S'il est vrai que l'art du critique consiste à savoir questionner une œuvre, la critique d'inspiration scientifique, restant ouverte aux nouvelles conquêtes de la science et aux expériences esthétiques, a quelque chance d'aller jusqu'aux questions qui touchent à l'avenir des hommes. Dans ce contexte, Abdelhamid Bourayou (1) pense que la critique scientifique entend garder son droit de juger les œuvres qui marquent un progrès, de telle façon que ne soient sacrifiées ni la fermeté à la nuance ni la nuance à la fermeté. La lecture critique n'est donc pas un regard froid sur un texte. Elle se voudrait d'être en quelque sorte une participation au travail du créateur, une attention accordée à ce qu'il dit. C'est peut-être l'une des tâches essentielles d'une critique littéraire, qui voudrait fonder sa compréhension des œuvres sur les progrès scientifiques, historiques, sociologiques, linguistiques et esthétiques, que de percevoir les relais multiples utilisés par l'écrivain dans son œuvre. Abdelhamid Bourayou, qui a écrit des nouvelles(2) au début de sa carrière littéraire, est conscient de la difficulté que rencontre un critique en abordant la lecture d'une œuvre de création. Pour lui, la lecture, en définitive, nous renvoie à la lecture, à la découverte de plusieurs niveaux de lecture qui n'ont d'égale valeur que pour ceux qui s'attachent à la seule magie des mots. Par exemple, en spécialiste de la poésie populaire(3), A. Bourayou pense qu'il n'est pas facile de caractériser la poésie orale. Réalité vivante, elle se réalise dans l'acte du discours. Ce sont les conditions de profération qui permettent de l'instituer en tant que telle et de reconnaître les différents genres poétiques. La critique, en fait, explique la traversée des temps par cette littérature populaire. Elle situe sa part dans l'histoire du sentiment poétique et de la langue d'écriture. Le lecteur retrouve les conditions de la vie telles que le poète les a subies ou telles qu'il les a conçues. Dans ce contexte, la critique d'après Abdelhamid Bourayou enrichit cette lecture de nouvelles découvertes. Elle rend avec ses instruments modernes d'exploration et d'analyse plus claire et plus cohérente l'explication de l'œuvre qui est passée dans notre patrimoine culturel. Même si la critique voulait oublier que telle ou telle œuvre a été écrite par un homme vivant, pour ne retenir que sa réalité tangible de thèmes et de formes, elle demeurerait étroitement tributaire de l'histoire des idées de son temps, de l'influence de ces idées dans l'organisation de la société, à tel ou tel moment de notre époque. Car il y a incontestablement de la part de la société et du système social qu'elle représente, une influence directe sur le langage qui est le moyen de la mise en condition de l'opinion. En ce qui concerne les œuvres modernes, Abdelhamid Bourayou nous dit que « si les méthodes nouvelles sont précieuses dans le domaine littéraire, plus précieuse encore sera l'aptitude à exercer en tout temps une critique de la méthode : c'est là que l'esprit même de la critique se manifeste le plus purement. » Notes : (1) - Ecrivain et critique, A. Bourayou a publié plusieurs ouvrages, dont Essais sur le roman algérien moderne. (2) Il a publié un recueil de nouvelles intitulé : Allilou. (3) Docteur d'Etat en littérature populaire, il est l'un de nos meilleurs spécialistes dans ce genre.