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histoire de regards
Panorama. Le documentaire en Algérie
Publié dans El Watan le 24 - 03 - 2012

Après avoir longtemps fait l'objet d'une ségrégation éhontée dans le monde, le cinéma documentaire a aujourd'hui droit de cité. Considéré comme un genre à part entière, il fait l'objet d'une attention particulière.
Regard spécifique sur le réel, son efficacité dans les domaines scientifique, historique, anthropologique, ethnographique, social, culturel, éducatif et politique, n'est plus mise en doute. Ses auteurs, longtemps méconnus, ignorés, et parfois méprisés, ont fini par accéder à la notoriété. Après un repli important sur le marché domestique, le documentaire connaît, ces dernières années, un remarquable essor.Les grands networks se l'arrachent, le produisent et le diffusent parfois en prime time sur leurs écrans. Ici ou là, des colloques le consacrent(1). Plus de 350 festivals ont été référencés à ce jour.
Le désir de saisir par l'image le réel, remonte à l'origine du cinématographe, aux premières actualités, ces «ciné-documents» qui attestent du formidable engouement des pionniers en la matière. Pour les frères Lumière, ce qui importait, c'était de filmer les hommes dans leur quotidien, loin des studios. Dziga Vertov, Robert Flaherty, Joris Ivens, Georges Rouquier, Henri Stork, Jean Vigo, Luis Buñuel, Jean Epstein, John Grierson et d'autres encore ont eu le privilège d'inscrire sur pellicule les premières images du monde. Les anciens documentaristes, tels Santiago Alvarez, Jerzy Bossak, Jean Rouch, Edgar Morin, Henri Storck, Mario Ruspoli… nous ont permis de mieux appréhender le monde dans lequel nous vivons, ses mystères, ses contradictions et ses mutations. Des films, tels Le Chagrin et la pitié de Max Ophus, Octobre à Paris de Jacques Panigel ou encore, récemment, Gaza-strophe, le jour d'après, de Samir Abdallah et Khéredine Mabrouk, relèvent du même registre.
Longtemps chasse gardée des cinéastes français et autres, les premières productions cinématographiques en Algérie mettaient en exergue le pittoresque des paysages, les scènes folkloriques, les mœurs et coutumes locales, les campagnes de vaccination et les conseils sanitaires. Les caméramans s'intéressaient beaucoup à la nature animale et végétale, mais aussi à l'architecture, l'archéologie et au tourisme. Ces films à caractère ethnographique constituaient l'essentiel des productions du premier Service Cinématographique, né en 1947. Mais, loin d'être des transcriptions de la réalité, ces documents charriaient toutes sortes de mensonges fabriqués de toute pièce.
Trahissant à la fois la matière et les personnages filmés, ce cinéma, dit «direct», ou encore «cinéma-vérité», était composé d'images volées à l'insu de ceux qui étaient filmés. Les prises de vues qui apparaissaient comme des vérités indiscutables, illustraient des points de vue tendancieux, l'objectif étant de manipuler l'opinion publique à des fins de propagande.
Les premières images algériennes, conçues dans les maquis, en pleine lutte de Libération nationale, étaient considérées comme des armes de combat contre l'envahisseur.
Les premières productions datent de 1957 (L'Attaque des mines de l'Ouenza, Les Infirmières de l'ALN, Les Réfugiés), de 1958, L'Algérie en flammes, Sakiet Sidi Youcef), de 1961 (Djazaïrouna, Les fusils de la liberté, J'ai 8 ans, La voix du peuple, Allons z'enfants pour l'Algérie et Yasmina), tournées en pleine guerre de Libération nationale, ont été enregistrées par les précurseurs du genre. Citons Djamel-Eddine Chanderli, René Vautier, Ahmed Rachedi, Yann et Olga Le Masson, Pierre Chaulet, Pierre Clément, Cécile de Cujis, Karl Gass, Mohamed Lakhdar-Hamina, Stevan Labudovic et beaucoup d'autres militants courageux, qui ont choisi de mettre en accord leurs convictions avec leur vocation. Ce cinéma de combat a marqué l'Algérie, avec notamment Peuple en marche et L'Aube des damnés d'Ahmed Rachedi et plus tard, Des faits et des faits d'Azzeddine Meddour.
A partir des années 70, deux voies se sont offertes aux documentaristes : réaliser des films illustrant les combats d'hier contre l'envahisseur, ou mettre en chantier des documentaires commandités par les sociétés nationales qui commençaient à s'implanter. Au même moment, la Cinémathèque algérienne naissante (1965), véritable école de cinéma créée par Ahmed Hocine, offrait à voir au public des documentaires phares, tels ceux de l'Ecole cubaine avec son chef de file, Santiago Alvarez, de l'Ecole argentine, avec Solanas et Gétino (auteurs de La Hora de Los Hornos, chef-d'œuvre de trois heures), ou encore de l'Ecole mexicaine avec Louis Leduc. Ces films ont laissé une empreinte indélébile chez les premiers cinéastes algériens.
Puis, vint l'heure de la tétanie généralisée, suite au démantèlement des entreprises de production et à la fermeture quasi-systématique des salles à travers le pays. L'unique revue de cinéma, Les Deux écrans disparaît. L'Union des Arts Audiovisuels est interdite. Les nombreux festivals cinématographiques baissent leurs rideaux et, enfin, l'Association nationale des ciné-clubs entre en hibernation. Le terrorisme destructeur qui a ensanglanté le pays a fini par faire disparaître des écrans toutes sortes d'images. Ces dernières années, de nouveaux cinéastes ont émergé. Premier motif de réjouissance : c'est par le documentaire que la jeune génération commence à marquer ses repères. Second motif de réjouissance : leurs efforts se voient récompensés par les succès de leurs films, œuvres exigeantes, diversifiées et cohérentes.
Des films ambitieux et passionnants ont été réalisés. Des œuvres exigeantes et singulières ont vu le jour. Le documentaire, qui avait révélé de nombreux talents (entre autres, Brahim Tsaki avec Les Enfants du vent, Kamel Dehane avec Kateb Yacine et Assia Djebbar, Azzeddine Meddour avec Des faits et des faits et Douleur muette, Ali Fatah Ayadi qui termine un film sur l'OAS), a permis à toute une génération de cinéphiles au regard talentueux d'émerger. Malek Bensmaïl, qui dit avoir choisi le documentaire car, à ses yeux, la fiction n'était que paillettes, a réalisé de petites merveilles : Aliénation (2003), Boudiaf, l'espoir assassiné, qui a reçu de nombreuses distinctions, et enfin La Chine est encore loin (2008), réflexion entre le présent et la mémoire, bientôt sur les grands écrans français. Ce réalisateur vient de s'atteler à un projet ambitieux : mettre en image l'action de la Fédération de France du FLN et donner la parole aux intellectuels de gauche qui l'ont accompagné.
Nombreux sont les réalisateurs de films de fiction qui continuent à marquer de leur empreinte le cinéma documentaire : Jean-Pierre Lleddo avec Henri Alleg, Sid Ali Mazif avec La Cause des femmes, Rabah Laradji avec Mohamed Racim, Lamine Merbah avec L'imam Benyoucef Essanouci Tilimçani Al-achaâri, Mohamed Hazourli avec L'Emir Abdelkader, Yamina Chouikh avec Hier, aujourd'hui…et demain, film-témoignage édifiant et poignant, qui donne la parole à des moudjahidate et demeure mystérieusement inachevé. Mémoire vivante, le documentaire commence à se frayer une place, certes modeste, mais non négligeable dans notre désert culturel. Il nous faut également citer les films sur l'histoire algérienne réalisés par des non-Algériens : Ils ont choisi l'Algérie de Jean Asselmeyer et, tout récemment, Maurice Audin, la disparition, de François Demerliac, œuvres qui méritent tout le respect. On peut dire aussi, en regardant les films de Yasmina Adi (auteure du magnifique L'Autre 8 mai 45 puis de Ici on noie les Algériens) et le travail méticuleux de Saïd Oulmi (qui, après une série sur les Algériens en Nouvelle Calédonie, vient de réaliser un excellent portrait de Moufdi Zakaria) que ce nouveau cinéma est audacieux et plein d'ambitions.
Parmi les films qui ont marqué les esprits, ceux de Djamila Sahraoui, Algérie, la vie quand même, de Yamina Benguigui, Mémoires d'immigrés, de Larbi Benchiha, L'Algérie, son cinéma et moi et, surtout, les deux premières parties de sa trilogie consacrée aux conséquences des essais atomiques français au Sahara, Vent de sable et L'Algérie, De gaulle et la bombe, qui suivent Gerboise bleue de Djamel Ouahab et enfin Paroles d'un prisonnier français de Salim Aggar, abordant un sujet délicat après Ça tourne à Alger. D'autres œuvres majeures sont venues compléter le tableau. Créées avec soin et beaucoup d'exigence, elles offrent un regard contemporain de femmes sur l'Algérie. Parmi ces dernières : Nadia Cherabi, Fatima El Haouta, Nadia Bouberkas, Li fet mat, Fouzia Fekiri, Algérie, regards de femmes. Mounia Meddour, Cinéma algérien, un nouveau souffle, Samia Chala, Mouss et Hakim, Leila Marouche, Algérie, tours et détours, Habiba Djahnine (responsable de Béjaïa Doc), auteure de Ma sœur et Mériem Hamidat avec Mémoires du 8 mai 1945, film soutenu par Euromed 2006.
Signalons également les excellents travaux de Rachid Merabet, Slimane Azem, de Ramdane Iftini et Sami Allam, Hnifa, une vie brûlée, de Saïd Nanache, Les âmes de l'exil, de Ali Mouzaoui, Mouloud Feraoun, de Kareche Sadia, Sur les traces de Taous Amrouche. Les toutes dernières productions sont signées par de jeunes talents prometteurs : Aux origines du Printemps berbère, de Youssef Lalami, Un poète peut-il mourir ? de Abderrazak Larbi-Cherif, consacré à Tahar Djaout, Le voyage du Kabyle de Belkacem Tatem sur la communauté algérienne berbérophone en France. Ces documentaires dans lesquels s'investissent humainement et techniquement les réalisateurs, suscitent l'émotion et ravivent l'imaginaire.
Si pour certains le genre est encore marginalisé, pour d'autres, il apparaît comme un réel facteur de relance de la production cinématographique. On ne peut nier le fait que grâce aux importants budgets alloués à de grands événements (Millénaire d'Alger ; Année de l'Algérie en France ; Alger capitale de la culture arabe ; Tlemcen capitale de la culture islamique), plusieurs projets ont pu voir le jour. Citons parmi ces nouveaux films : Alger, couleur blanche de Hamid Boualamallah, Le semeur de poésie de Boualem Kamel (à propos de Djamel Amrani), Syphax de Mokrane Aït Saada, Mamia Chentouf de Baya Hachemi, Premier plan, Algérie un cinéma tout court de Sihem Merad et Elodie Wattiaux, Joue à l'ombre de Mohamed Lakhdar Tati. Cette production contribue à faire renaître l'optimisme. Mais, si certaines œuvres méritent d'être considérées comme appartenant au patrimoine national parce que liées à des sujets sensibles, aux plans culturel, social et politique, d'autres, par contre, cédant à la facilité, méritent d'être vite oubliées.
L'enjeu véritable du cinéma documentaire est de promouvoir le film de création, sa spécificité, ses valeurs artistiques et cognitives. Les «Docs» sont moins dépensiers que les films de fiction classiques. Ils exigent moins de moyens humains et matériels. La maniabilité et la légèreté des caméras et des appareils actuels facilitent grandement le travail qu'exigent le documentaire, le reportage et le document scientifique. Aujourd'hui, le «Doc» a fondamentalement changé de nature. Grâce aux nouveaux supports techniques, l'acte de filmer est devenu plus facile. Le numérique a détrôné la pellicule. Le montage DVCam ou virtuel a bouleversé la donne. Plusieurs réflexions ont été menées sur le genre documentaire pour préserver la diversité des écritures et des formats qui sont son âme.
Le sérieux de l'observation n'empêche pas l'intérêt d'une dimension dramaturgique. Le film doit ménager des mystères, des suspenses, des surprises, et laisser place à l'émotion. En Algérie, la production documentaire doit encore se professionnaliser. Elle doit éviter la propagande, la publicité politique ou historique et les films de commande qui sont souvent des navets. Il faut libérer les énergies créatrices, surtout en ce Cinquantième anniversaire de l'indépendance et là, les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer pour la relance du documentaire en Algérie.
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M. B. : Réalisateur de 4 longs métrages, d'un feuilleton, de deux dramatiques TV et d'une cinquantaine de court-métrages et documentaires. Enseignant en sémiologie et en communication et chercheur en anthropologie de l'image (Crasc).
1) Colloques récents : «Le Documentaire algérien». Université Paris 8, les 9 et 10 mars 2012. «Le Documentaire maghrébin». Université d'Oujda et CERSHO, 4 et 5 mai 2012.


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