Les palais de Séville, de Grenade ou de Saragosse rappellent une certaine grandeur de l'art architectural islamique de l'époque médiévale. Tlemcen De notre envoyé spécial Tous les monarques chrétiens espagnols avaient adoré l'Alcazar de Séville que les Oumeyyades avaient construit à l'époque andalouse. Les Almohades avaient amélioré l'architecture de ce palais au XIIe siècle. A ce jour, et en dépit des destructions et des modifications au fil des siècles, le palais de l'Alcazar demeure toujours une résidence royale. Et pendant des années, l'architecte espagnol, Rafael Manzano Martez, a œuvré pour le restaurer, lui rendre son âme. «J'étais tombé amoureux de Grenade dès le premier instant. Comme je l'étais pour ma copine grenadine. Depuis, j'ai commencé à aimer l'art islamique. Un amour complet en somme. Aussi, ai-je décidé de me consacrer pleinement à la restauration des monuments islamiques», nous a-t-il confié en marge des journées d'études sur les confluences historiques entre Al Andalus et les royaumes maghrébins qui se tiennent au musée d'art et d'histoire de Tlemcen. Des journées organisées par le département des expositions à la faveur de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique». Rafael Manzano Martez avait eu la chance d'avoir eu comme enseignant à l'université de Madrid, un des restaurateurs du palais de l'Alhambra de Grenade. «J'ai appris aussi du célèbre architecte Don Manuel Gomez Moréno. Lui nous a appris la science de la restauration. Il est important dans cette vie d'avoir des maîtres qui vous transmettent la véritable science, pas celle des livres», a-t-il dit. Antonio Almagro Gorbéa, autre architecte restaurateur présent à Tlemcen, continue actuellement l'œuvre commencé par Rafael Manzano. Il s'intéresse au patio et au jardin d'Alcazar, et il tente de leur redonner la forme qu'ils avaient au temps des Almohades. L'universitaire espagnole Concepcion Rodriguez Moreno a, de son côté, rappelé que Pierre 1er, roi de Castille et Léon à partir de 1350, avait voulu montré «la suprématie» de la couronne chrétienne mais aussi renvoyer une certaine image du pouvoir. «Il avait utilisé les modèles palatins islamiques dans ses constructions», a-t-elle dit. Pierre 1er (Don Pedro) avait, entre autres, construit un palais de style Mudéjar. A partir du XIIe siècle, et pendant plus de 400 ans, la péninsule ibérique s'était inspirée des modèles artistiques et architecturaux islamiques pour la plupart des constructions. Des artistes et architectes musulmans avaient également contribué lorsqu'ils étaient sollicités à ce mouvement. Concepcion Rodriguez Moreno a souligné que la couronne de Castille avait coexisté avec la dynastie Nasride. Fondée par Mohamed Ben Nasr en 1238, cette dynastie, qui était installée à Grenade, devait disparaître avec la chute d'El Andalus. «Il y avait à cette époque aussi un triangle culturel important entre Grenade, Fez et Tlemcen. Le roi zianide Abou Hamou Moussa II était né à Grenade, où il y avait vécu 29 ans avant de venir à Tlemcen», a précisé l'universitaire. Elle a expliqué, schémas et images à l'appui, comment Pierre 1er avait séparé les espaces privés et publics dans l'Alcazar de Séville. Il avait également réservé des portes et des patios pour ceux qui étaient proches de lui et à son entourage. Cette distinction existait aussi du temps des souverains andalous (jardins, salons, etc.). L'historien d'art Barnabé Cabanero Subiza a, dans une autre communication, évoqué le palais Al Aljaferia (Al Djaâfaria) de Saragosse qui a été construit au XIe à l'époque des Taïfa. Les Taîfa étaient des royaumes nés d'une division d'El Andalus. Ils étaient présents, entre autres, à Grenade, Saragosse, Cordoue et Ronda. Al Aljaferia est, le Palais de l'Alhambra de Grenade et la grande mosquée de Cordoue, l'un des principaux monuments de l'architecture islamique occidentale. Les Houdides (qui prétendaient être des descendants arabes du prophète Houd) vivaient dans ce palais. Selon le conférencier, Al Aljaferia devait connaître son apogée au temps du roi Abou Djaffar Ahmed El Mouktadir Billah. On lui doit notamment les belles décorations murales de ce palais construit avec l'esprit du Moyen-Age. «Le roi avait appelé Al Aljaferia, le château de l'allégresse. De l'extérieur, ce palais est une réplique des châteaux omeyyades. Il est doté d'une tour refuge en cas d'une attaque extérieure inattendue», a précisé Barnabé Cabanero Subiza. Autre historienne de l'art, Elena Maria Diez Jorge, spécialiste de l'art Mudéjar, qui a abordé la question de l'apport des musulmans restés en territoire reconquis par les chrétiens comme la Castille ou Aragon. «Il y a beaucoup de débats sur l'art Mudéjar. La tolérance était-elle réelle ? Chrétiens et musulmans avaient-ils coexisté ? Il y a eu destruction de mosquées pour reconstruire des églises. Les mihrab avaient été modifiés. Et tout cela fait partie de l'art Mudéjar. Cela dit, il y a eu des échanges interculturels, des rapprochements», a-t-elle souligné. Elle a évoqué la séparation entre femmes et hommes dans les Palais à l'époque andalouse. Une séparation qui existait aussi dans les synagogues et les églises. Selon elle, on interdisait aux femmes l'accès aux medersas (écoles). «A la grande mosquée de Cordoue, les espaces réservés aux femmes vont évoluer. Il y a une différence entre l'époque de Abderrahmane I et celle d'Al Mansour. A une certaine période, la porte des vizirs de cette mosquée était réservée exclusivement aux femmes», a relevé Elena Maria Diez Jorge.