ne seront plus agressifs mais fiers de leurs origines. J'espère contribuer à la transmission de la mémoire pour que la jeune génération s'approprie son histoire.