La polémique sur les circonstances de la mort de Mohamed Merah, tué jeudi matin dans son appartement de Toulouse par des policiers du RAID (Recherche, assistance, intervention et dissuasion), a éclaté au lendemain de l'opération qualifiée de «réussie» par Nicolas Sarkozy et par son ministre de l'Intérieur, Claude Guéant. Paris De notre correspondant Pourtant des avis contradictoires ont commencé à se faire entendre. Hier, dans une interview accordée au journal régional Ouest France, l'ex-fondateur du Groupement d'intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), Christian Prouteau, a critiqué la stratégie adoptée par la police de RAID. Il a estimé que celle-ci a échoué à capturer Mohamed Merah vivant. «Comment se fait-il que la meilleure unité de la police n'a pas réussi à arrêter un homme tout seul ?», s'est-il interrogé. «Il fallait le bourrer de gaz lacrymogène. Il n'aurait pas tenu cinq minutes. Au lieu de cela, ils ont balancé des grenades à tour de bras ; ce qui a mis le forcené dans un état psychologique qui l'a incité à continuer sa guerre.» Et d'ajouter : «Habituellement, on évacue les voisins avant. En fait, je pense que cette opération a été menée sans schéma tactique précis. C'est bien là le problème.» Et de continuer à dire que durant ses vingt ans de service, il a dirigé 64 opérations de ce genre sans faire la moindre victime. «C'est une violation du code d'instruction pénale» De son côté, Albert Chenouf, le père d'un soldat tué par Mohamed Merah à Montauban, s'est demandé pourquoi les services secrets français n'ont pas procédé à l'arrestation de ce tueur présumé bien avant, sachant qu'il était proche du mouvement d'Al Qaîda et a séjourné au Pakistan et en Afghanistan. «Certes, je ne suis pas spécialiste des questions sécuritaires, mais je pense qu'il y a eu une faille dans la conduite des opérations», a-t-il jugé avant de donner raison à Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, qui s'est interrogé lui aussi sur la stratégie adoptée par la police pour arrêter le suspect toulousain. La sphère politique s'est également mêlée du débat concernant la conduite de l'opération ayant mis hors d'état de nuire Mohamed Merah. Eva Joly, candidate des Verts, a posé carrément la question de la présence du ministre de l'Intérieur sur les lieux de l'opération. «Qu'a fait le ministre sur place en commentant en permanence, heure par heure, ce qui se passait ? Il a créé de la confusion. Quel est son rôle ? Ce n'est pas lui qui dirige les opérations ! C'est une violation du code d'instruction pénale», a-t-elle accusé. Et d'enchaîner : «Les citoyens peuvent se demander pourquoi ils n'ont pas choisi d'interpeller Mohamed Merah lorsqu'il sortait de son immeuble pour prendre son scooter. On aurait pu peut-être le faire avec beaucoup moins de déploiement de moyens. Est-ce qu'il y a une arrière-pensée politique derrière tout cela ?» «La France est un état de droit» Marine Le Pen, qui surfe allégrement sur les attentats de Toulouse, a préféré attaquer Nicolas Sarkozy sur sa politique d'immigration et s'interroger sur le travail des services de renseignements français. «La pluie d'annonces de Nicolas Sarkozy est indigente. Ses propositions ne sont pas construites ni efficaces. Il semble qu'il découvre aujourd'hui qu'on a laissé des imams étrangers entrer sur notre sol pour prêcher la violence.» «On n'a pas assez surveillé Merah», a-t-elle déploré. Balayant d'un revers de main toutes les critiques, Francois Fillon, Premier ministre français, a estimé que tout a été fait pour que l'assaillant soit capturé vivant, mais il a opposé une violence telle, que les gens du RAID ne pouvaient pas faire autrement. Concernant l'arrestation de Merah, Francois Fillon a indiqué que la France est un Etat de droit et que personne n'a le droit d'arrêter quelqu'un sans fait réel. «Il n'y avait aucun élément permettant d'appréhender Mohamed Merah, avant son passage à l'acte», a déclaré sur RTL M. Fillon. «On n'a pas le droit dans un pays comme le nôtre de surveiller en permanence et sans décision de justice quelqu'un qui n'a pas commis de délit (...). Nous vivons dans un Etat de droit», a-t-il conclu.