La violence dans les stades s'est de nouveau invitée dans le débat à l'approche de la fin de la saison. Dans plusieurs villes et stades du pays, des incidents se sont produits avec leur cortège de blessés et d'arrestations, sans oublier les dégâts, bien sûr. Une fois de plus, des brasseurs de vent dans la lutte contre la violence dans les stades vont déplier leurs banderoles avec les slogans indigents et ridicules pour «dénoncer avec fermeté» ces dépassements avant de retomber dans le sommeil, en attendant les prochains incidents. Ceux qui sont censés apporter les réponses à ce fléau ont failli sur toute la ligne. Leur prétendue «stratégie» pour juguler ce phénomène a été un fiasco total. Les solutions proposées se sont révélées inadéquates par rapport aux menaces et dangers que la violence dans les stades fait encourir au football et à la sécurité des citoyens et leurs biens. Les journées, conférences-débats sur la violence ne servent, en fin de compte, qu'à amuser la galerie et engloutir des millions de dinars sans résultat probant. Ce chapitre relève de la compétence de vrais spécialistes en la matière et non pas de ceux qui se sont intronisés «experts en la matière» mais qui n'ont jamais mis les pieds dans un stade ni approché et discuté avec les supporters. Il faut dépasser les clichés récurrents servis à la carte. Il n'est pas honteux de regarder ailleurs, de s'inspirer des exemples de réussite en la matière. Le modèle britannique dans le domaine de la sécurité du football est une référence. Les Britanniques concèdent que «les problèmes sont complexes et ne cessent d'évoluer. Il n'existe pas de solution facile». Pour eux, «le caractère et la gravité des actes de violence et de désordre varient beaucoup d'une région à l'autre du monde, où les dispositions constitutionnelles, juridiques, policières, de sécurité et de sûreté sont tout aussi variées», indique un rapport rédigé par Brayan Drew, chef du réseau de renseignement sur le football du service de police britannique qui a animé une conférence à Alger, les 8 et 9 février 2010, à l'invitation de la Fédération algérienne de football (FAF). Les Britanniques ont beaucoup souffert du hooliganisme dans les années 1980-1990 ; ils l'ont jugulé en mobilisant tous les moyens. Il a fallu trois tragédies : l'incendie de Bradford en 1985 qui a fait 56 morts, la catastrophe du Heysel (Bruxelles) en 1985 (39 morts) et celle de Hillsborough (1989, 96 morts) pour que le gouvernement britannique s'investisse véritablement dans cette question qui risquait de signer la mort du football dans le royaume. Le juge Taylor, choisi pour présenter un rapport qui porte son nom, a préconisé 73 solutions que le gouvernement a adoptées dans leur intégralité. Le «travail en partenariat» est particulièrement recommandé dans la lutte contre la violence dans les stades. Le «partenariat», ici, signifie la collaboration de différents acteurs pour venir à bout de ce mal. Aucune partie œuvrant en solo ne répondra aux attentes. Brayan Drew recommande de «disposer d'un cadre juridique clair précisant les responsabilités». Les partenaires, selon l'officier britannique, sont le gouvernement, le ministère public, la police, les instances du football (la Fédération) et les supporters. En Algérie, ces derniers ne sont ni organisés ni reconnus officiellement, alors qu'ils restent des acteurs incontournables dans la vie et l'organisation du club. La coordination entre toutes ces parties sera bénéfique pour «s'attaquer à la criminalité liée au football, c'est-à-dire la violence et le désordre». Préalablement à toute action, il faudra établir un cadre législatif. Des solutions consisteraient, par exemple, à exclure des stades les supporters jugés à risque, et en même temps favoriser la présence de supporters qui ne présentent aucun risque pour la sécurité dans l'enceinte. L'objectif de cette démarche est d'«isoler les fauteurs de troubles». Les interdictions administratives de stade, qui peuvent aller jusqu'à 10, sont dissuasives. Pour que cela soit possible, il faut, bien sûr, légiférer. En Angleterre, une infraction équivaut à un délit criminel et son auteur est interdit de matches dans le pays et empêché de se déplacer à l'étranger pour supporter son club ou l'équipe nationale. Si l'Algérie veut combattre efficacement ce fléau, elle devra obligatoirement se doter d'un arsenal juridique pour le juguler. Mener des «campagnes de sensibilisation sans conviction ni objectif précis» ramènera toujours au point de départ, à savoir la politique du constat. Pour que nos enceintes sportives redeviennent des havres de paix, des espaces où des citoyens et, pourquoi pas des citoyennes, puissent se mouvoir, supporter leur équipe sans craindre pour leur vie. Si toutes les «politiques» de lutte contre la violence n'ont pas donné de résultat, c'est parce qu'elles n'ont pas été suffisamment réfléchies, elles ont été adoptées à la hussarde pour «répondre à une inquiétude du moment». La lutte contre la violence dans les stades requiert d'autres réflexes que ceux induits uniquement par la conjoncture. Tout est à revoir. C'est à ce seul prix qu'elle sera vaincue.