Les adeptes de l'ijtihad éclectique ne sont pas intellectuellement honnêtes, car ils ne cherchent pas les textes qui contredisent leurs décisions, selon l'intellectuel indonésien As Saïd. Lors des travaux du colloque international sur «La réforme et la jurisprudence chez les savants musulmans, entre passé et présent», qui se sont poursuivis hier au Sheraton (Club des Pins, Alger), l'orientaliste Patrice Brudaire a plaidé que «l'ijtihad a besoin d'une réforme. Il est possible de le réaliser en collaboration, intellectuelle, avec des érudits non musulmans pour créer une sorte de codépendance». Cet universitaire est revenu, au cours de son intervention, sur l'œuvre de l'intellectuel indonésien As Saïd : «La réforme de l'ijtihad conduit à une favoriser la créativité pour le bien de l'humanité. Cette créativité émergente aura pour but de résoudre des problèmes concrets, car les thèses actuelles ne sont pas régulées méthodologiquement.» Se référant à la pensée du savant de l'archipel, M. Brudaire indique que «la transformation du concept de l'ijtihad concerne également la fusion inter-madahib» (les 4 écoles de jurisprudence sunnites). Selon l'intellectuel indonésien As Saïd, les adeptes de l'ijtihad éclectique ne sont pas intellectuellement honnêtes, car ils ne cherchent pas les textes qui contredisent leurs décisions. Mouvance wahhabite L'auteur fait allusion à la mouvance wahhabite dont les disciples appliquent les textes littéralement, sans passer par la réflexion. Toujours d'après As Saïd, «l'approche de l'ijtihad est contextuelle». M. Brudaire affirme que «les savants qui prônaient l'ijtihad reposaient généralement sur el ijmaâ (le consensus) et émettaient des fetwas de maslaha, c'est-à-dire dans l'intérêt commun de la oumma». «Mais il faut souligner que les musulmans qui peuvent fournir l'effort de jurisprudence doivent maîtriser les textes sacrés, le Coran et la Sunna, pour pouvoir émettre des recommandations», soulignait dans ses œuvres l'intellectuel As Saïd. Toutefois, «les fondements (dogmes) ne peuvent pas être réinterprétés. Il s'agit de la prière, la zakat (l'aumône), le jeûne du Ramadhan et le pèlerinage à La Mecque», précisait As Saïd dans ses écrits. Pour sa part, le professeur sénégalais Abdul Aziz Kébé pense que «si le processus de l'ijtihad n'avait pas été interrompu, les musulmans ne seraient pas contraints, aujourd'hui, à trouver des solutions pour éviter les clivages». Il donne l'exemple de l'esclavage : «Un groupe d'Arabes l'a en effet pratiqué, mais il faut différencier cet acte de l'esclavagisme qui était l'œuvre de sociétés mercantiles et d'Etats européens. L'ijtihad sur cette question nous permet de dire que, sans conteste, l'islam était le chemin de l'affranchissement.» ne pas écouter les fetwas extérieures Cheikh Bouamrane, le président du Haut conseil islamique (HCI) a indiqué, lors de son passage sur la Chaïne I, que «l'Algérie a besoin d'une haute instance religieuse composée d'oulémas jouissant d'une bonne réputation pour trancher les questions religieuses qui intéressent les citoyens». Il lance un appel aux Algériens «pour ne pas écouter les fetwas extérieures».