Une chose est sûre : Bouhara tire ses aisances littéraires de son propre tempérament de... diseur. Un don intrinsèque héritée et dont les germes remonteraient certainement à une enfance bercée d'histoires contées la haut, sur les cimes du Ghouffi. L'homme est livre en perpétuelle fièvre créatrice, et quand il parle, on ne peut que l'écouter. D'une tranquillité bienfaitrice, ses mots demeurent sans emphases. Il a le don de la narration, et la plus anodine des anecdotes devient par l'aisance verbale et l'habillage phonétique de Bouhara, toute une œuvre. L'homme et en dépit de toutes les épreuves difficiles qu'il a eu à surmonter et n'en déplaise aux effets de l'âge, garde toujours une bonhomie légendaire. Autant on cherche à le couver et le couvrir d'éloges et de superlatifs, autant il se refuse, par essence et autocensure toute exagération. « Simple » est le plus beau trait de son caractère. Bellayat, Zhor Ounissi ou Mohamed El Milli se sont tous accordés à lui reconnaître cette qualité qu'il a eu largement le temps et le talent d'exposer dans ses deux livres et dans sa vie d'homme aussi. En répondant à l'invitation de la direction de la culture pour présenter son dernier livre Du djebel aux rizières, Bouhara savait qu'il allait de facto replonger de nouveau dans une multitude de souvenirs, aigres, amères et heureux, qu'il allait aussi revoir cent et un visages familiers. Bouhara savait aussi qu'en revenant à Skikda, il lui serait difficile de se contenter de présenter son livre sans pour autant se permettre quelques « clins d'œil » à ses origines, ses amis, ses proches... car, il faut le reconnaître, pour Skikda, pour toute la wilaya de Skikda, Bouhara représente encore un enfant prodige et prodigue aussi. Le sait-il ? Bouhara est donc revenu à Skikda pour se ressourcer et pour parler de son dernier livre Du djebel aux rizières. D'abord, il reconnaît que ses deux œuvres ne forment par leur continuité qu'un seul jet. Le premier Les viviers de la libération revenait globalement et avec un grand réalisme sur des événements de la guerre de Libération nationale. Dans le second, Bouhara continue son témoignage « par devoir de mémoire et par souci de contribuer à défendre la vérité », relève-t-il. Il retrace sur trois chapitres trois haltes de l'Algérie dans ses tumultes et ses gloires des années 1960. Bouhara évoque la conversion de l'ALN en Armée nationale populaire, la Neksa arabe de Suez à travers l'implication du 4e bataillon de l'ANP aux côtés des Egyptiens, des Syriens et des Jordaniens, et en dernier, le témoignage poignant sur la résistance du peuple vietnamien. Les deux ouvrages de Bouhara couvrent deux périodes phares de l'Algérie qui s'étalent chronologiquement de 1945 à 1975. Une période que l'auteur lui-même jalonne de deux repères significatifs « La période de la révolution et la période du doute ». Il manque, selon ses vœux, une troisième période pour que l'image qu'il se fait de son pays se complète. Dans son premier livre, Bouhara avait déjà lancé comme un prélude, son désir de parfaire cette Saga algérienne en martelant : « Je me suis posé la question de savoir pourquoi en l'espace de quelques décennies, un pays comme le nôtre, qui se situait à l'avant-garde de la lutte pour la liberté et la justice et qui apparaissait comme une référence pour le combat contre l'exploitation et le sous-développement, un pays qui était si fier de son projet politique et de sa révolution, un pays qui s'est hissé au premier plan du mouvement mondial pour la démocratisation des relations internationales, a connu tant de désillusion et tant de déboires ? ». Aux yeux de Bouhara, l'Algérie qui a déjà consommé ses deux premiers repères est en attente de parachever la trilogie par un troisième. Il l'a qualifié de « repère de la réconciliation ». Voilà qui est dit et qui, perdit, entre autres, un troisième livre de Bouhara. Une œuvre qu'on attendra avec impatience.