C'est la première fois que les rebelles syriens sont aussi clairement désignés du doigt. Après avoir connu plusieurs défections au sein de ses rangs en raison de divergences profondes, l'opposition syrienne réunie autour Conseil national syrien (CNS) est depuis quelques jours l'objet de critiques redondantes de la part d'organisations internationales de défense des droits de l'homme qui lui reprochent d'utiliser les mêmes procédés que ceux mis en œuvre par le régime de Bachar Al Assad pour réprimer la contestation. L'ONG américaine Human Rights Watch (HRW) a ainsi dénoncé hier — et pour la première fois depuis le début de la crise — le fait que l'opposition syrienne, notamment son bras armé l'«Armée syrienne libre» (ASL), commet de «graves violations des droits de l'homme», notamment des enlèvements, des tortures et des exécutions de militaires et de partisans du gouvernement. «La stratégie brutale du gouvernement syrien ne peut justifier les abus commis par les groupes d'opposition armés. Les dirigeants de l'opposition devraient clairement dire à leurs partisans qu'ils ne doivent pas torturer, enlever, ni exécuter, quelles que soient les circonstances», a affirmé Sarah Leah Whitson, directrice de l'ONG pour le Moyen-Orient. Selon l'ONG basée à New York, la révolte populaire, qui a débuté il y a un an de manière pacifique, s'est transformée en rébellion armée, particulièrement depuis début février, au moment où les autorités ont lancé d'importantes offensives meurtrières contre des bastions de la contestation. Une opposition armée incontrôlable A ce propos, l'organisation américaine, qui fait état de l'existence de groupes armés d'opposition incontrôlables, s'est dit craindre que la manière d'opérer de ces milices contribue à aggraver la guerre civile et à semer les germes d'un conflit confessionnel. «Plusieurs groupes antirégime ayant commis des abus ne semblent pas appartenir à des structures organisées, ni dépendre du Conseil national syrien (CNS), la principale coalition de l'opposition au président Bachar Al Assad», a précisé l'ONG. «Il faut impérativement que les éléments armés de l'opposition syrienne protègent les droits de l'homme. Ils doivent clairement se prononcer pour une Syrie qui tourne la page des violations de l'ère Al Assad et accueille tout le monde, sans distinction de religion ou de culture, sans discrimination», a souligné Mme Whitson. HRW précise ainsi avoir recensé des cas d'enlèvement, de torture et d'exécution commis par des groupes d'opposition pour des motifs confessionnels, dans un pays majoritairement sunnite, mais dont le régime est dirigé par des alaouites, une branche du chiisme. «Plusieurs rapports montrent que certaines attaques menées par l'opposition armée étaient motivées par des sentiments anti-Alaouites ou anti-chiites, dus à l'association de ces communautés avec les politiques gouvernementales», selon HRW. Au plan diplomatique, la communauté internationale poursuit toujours ses efforts en vue de trouver une issue politique et pacifique à la crise syrienne et surtout d'amener Damas à accepter le plan arabe de paix soutenu par l'ONU. Le Conseil de sécurité de l'ONU devait notamment examiner hier un projet de déclaration appelant à des «mesures supplémentaires» si la Syrie n'accepte pas les propositions de médiation de Kofi Annan. La Russie – qui ne veut toujours pas entendre parler d'un changement de régime en Syrie – s'est dit prête à soutenir une déclaration appuyant la mission de l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe, Kofi Annan, à condition que celle-ci ne constitue pas un «ultimatum». Depuis lundi, les cinq experts mandatés par Kofi Annan sont en terre syrienne pour négocier la mise en place d'une mission d'observation dans le but de faire cesser ces «tueries». La prochaine «visite de M. Annan en Syrie dépendra largement des progrès réalisés» lors des discussions avec les experts, a précisé son porte-parole. Les analystes, cité par la presse internationale, ont vu un léger signe de détente de la part du régime syrien, la Russie ayant appelé Damas à «accepter immédiatement» un cessez-le-feu quotidien pour faciliter l'aide humanitaire aux civils. En dépit de ces mises en garde, les troupes syriennes ont toutefois poursuivi hier leurs opérations à travers le pays, provoquant la mort d'au moins 13 civils. Des combats sporadiques auraient même opposé des soldats de l'armée régulière aux déserteurs de l'Armée syrienne libre (ASL) au cœur même de Damas. Depuis le 15 mars 2011, la répression par le régime d'Al Assad de la contestation populaire a fait, selon l'OSDH, plus de 9000 morts, mais ce chiffre est impossible à vérifier.