C'était un maître. Une légende. Le dernier des géants de la musique algérienne. Le chantre et le troubadour du bédoui saharien, l'enfant du désert aux semelles de vent… du Sud, Khelifi Ahmed, est décédé dans la nuit de samedi à dimanche, à l'âge de 91 ans. Khelifi Ahmed est un monument de la chanson, pour ne pas dire de la mémoire de la musique algérienne dans sa dimension diverse et riche. Khelifi Ahmed était ce trouvère, ce ménestrel, ce troubadour qui avait immortalisé Hizia de Benguitoune, Bent Sahra, Ghomri de Kaddour Ben Achour, Galbi Tfekar (laoutane) de Mostefa Ben Brahim, Biskra ou encore Loghzal Eli Kan… De son vrai nom Ahmed Abbas Ben Aïssa, Khelifi Ahmed, né à Sidi Khaled, sur les rives de l'oued Jdi (Biskra) en 1921, a fait ses premières armes, sa première émission, avec Abdelhamid Ababsa au piano. En 1949, il se lance dans la musique typique du Sud avec son fameux Aye, aye ! Puis il participe à l'émission radiophonique Khalti Tamani de Hachelaf. Khelifi est nommé la vedette de la Fête nationale à Alger. Khelifi Ahmed insistait pour que sa musique ait une consonance bédouine. Lettré, d'une grande culture et surtout possédant une voix de stentor, Khelifi Ahmed la posera sur des poésies authentiques, d'une grande profondeur, œuvres de poètes commes Benguitoune, Belkheir, Benkriou ou encore Kaddour Ben Achour. Ce qui est méritoire chez Khelifi Ahmed, c'est qu'il a modernisé le style bédoui saharien, et ce, à travers une direction orchestrale, des règles de solfège comme il l'a fait avec Skandrani, tout en lui insufflant une âme, le souffle des mots des grands poètes Benguitoune ou Mostefa Ben Brahim. Khelifi Ahmed était chef d'orchestre des émissions en langues arabe et kabyle (Elak) de la radio en 1946. El Hadj M'hamed Anka (chaâbi) était son pair. Réagissant à la disparition de ce cheikh du bédoui sahraoui, le musicologue Nasreddine Baghdadi témoigne : «Khelifi Ahmed demeurera celui qui a modernisé le genre bédoui saharien. Il maîtrisait aussi le malouf et le chaâbi. Il avait une voix puissante, exceptionnelle. C'est l'équivalent du bédoui oranais. Il avait de la classe, de la grandeur, une stature. Il était respecté au Maroc, en Tunisie et au Moyen-Orient. Il a marqué la musique algérienne. C'est la fin d'une époque. C'était un homme exquis…»