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Les impérities de Chakib Khellil
Retour sur l'accord Sonatrach/Anadarko et Mersk
Publié dans El Watan le 14 - 03 - 2012

Par Ali Mebroukine. Professeur en droit des affaires
Les réactions indignées, suscitées ici et là, suite à l'accord amiable entre Sonatrach et Anadarko, d'une part, Sonatrach et Maersk, d'autre part, sont a priori surprenantes. On ne peut, en effet, inférer d'un litige, qui devait être résolu conformément à la clause de règlement des différends qui y était insérée, une appréciation générale sur la gestion de Sonatrach. Il existe une foule d'éléments, hors ce contentieux, qui appelleraient certainement des jugements sévères sur l'opacité de la gestion de cette entreprise.
Cela dit, on ne peut que se réjouir du retour de Youcef Yousfi à la tête du ministère de l'Energie et des Mines et de la désignation d'un grand manager en la personne d'Abdelhamid Zerguine, comme P-DG de Sonatrach. En revanche, il est indéniable que la longévité de Chakib Khellil, comme ministre de l'Energie et des Mines (1999-2010), a été une tragédie pour le secteur des hydrocarbures et même pour toute l'Algérie, et il est gravissime, même dans un pays où la justice a hélas coutume de cibler les lampistes, que l'ancien ministre de l'Energie et des Mines puisse couler des jours paisibles dans son pays d'adoption, alors que deux P-DG de Sonatrach qui n'ont fait qu'obéir à ses oukases, en matière de passation des marchés, ont dû le payer de leur liberté et sans doute leur carrière est-elle aujourd'hui brisée totalement (le cas de Abdelhafid Feghouli est à cet égard pathétique).
Cela dit, dans l'affaire qui nous occupe, ni Anadarko ni Maersk n'avaient le droit de contester la décision de l'Etat algérien, d'instaurer une taxe sur les profits exceptionnels, dès l'instant que l'Algérie est, au moins sur le plan formel, un Etat souverain qui légifère en considération des intérêts dont il a la charge et dont il est seul juge.
Les entreprises étrangères, qui estiment que la législation algérienne ne leur procure pas un retour sur investissement suffisant, ont toujours la possibilité de s'installer sous des cieux plus cléments. Mais l'Etat algérien a l'obligation de respecter ses engagements et d'abord de s'incliner devant les prescriptions de sa propre loi, qui est celle qui gouverne le contrat litigieux. Tous les juristes du monde savent que la loi ne peut disposer que pour l'avenir et que les lois expressément rétroactives portent atteinte à la stabilité et à la sécurité des transactions, surtout que dans ledit contrat était stipulée une clause dite de stabilisation et d'intangibilité, par laquelle l'Etat s'interdit de porter atteinte aux droits acquis au moment de la naissance du contrat, et, le cas échéant, aux avantages et autres privilèges qu'il avait consentis à l'entreprise étrangère, et ce, jusqu'à l'achèvement de l'exécution du contrat.
Du reste, pour quelles raisons dans la quasi-totalité des contrats à exécution successive ou à long terme, les entreprises étrangères exigent-elles que la partie étatique s'engage à ne pas modifier l'équilibre financier des relations contractuelles ? C'est tout simplement pour ne pas avoir à subir des surcoûts au cours de l'exécution du contrat, surtout lorsque ces entreprises ne les provisionnent pas au départ, se fiant, pour ce faire, à la clause qui répute intangibles et inamovibles les stipulations contractuelles susceptibles d'avoir un impact financier négatif pour elles. Ces règles du jeu fonctionnent aujourd'hui de façon universelle et elles font partie de la pratique internationale de Sonatrach depuis des décennies.
Qu'en revanche, l'on s'interroge désormais sur la licéité de telles clauses dans les contrats pétroliers à long terme est sans doute salutaire et devrait occuper la réflexion de nos décideurs. En d'autres termes, il pourrait être fait interdiction, à quelque autorité algérienne que ce soit, de prévoir, dans une relation contractuelle conclue par un opérateur public national avec une entreprise étrangère, l'insertion d'une stipulation gelant le droit applicable à la date de sa mise en vigueur, ce qui autoriserait le législateur à soumettre le contrat à une loi postérieure, en vertu du principe de l'effet immédiat de la loi nouvelle. Encore faut-il rappeler, ici, que les contrats pétroliers conclus par Sonatrach ne sont pas de simples contrats consensuels, réputés valables dès leur signature par le P-DG de l'entreprise ; il s'agit de véritables contrats solennels ou formels dont la mise en œuvre est subordonnée à leur approbation par décret présidentiel, pris en Conseil des ministres et qui entrent en vigueur à la date de la publication de ce décret au JORADP.
Dans le même sillage, c'est l'article 101 bis, introduit par l'ordonnance n° 2006-10 du 29 juillet 2006, qui pose problème, dans la mesure où cette disposition déroge à l'engagement contenu à l'article 100 selon lequel «l'autonomie de la volonté des parties au contrat d'association est préservée (...…)». Si l'article 101 bis répute intangibles les contrats d'association conclus par Sonatrach et ses associés étrangers, dans le cadre de la loi n° 86-14, il n'en modifie pas moins leur contenu, en instituant une taxe sur les profits exceptionnels dont il fixe l'exigibilité au 1er août 2006, soit trois jours seulement après la publication de la nouvelle loi et sans avoir défini les modalités de mise en œuvre de cette taxe, lesquelles ne le seront que cinq mois plus tard, à la faveur d'un décret exécutif du 2 décembre 2006. Le principe de non-rétroactivité de la loi n'est pas préservé par le seul fait qu'une loi énonce une disposition nouvelle qui ne sera appliquée que pour l'avenir. Le principe de non-rétroactivité est atteint dans sa substance si le contenu de ladite disposition n'est pas précisé et si ses modalités d'application ne sont publiées que des mois après la date d'exigibilité de la taxe. Manifestement, le ministre de l' Energie et des Mines de l'époque nourrissait une conception très originale de la loi qu'il avait lui-même imposée au président de la République, en ignorant superbement sa téléologie, toute tendue vers la protection de l'associé étranger, d'où le sentiment d'insincérité et de déloyauté de sa part qu'ont ressenti, à tort ou à raison, Anadarko et Maersk.
Quant à la démonstration laborieuse de mon confrère et ami N. E. Lezzar, elle est peu convaincante à plusieurs titres :
A ma meilleure connaissance, il n'existait pas de clause d'imprévision dans le contrat litigieux. Il en résulte que des négociations entre les parties, afin de prendre en compte un changement fondamental de circonstances (en l'occurrence la mise en place de la TPE), étaient sans objet. De surcroît, le droit algérien ne permet l'insertion de clauses de hardship, que sous des conditions très strictes (Cf. Code civil, article 107 alinéa 3), à savoir la survenance d'événements exceptionnels, imprévisibles, ayant un caractère de généralité et aboutissant à rendre l'exécution de l'obligation excessivement onéreuse pour le débiteur de l'obligation. Or, comme l'article 107 alinéa 3 est une disposition d'ordre public, sa mise en œuvre aurait abouti, en cas de saisine du juge ou de l'arbitre au résultat inverse de celui que Me Lezzar semble appeler de ses vœux.
Au risque de se répéter, Me Lezzar commet un grave contresens en soulignant que les dispositions fiscales ont vocation à être rétroactives. Aucune loi, de quelque nature qu'elle soit, ne peut y prétendre. Ou alors, il s'agirait d'un signal particulièrement négatif envoyé à tous les investisseurs étrangers ; paradoxalement, au moment où l'Algérie conclut des conventions bilatérales de protection des investissements dont toutes comportent, sans exception, un engagement de stabilisation législative et de surcroît où la règle de la supériorité des conventions internationales sur les lois internes, fussent-elles impératives, est posée explicitement par la Constitution.
Il n'y a pas et il ne peut y avoir fraude fiscale, dès lors que la TPE est régulièrement acquittée au Trésor public, quel que soit le redevable de l'impôt. C'est du reste Sonatrach qui doit s'acquitter de cette taxe auprès du Trésor public (décret exécutif précité, article 4).
Et rien ne lui interdit, ultérieurement, en vertu de la loi, de réexaminer la part de production de chaque associé étranger (c'est ce que le ministre de l'Energie vient de laisser entendre, qui rappelle que la TPE n'est pas remise en cause).
Sur le fondement de quel argument, Me Lezzar peut-il affirmer qu'un litige portant sur le domaine fiscal n'est pas arbitrable ? En se référant au CPCA, pris en son article 1039, on y lit : «Est international l'arbitrage qui connaît des litiges relatifs à des intérêts économiques d'au moins deux Etats». A l'évidence, la question des modalités de versement de la TPE y relève puisqu'elle oppose des entreprises relevant chacune d'un Etat. Si cette situation est jugée non satisfaisante, du point de vue du nationalisme juridique, il revient au législateur d'exclure, au besoin par une liste limitative, les litiges de caractère international qui devront obligatoirement être soumis aux juridictions algériennes. Quant aux considérations tirées des défaillances du cabinet étranger auquel Sonatrach a confié le suivi du litige (de quel cabinet s'agit-il ?), elles relèvent de l'ineptie, dès lors que ne sont connus ni les arguments de fond plaidés par les conseils de l'entreprise ni la stratégie contentieuse initiée par ses conseils avec l'approbation des cadres de Sonatrach en charge du dossier.
Pour conclure, le seul point de vue qui emporte réellement l'adhésion dans ce salmigondis de considérations disparates est celui exprimé par François Perrin, le directeur de PGA et ceux d'Ali Titouche (à travers ses questions à Me Lezzar) et Mélissa Roumadi. Manifestement, l'ancien ministre de l'Energie et des Mines avait agi en solo, ne prenant l'avis de personne et après avoir probablement circonvenu le chef de l'Etat. Il avait besoin de démentir la réputation de personnalité totalement extérieure à l'Algérie et œuvrant pour des intérêts extérieurs à ceux du pays (encore qu'il n'ait pu le faire sans la bénédiction des puissants de l'époque). Il pensait redorer son blason en instaurant une taxe sur les profits exceptionnels, dont les modalités pratiques tournaient le dos au droit.
Son successeur, grand commis de l'Etat, a été obligé de gérer ce dossier au mieux des intérêts du pays, en prenant en considération la nécessité pour Sonatrach de ne pas rompre avec ses associés étrangers sans lesquels elle ne peut ni explorer ni exploiter les ressources du sous-sol de façon optimale. Hélas, depuis le départ de Nazim Zouiouèche de la présidence de Sonatrach en 1997, dont le programme de restructuration de sonatrach avait été approuvé par le président Liamine Zeroual, l'entreprise a été laissée en déshérence.


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