Rien ne va plus, ces derniers temps, entre les responsables de la Cnan et les travailleurs d'une de ses filiales, Algerian Ship Management Company (ASMC), chargée de l'armement des navires. Le malaise est la conséquence de l'imminence de la dissolution de la filiale, qui emploie quelque 500 marins et plus d'une centaine de sédentaires. Dans le silence le plus absolu, la première filiale, Maghreb Line, a déjà réduit presque à zéro toutes ses activités depuis un certain temps sans qu'officiellement sa dissolution soit annoncée. Même attendue, cette décision a fait l'effet d'une bombe au sein de l'entreprise qui se débat depuis près de deux ans dans de graves problèmes non seulement de trésorerie mais également de gestion de la flotte. Ces dissolutions entrent dans le cadre de la restructuration de la compagnie, en prévision de l'ouverture de son capital au privé, décidée par le gouvernement. Le 18 décembre 2005, le président du directoire de Gestramar (Société de gestion des participations des transports maritimes) avait demandé par écrit au premier responsable de la Cnan d'envisager la dissolution de l'ASMC et de rattacher ses activités au groupe. « Conformément aux orientations du ministre des Participations et de la Promotion des investissements, lors de la réunion du 12 novembre 2005, et suite aux conclusions de la compagnie, contenues dans le document intitulé « Grands axes de la stratégie à très court terme de Cnan Group », en date du 24 novembre 2005, dans le chapitre relatif aux difficultés rencontrées, notamment liées à l'organisation, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir envisager la dissolution de la filiale ASMC et de rattacher ses activités à Cnan Group (...) », a écrit le président du directoire, précisant plus loin qu'il faut « soumettre le dossier de la dissolution et du transfert des activités à l'appréciation des organes sociaux ». Une semaine plus tard, soit le 26 décembre 2005, une réunion a regroupé les membres du conseil d'administration (CA) de ASMC, dont l'ordre du jour a trait, entre autres, à la dissolution de la filiale. « Vétusté de la flotte » Dans le document qui a sanctionné cette assemblée, il est fait état des explications présentées par le président du CA et qui reposent sur la situation critique de la filiale due « à la vétusté de la flotte, les coûts générés par les réparations des navires et auxquels s'ajoute l'importance des effectifs rendant la privatisation de la filiale difficile ». Le président a également fait part « d'un appel à manifestation d'intérêt et lancé par la SGP Gestramar et pour lequel aucun soumissionnaire n'a été intéressé par la filiale ». En conclusion, les membres du CA ont mandaté le président pour transmettre le rapport établi par le patron de la Cnan sur la situation de la filiale, à l'assemblée générale extraordinaire du propriétaire. Ils ont adopté comme résolution de convoquer cette assemblée pour décider de la dissolution avec comme date d'effet, le 31 décembre 2005. Cette décision n'a néanmoins pas été prise officiellement par les responsables de Cnan Group. Il y a une semaine, les employés ont été surpris d'apprendre la nouvelle, créant ainsi un climat tendu avec leur hiérarchie. Une assemblée générale devrait avoir lieu demain pour débattre la question, d'autant qu'il s'agit de l'avenir de leur gagne-pain. Contacté, le chargé de la communication de la compagnie maritime a joué l'apaisement en affirmant que la dissolution de la filiale n'est que rumeur. « Rien d'officiel n'a été annoncé dans ce sens. Ce ne sont que des rumeurs », a déclaré Halim Bounehas, directeur de la communication. Avis qui tranche complètement avec les nombreux travailleurs que nous avons rencontrés, lesquels ont exprimé leur profonde inquiétude, d'autant que la dissolution de leur filiale n'est qu'une question de temps. Une assemblée générale est prévue d'ailleurs le 21 février, alors qu'hier lors de l'assemblée générale du conseil d'administration de la CNAN l'annonce de la dissolution et la compression de l'effectif a été fait. Le rapport d'activité pour l'année 2005 a fait état d'une situation financière déficitaire notamment à cause de l'immobilisation (très coûteuse en devises) de ses navires. A titre d'exemple, l'immobilisation du Tlemcen, après sa collision au port de Marseille, a engendré un manque à gagner de 240.000 USD, plus 150.000 euros de réparation ; la saisie pendant neuf mois de Djebel Rafaa en Libye a causé un préjudice de 688.500 USD ; l'arrêt de Ksar Echalala a engendré durant douze mois une perte sèche de 6200 dollars US par jour. L'immobilisation d'Ibn Khaldoun et de l'Edough en Roumanie a causé un préjudice de 8000 dollars par jour, et ce, pendant 120 jours. L'arrêt technique de l'Ouarsenis au Portugal durant 120 jours a coûté à la filiale 480.000 dollars US (à raison de 4000 dollars US/jour). L'immobilisation du Sidi Bel Abbès pendant 12 mois dans les chantiers de l'Erenav a engendré un manque à gagner de 74.400 dollars US (à raison de 6200 USD par mois), celle du Sersou pendant quatre mois en Chine a causé un préjudice de 28.800 dollars US (à raison de 7200 USD/mois) et le retard (de 7 mois) dans la sortie du navire El Hadjar du chantier Daewoo, en Roumanie, a, quant à lui, causé un préjudice financier estimé à 45.000 dollars US (à raison de 6500 dollars US/mois). La gestion de ces arrêts techniques a de tout temps été au centre de sévères critiques autour de la répétition de ces immobilisations et du choix des chantiers pour les réparations des navires. Une enquête judiciaire a même été ouverte récemment, sans qu'aucune information ne soit rendue publique. Cette situation a lourdement affecté la trésorerie de la filiale, rendant sa recapitalisation impossible. Ce qui a rendu sa dissolution inévitable.