La Constitution algérienne à travers l'article 29 consacre l'égalité entre l'homme et la femme. Mais dans la réalité, cette loi est loin d'être appliquée comme en atteste l'absence des femmes dans la vie politique du pays. Cette absence de représentativité des femmes n'est pas due à leur incompétence, comme le veulent faire croire certains, mais tout simplement à notre culture, aux traditions et coutumes de notre pays et bien sûr au désir des hommes de dominer les femmes et de les maintenir éternellement sous tutelle. Ce n'est pas l'incompétence qui fait défaut chez la femme, mais plutôt le «machisme» de l'homme qui «légifère» des lois en sa faveur. Comment contourner cet ordre établi ? Comment répondre aux associations féminines qui mènent un combat pour l'émancipation de la femme et sa participation dans la vie politique ? Le président de la République a cru trouver la parade en proposant une solution. Il a décidé d'une révision partielle de la Constitution en introduisant une nouvelle disposition relative à la promotion des droits politiques des femmes. Il s'agit du rajout d'un article, le 29 bis en l'occurrence, qui vient renforcer la disposition de l'article 29. Lequel stipule que «les citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d'opinion ou toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale». Quant à la nouvelle disposition que la révision a rajouté, elle dispose que «l'Etat œuvre à la promotion des droits politiques de la femme en augmentant ses chances d'accès à la représentation dans les Assemblées élues». Ce nouvel article a été précisé par une loi organique, qui a, il faut le dire, soulevé un tollé chez les députés lors de son examen à l'Assemblée populaire nationale (APN) en octobre 2011. Il s'agit du projet de loi organique fixant les modalités d'élargissement de la représentativité des femmes dans les Assemblées élues et dont les articles stipulent que chaque liste de candidats doit comporter une proportion de femmes qui ne peut être inférieure au tiers du nombre total des candidats de la liste, sous peine de rejet. Un système discriminatoire envers les compétences Pour faire face au manque de candidates dans les régions rurales où la femme ne participe pas à la vie politique, le projet en question propose de limiter l'application du système de quotas aux élections de l'APN, des APW et des APC qui comptent plus de 20 000 habitants. Les partis siégeant à l'Assemblée, qu'il soit démocrate ou conservateur, ont évalué, de manière différente, cette loi ayant suscité moult réactions et qui a été modifiée selon les aspirations du parti majoritaire à l'Assemblée : le FLN. Le président de la République avait, faut-il le rappeler, imposé un système de quotas de 30%, toutefois, après un houleux débat à l'APN, la commission des affaires juridiques de l'Assemblée a revu à la baisse ce chiffre arguant que les partis politiques auront des difficultés à trouver des femmes à mettre sur la liste électorale. Cet argument a choqué plus d'un, ce qui a incité quelques partis politiques siégeant au sein de cette commission à rectifier le tir ! Certains pensent que le système des quotas sera une discrimination à l'encontre des militantes qui mènent un combat et une lutte acharnée pour l'émancipation de la femme. S'érigeant en donneurs de leçon, ils affirment qu'il revient à ces femmes de prouver leurs compétences pour accéder aux listes de candidatures. D'autres expliquent que la liberté de choisir sa vocation prime sur une loi qui ne peut «obliger» les femmes à participer à la vie politique. Cependant, dans ce débat, il ne faut pas perdre de vue la position misogyne de certains leaders de partis politiques qui marginalisent leurs militantes et les classent en bas des listes électorales, ce qui ne leur permet pas d'être élues. Certains observateurs vont plus loin dans leur raisonnement en accusant ces partis politiques d'utiliser la femme pour décorer uniquement la façade. De là, ils estiment que le système des quotas est un petit «pas» en avant, même si, quelque part, ce quota est considéré comme discriminatoire envers les compétences. Devant cet état de fait et devant l'imposition des quotas, comment les partis politiques comptent-ils procéder pour respecter et appliquer cette disposition. Vont-ils louer des espaces publicitaires dans les journaux en quête de femme candidate ? Vont-ils essayer de convaincre des femmes d'épouser la politique ? Où vont-ils recruter à l'aveuglette ? Tout d'abord rappelons que la loi organique définissant les modalités d'élargissement de la représentation de la femme au sein des Assemblées élues établit un processus graduel dans les taux de candidature féminine aux Assemblées élues variant de 20 à 50%. Un taux de 20% a été retenu pour la représentation féminine aux élections de l'APN lorsque le nombre de sièges est égal à 4 et un taux de 30% pour un nombre de sièges égal ou supérieur à 5. Des partis qualifient de flou la loi organique Les avis des partis politiques divergent sur cette loi adoptée par les deux Chambres du Parlement, mais sont tous tenus de l'appliquer, en dépit des lacunes qu'elle renferme, d'autant que la non-application de cette dernière annulera la liste qui ne comprend pas un taux de 20% de femmes au niveau de la circonscription électorale, se sont plaints certains leaders de formation politique. Le Parti des travailleurs, dirigé par Louisa Hanoune, s'est toujours exprimé contre le système des quotas. «Du point de vue démocratique, le quota n'est pas une solution. Nous pensons qu'un parti réactionnaire n'a pas besoin d'une loi organique où qu'on lui impose un quota. Un parti politique qui se respecte doit faire dans l'alternance», affirme M. Taâzibt qui se réjouit de voir que le PT est l'un des partis qui met au-devant de la scène la femme. «Dans la précédente législature, nous avions 17 femmes tête de liste. Nous avons toujours appliqué la règle de l'alternance : homme et femme… Dans les pires des cas, nous plaçons la femme en troisième position», explique M. Taâzibt. Le PT, selon ses responsables, n'a pas attendu une loi organique pour rendre justice à la femme ou encourager sa participation à la vie politique. «La loi consacre légalité et nous respectons les lois de la République», commente M. Taâzibt. Toutefois, sur la loi portant élargissement de la représentativité de la femme, le parti de Louisa Hanoune l'a qualifiée de flou. «Des doutes persistent sur la faisabilité de cette loi», note M. Taâzibt, arguant que les amendements apportés au texte intégral prêtent à confusion. De son côté, le MSP se dit très à l'aise quant à l'application de cette disposition. Kamel Mida, chargé de l'infirmation au MSP, a indiqué que le mouvement a assez de militantes pour inscrire 20% des femmes sur ses listes de candidatures. Le MSP, explique-t-il, choisira des candidates compétentes et ayant une popularité, soulignant que le mouvement ouvrira le champ politique à des femmes non militantes au sein du parti si elles sont capables de drainer les voix des électeurs et d'apporter un plus à l'assiette électorale du mouvement. A la question de savoir si le parti placera des femmes en tête de liste, M. Mida a répliqué : «Le parti avait déjà proposé des femmes lors des élections législatives de 2007. Actuellement, des commissions chargées de l'examen des dossiers de candidatures au niveau des circonscriptions électorales sont composées de femmes et d'hommes, ce qui dénote de la volonté du mouvement à ouvrir l'action politique à l'élément féminin.» Cette loi consacre la régression politique Mais alors pourquoi dans la législature actuelle il n'y a aucune femme députée du MSP ? M. Mida s'en défend : «Ce n'est pas de notre faute, mais celle des électeurs qui n'ont pas choisi les femmes ! En ce qui nous concerne, nous sommes en faveur d'une liste nationale des femmes pour chaque parti.» Le porte-parole du RND, Miloud Chorfi, a estimé que le RND compte un nombre suffisant de militantes à inscrire sur ses listes pour les prochaines législatives, ajoutant que le parti a déjà placé plusieurs femmes en tête de liste lors des précédentes échéances. «La compétence, le militantisme au sein des structures du parti et la popularité des candidates sont les critères retenus par les partis pour le choix de leurs représentantes», a-t-il indiqué. Mais à la question de savoir pourquoi les militantes du RND ne se bousculent pas au portillon de l'APN, sachant que pour la législature actuelle, leur nombre était très réduit (deux). Nous avons eu la même réponse que le MSP : c'est la faute aux électeurs. Le FLN, par la voix de son chargé de communication, Aïssi Kassa, a, pour sa part, souligné que le FLN «se conformera» à la loi organique et que selon lui «le taux de 20% consacré aux femmes dans les listes électorales lors des prochaines législatives permettra la présence de quelque 134 femmes au prochain Parlement». Pour le vieux parti, la compétence demeure le principal critère quant au choix des candidatures, en plus de la popularité de la candidate. Le comité central du parti a chargé le secrétaire général de réduire la durée du militantisme pour les femmes pour se présenter aux élections législatives à moins de 7 ans. «Il y a une forte demande et nous avons au FLN des profils. Mais dans certaines régions, il y a des réticences. Nous ne nions pas que des compétence existent, mais à mon avis un effort pédagogique s'impose pour convaincre les femmes compétentes à participer à la vie politique», admet M. Kassa. Pour sa part, le président du FNA, Moussa Touati, qui se proclame réaliste, reconnaît que cette loi oblige les partis «à proposer la candidature de femmes n'ayant aucune relation avec les programmes et les idées des formations politiques». Il a ajouté dans ce sens que le fait d'obliger les partis à appliquer cette loi, induira un recul du niveau politique au sein du prochain Parlement, car les partis ne disposant pas de compétences féminines se retrouveront obligés de proposer des candidates ordinaires. Les partis politiques devront, dans ce cas, proposer, selon lui, des candidates, même si cela se fera au détriment de la compétence, afin d'éviter l'annulation des listes qui ne répondent pas au taux requis, a indiqué M. Touati. Par ailleurs, certains partis politiques craignent que ce taux imposé risque de leur poser des problèmes lors des élections locales.