Docteur en histoire de l'art de l'université Paris-Sorbonne, Samia Chergui est maître de conférences en histoire de l'architecture et directrice de l'Ecole de conservation et de restauration des biens culturels d'Alger.Cette nouvelle école sera installée à Dar Es Souf, à Alger-Centre. -Où en est le projet de l'école dont vous avez la charge ? Le projet est déjà lancé. L'Ecole nationale de conservation et de restauration de biens culturels a un statut d'école hors université, régie par le décret 05/500 relatif à ce genre d'établissement. Elle permettra de remplir le vide dans le domaine de la formation patrimoniale à travers la prise en charge de biens mobiliers et immobiliers. Nous avons constaté qu'au niveau national, la formation en rapport avec le patrimoine bâti ou mobilier est faiblement abordée, notamment à l'Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme (EPAU). Une formation avait été assurée au niveau de cette école vers la fin des années1980, en partenariat avec les Italiens permettant la sortie d'une cinquantaine d'architectes restaurateurs. Au niveau de l'Institut d'archéologie, une post-graduation a été créée pour former des archéologues aux techniques de la conservation préventive et à la restauration des objets. On forme également des ingénieurs à Boumerdès sur les matériaux archéologiques. Nous voulons mener, jusqu'en 2018, une stratégie de rassemblement des formations éparpillées entre plusieurs universités dans une école qui ne s'occupe que de cela, comme c'est déjà le cas en Italie, en Tunisie et en Espagne. Nous voulons asseoir une véritable politique d'enseignement dans le domaine patrimonial. Elle se fait sous la double tutelle du ministère de la Culture et de celui de l'Enseignement supérieur. Une manière de donner à la formation une dimension scientifique, laquelle est à la fois théorique, pratique et de recherche. Elle se fera à trois paliers. Pour le moment, nous allons lancer les deux premiers paliers, la licence et le master. -Et comment avez-vous bâti l'architecture d'enseignement ? Nous l'avons fait sur la base des besoins et des premiers manques en Algérie en matière de restaurateurs, de conservateurs et d'architectes restaurateurs professionnels. Des architectes qui interviennent directement sur le site et dont la formation a tenu compte du volet pratique plus que de la recherche. Nous allons lancer en 2013 un master d'architecte restaurateur. Nous comptons faire la complémentarité avec l'EPAU qui, elle, a mis en place un master patrimoine de recherche. Cela permet à l'étudiant d'aller plus loin. Nous avons préféré commencer par une licence «généraliste» des biens culturels. Cela permet de mettre à niveau les bacheliers qui viennent chez nous de divers horizons, scientifiques ou littéraires. Une fois la base acquise, nous pourrons diriger les étudiants par la suite vers la restauration ou vers le management. Nous envisageons de commencer le master restaurateur en septembre 2015. Nous aurons nos premiers restaurateurs en 2018. Nous comptons lancer une promotion spécialisée en mosaïques. Après cela, on ouvrira d'autres disciplines (bois, métaux, etc.). -Qu'en est-il de l'encadrement ? Nous allons faire appel à des enseignants algériens. S'il y a un manque, on ira vers la coopération. Le nombre d'étudiants tient compte de la spécificité même de la formation, laquelle est pointue. Cela implique un encadrement rapproché et personnalisé. Donc, le nombre doit être réduit. Pour la licence biens culturels, nous envisageons de recevoir 30 étudiants par cursus. La sélection se fait d'elle-même. Il y aura de dix à quinze étudiants au master. Ils seront répartis sur les spécialités mosaïque, boiserie, céramique, métaux... En 2015, nous projetons de débuter le master de conservateur ouvert également aux archéologues, aux architectes, aux économistes et historiens intéressés par le patrimoine (...). Ceux qui veulent s'arrêter au niveau de licence peuvent être admis comme attachés de conservation ou de restauration et seconder le conservateur ou le restaurateur dans un laboratoire, un musée ou sur un site archéologique. Plus tard, nous pensons aller vers la recherche appliquée et la mise en place de laboratoires. Cela sera possible après la construction du nouveau siège de l'école au niveau du pôle universitaire de Sidi Abdallah (Alger) où il y aura plus d'espace, des ateliers, des laboratoires, des salles spécialisées de cours et des aires ouvertes. Nous avons programmé aussi l'envoi d'étudiants vers le patrimoine avec des sorties, à la fin de chaque année universitaire, vers des sites archéologiques pour la découverte ou pour les stages. Il sera utile de profiter des expériences espagnole, italienne, marocaine, tunisienne et française à travers des projets de partenariat.