Au lendemain des mouvements révolutionnaires qui ont bouleversé le Monde arabe en 2011, les regards sont désormais tournés vers l'exploration des origines de ces révoltes qui ont emporté des régimes politiques qu'on croyait jadis solides et imperturbables de par leur nature aussi totalitaire comme cela a été le cas en Tunisie, en Egypte ou en Libye. C'est dans cette optique que les richesses des pays de la région viennent d'être passées à la loupe par un groupe d'experts et chercheurs dans un récent ouvrage collectif intitulé « pouvoirs, sociétés et nature au sud de la Méditerranée », paru aux éditions Karthala (Paris). Dans cette étude élargie, l'accent est mis sur la gouvernance et l'exploitation des ressources naturelles dans les pays du sud tout en faisant ressortir les inégalités et l'accaparement du potentiel existant par des minorités au détriment des populations locales. La remise en cause des politiques de gestion en vigueur dans ces pays est vite annoncée dans l'ouvrage en question à travers la postface qui relève d'emblée : « Le point de départ des révoltes politiques dans le monde arabe a été Sidi Bouzid, qui faisait partie des euphémises zones d'ombre de la Tunisie intérieure, régions rurales délaissées par les investissements et caractérisées par un manque chronique de ressources ». Dans la foulée, la gestion irrationnelle de ces ressources naturelles et la fragilité des mécanismes de leur protection, l'ouvrage met en exergue des contraintes importantes. Il s'agit notamment de la surexploitation de ces ressources. Cependant, la non-maîtrise du «processus d'intégration régionale à travers les Accords d'association avec l'Union européenne (qui) n'a pas eu d'impact sur la durabilité des filières basées sur l'exploitation des ressources naturelles». Ces filières, dont l'agriculture, le secteur forestier et les ressources halieutiques, «sont soumises à la pénétration du capital international et une captation de rente qui ne profite qu'à des minorités», est-il souligné en introduction sous le titre de «Gestion de la nature et emprise sur les ressources». Surexploitation et accaparement L'autre constat qui vient d'être relevé note que «les agricultures des pays du sud de la Méditerranée exercent une pression sur les ressources en eau et érodent les sols tandis que la foresterie fait la part belle à l'extraction au détriment des services écosystémiques. Les secteurs halieutiques, eux, sont tournés vers l'augmentation des captures avec une faible valorisation sous forme de conditionnement ou de transformation». En outre, la mauvaise gouvernance est étroitement liée à la dégradation des ressources naturelles dans ces pays : «Les constats de dilapidation des ressources naturelles révèlent surtout le manque de transparence des politiques publiques qui tend à masquer les inégalités écologiques et sociales qu'elles génèrent. Les mécanismes rentiers issus de ces modalités de développement commencent à apparaître dans le cadre des révoltes politiques qui lèvent en partie le voile sur le processus d'accaparement, y compris dans la gestion des ressources naturelles», est-il souligné. En cinq chapitres distincts, l'ouvrage dresse un état des lieux de la situation des ressources naturelles dans les pays de la rive sud de la Méditerranée et en identifie les raisons de la dégradation. On y distingue notamment les thématiques traitant du rôle des institutions publiques dans la gestion des ressources, les politiques agricoles face aux contraintes de ressources et de marché, la gestion des espaces et du littoral, l'enjeu des ressources hydriques et des savoir-faire locaux et enfin la question de la rente émanant du patrimoine.