La confection des listes électorales du parti FLN a donné lieu à des tractations troubles, mais également à une large contestation au sein des structures de base. Rongé déjà par une crise interne qui dure depuis des mois, aggravée par «la guerre» des listes, l'ex-parti unique se dirige vers l'éclatement. Le front de contestation contre Abdelaziz Belkhadem s'élargit. Hier, à quelques heures de l'expiration du délai de dépôt des listes, au moment où le secrétaire général du parti, Abdelaziz Belkhadem, tranchait seul sur le choix des têtes de listes dans les wilayas les plus importantes du pays, de nombreuses mouhafadhas sont entrées en «désobéissance». A Batna, un des fiefs du parti, les militants ont dénoncé «la cooptation des candidats». A M'sila où l'actuel ministre de l'Agriculture, Rachid Benaïssa, s'est vu «refuser» la candidature contre la volonté de la base, des centaines de militants ont fermé le siège de la mouhafadha et réclament la tête de Belkhadem, tout en dénonçant la primauté «de la ch'kara (l'argent sale) sur la compétence et la militance». Dans un communiqué rendu public, les militants et cadres revendiquent «le départ de Belkhadem de la tête du parti qui a lamentablement échoué» et «appellent les membres du comité central du parti à se réunir en urgence pour redresser le parti». A Tizi Ouzou, la liste du parti est bloquée par des candidats qui se sont rétractés à la dernière minute. «Huit candidats des dix-huit que compte la circonscription se sont retirés, dont le frère du puissant patron du groupe ETRHB, Mohamed Haddad, classé 4e.» La crise a fini par gagner également le sommet de l'appareil FLN, lorsque le secrétaire général du parti a empêché les membres du bureau politique de se porter candidats, à l'exception des ministres, Amar Tou, Tayeb Louh et Rachid Harraoubia. Ils conduiront respectivement les listes de Sidi Bel Abbès, Tlemcen et Souk Ahras. Le virage islamiste de Belkhadem Après moult tergiversations et tractations, le conclave marathon à l'hôtel Moncada (Alger), où Abdelaziz Belkhadem a tenu en haleine les cadres du parti, a failli dégénérer. Durant la nuit de dimanche à lundi, tout le monde a perdu son sang-froid. La bataille était brutale. Une bagarre a éclaté entre Abdelaziz Ziari et Rachid Harraoubia. Les deux voulaient la tête de liste d'Alger. En vain. Le président de l'APN jette l'éponge et Harraoubia est envoyé à Souk Ahras. Après tant de rebondissements, le choix est porté sur Larbi Ould Khlifa, le président du Haut conseil à la langue arabe, catalogué d'«islamo-conservateur». Surprise générale. Il sera secondé par Salah Eddine Bourezag, suivi de l'ex-DG d'Air Algérie, Wahid Bouabdellah, et de l'ex-épouse du sulfureux prédicateur cheikh El Qaradhaoui, Asma Ben Kada. La liste d'Oran est confiée à l'ancien colonel Mustapah Abid (80 ans). Rajeunissement ! Fidèle soutien au SG dans le conflit qui l'a opposé aux redresseurs, Abdelhamid si Affif a été sacrifié. Victime «d'un tri qui obéit à des calculs douteux», il a condamné un membre du bureau politique. Des cadres du parti dénoncent «un virage islamo-conservateur opéré par Belkhadem». Il prépare une nouvelle alliance avec les islamistes, y compris avec Djaballah. L'élection présidentielle en ligne de mire Belkhadem est obsédé par la présidentielle et «le courant nationaliste au sein du parti est isolé». Deux courants s'affrontent-ils au sein du parti unique ? La réponse est peut-être dans le communiqué du président sortant de l'APN, Abdelaziz Ziari, où il déclare ne pas solliciter les suffrages des électeurs de la wilaya d'Alger. Il signe qu'il reste «le fer de lance du courant nationaliste progressiste que les pères fondateurs du parti ont initié». Salah Goudjil, chef de file «du mouvement de redressement», parti en guerre contre Belkhadem et «qui conduit le parti vers la dérive», se trouve renforcé. Contacté hier, il a estimé que «le temps a donné raison» à son mouvement et qu'un «énorme vent de contestation souffle de partout». Les redresseurs ont parrainé une trentaine de listes qui rivaliseront avec celles du FLN.