Dans le cadre des journées théâtrales de la ville d'Alger qui se sont déroulées mercredi dernier, la salle Ibn Khaldoun (Alger) a accueilli dans la soirée de cette même journée une troupe théâtrale du mouvement théâtral de Koléa. Elle a présenté la pièce Les fous sages, texte et mise en scène de Youcef Faouint. La pièce traite du phénomène du suicide. Deux hommes veulent se suicider mais pour des raisons différentes ; Antonio, par déception d'amour et le Brave, un directeur d'une entreprise qui se retrouve chauffeur après un accident de circulation. Mais dans la ville où ils vivent, le suicide est interdit par les notables locaux. L'un de ces notables charge un psychiatre d'empêcher ces deux candidats au suicide de renoncer au geste fatal. En cas d'échec, son diplôme lui sera retiré et son avenir compromis. Le psychiatre rencontre les deux fous pour les convaincre à revenir sur leur décision. Il les soumet entre temps à un test avec des questions du genre : « C'est quoi l'amour ? », « C'est quoi la vie ? », « Connais-tu Shakespeare ? ». Mais les deux fous lui répondent souvent par des questions tout en exprimant leur étonnement du fait que l'avenir d'un professeur dépend de quelqu'un qui veut se suicider. Comme ils ne veulent pas renoncer à leur geste, intervient d'un ton menaçant le notable de la ville : Ou vous renoncez au suicide, sinon on vous tue ». Car s'ils se suicident, ce phénomène se répandra comme une épidémie en cette cité dont les habitants aiment faire la même chose. D'ailleurs, « un homme y a créé un parti politique et tout le monde s'est mis à créer des partis ». Le metteur en scène a introduit des séquences chorégraphiques où la gestuelle et les contorsions du corps traduisent le malaise, la confusion et la recherche des repères. Les dialogues sont agrémentés d'humour et de dérision. Ainsi, la limite entre la sagesse et la folie est difficile à repérer. Les deux « fous » finissent par revenir sur leur décision. Ils cherchent le psychiatre pour lui annoncer la nouvelle. Ils l'ont trouvé à leur étonnement les veines coupées. Il a tenté de se suicider. Ils le croyaient même mort mais il est sauvé. Les conscients sont toujours malheureux et malheur aux conscients. Ainsi, à quoi sert la conscience dans une vie qui n'est qu'une forme de suicide répété ? La mort la plus horrible, est-ce mourir plusieurs fois pour les condamnés à vivre. Ce sont entre autres questions que se pose un « fou » et qui échappent au « sage ». Ainsi, c'est quoi la sagesse ? Et c'est quoi la folie ? L'argent n'est que détritus, dit le fou mais la « poubelle qui est la vie » a besoin de détritus. Trop de questions taraudent une conscience contrainte à « penser » sans le vouloir et à la recherche d'une vie « où on n'a pas besoin de lutter pour vivre ».