Tuta Absoluta, mildiou, rouille jaune, mouche blanche… Autant de maladies que l'Institut national de la protection des végétaux tente d'éradiquer grâce à des méthodes écologiques et prouvées. El Watan Week-end s'est rendu sur une plantation pilote à Tipasa afin de rendre compte de l'efficacité du procédé. «Grâce au projet de l'INPV, mes tomates ont été sauvées cette année !», s'enthousiasme El Hadj, un agriculteur «exemplaire» d'une plantation pilote (on appelle ça «école au champ» dans le jargon agricole) à Tipasa, suivie par l'Institut national de la protection des végétaux. Ce matin d'avril, tout le monde avait rendez-vous pour un lâcher de… punaises d'Espagne ! «Cette opération est une première pour mon exploitation. Le piège à phéromones (un procédé utilisé pour piéger les ravageurs, ndlr) a fonctionné, mais j'aimerais augmenter ma production et moins recourir aux pesticides, voire ne plus les utiliser.» Depuis 2008, l'Algérie importe des punaises d'Espagne afin de poursuivre la lutte biologique. Un système qui prend en considération la protection de la nature et la santé du consommateur. En contrepartie, ce procédé exige une application raisonnable de produits chimiques sur ses surfaces agricoles. «La Tuta Absoluta, en 2008, a fait des ravages immenses sur les cultures. Les pertes atteignaient parfois 100% des récoltes ! Certains agriculteurs ont abandonné leur champ», explique Mme Ben Sidi Aïssa, inspectrice principale à l'Institut national de la protection des végétaux et responsable de la lutte biologique contre la Tuta Absoluta. «Suite à ce désastre, un programme a été élaboré par le ministère de l'Agriculture, afin de mettre en œuvre une stratégie de lutte qui nécessitait une combinaison entre plusieurs moyens de prévention chimique et bioécologique.» économies Puis, en 2009, l'INPV est entré dans un projet avec le ministère de l'Agriculture, dans le but d'introduire des prédateurs, essentiellement des punaises d'Espagne. «Ces petits prédateurs sont importés et multipliés dans les laboratoires de l'INPV et des centres d'élevage qui ont été créés dans d'autres wilayas», poursuit la spécialiste. Pour Mohamed, sexagénaire, les champs, «c'est toute sa vie». «Pendant les rencontres hebdomadaires entre agriculteurs et techniciens, j'apprends et comprends l'importance des nouveaux systèmes. Bien que je m'obstine à utiliser des pesticides», reconnaît-il. Le fellah poursuit : «Malgré tout, je me suis initié à la technique de la phéromone. J'avoue que j'ai fait des économies par rapport aux produits chimiques que j'avais l'habitude d'acheter.» Le challenge des techniciens et experts de l'INPV ? Convaincre l'agriculteur qui ne connaît que le traitement chimique intensif. Par ailleurs, Mme Ben Sidi Aïssa explique que le lâcher de prédateurs ou d'auxiliaires, permet d'évaluer «l'évolution et l'adaptation de l'insecte en milieu naturel». Voilà pourquoi l'INPV a aussi besoin des agriculteurs. Les cadres se déplacent chaque semaine pour prendre des notes. «Les agriculteurs adhérents au programme ont été convaincus par l'efficacité de ce procédé, puisque le taux d'infestation a été considérablement réduit.» 1000 DA la journée Si toute la région de la Mitidja est fertile, les actions menées par l'école au champ de Tipasa favorisent l'augmentation de la production. «En tant qu'exploitant agricole, je me rends compte du progrès réalisé par mes serres. Depuis l'apparition de la première mineuse, j'avais tout tenté, témoigne un autre agriculteur de la région, dont la récolte a été totalement ravagée, il y a quelques années. Comme tout agriculteur qui se respecte, je me suis ruiné en produits chimiques. L'idée d'être conseillé par des professionnels rassure et encourage à poursuivre annuellement cette façon de faire.» La plantation de la tomate sous serre demande beaucoup de soins. Chaque jour, les agriculteurs appliquent avec attention les recommandations proposées par l'INPV. Même si ce n'est pas toujours facile. «Bien que je sois à cheval sur l'entretien de mes serres, je ne peux pas être au four et au moulin. Mon exploitation manque de main-d'œuvre. Je ne peux pas employer de jeunes agriculteurs, puisque, disons-le franchement, les jeunes d'aujourd'hui se sont totalement retirés du monde agricole. Qui les a nourris toute leur vie !, s'exclame un agriculteur participant aux rencontres initiées par les centres de Tipasa. Un jeune ne travaille pas pour 1000 DA la journée. Surtout dans les zones situées sur le littoral…» Dans quelques semaines, El Hadj pourra récolter plusieurs quintaux de tomates et assurer la pérennité de son exploitation… grâce à ses nouvelles alliées : les punaises.