Le congrès de l'Azawad a pris fin, hier matin, avec l'adoption d'une série de mesures. Les participants ont appelé toutes les organisations armées, dont Ançar Eddine, Ansar et le Front de libération de l'Azawad (FNLA), «à déposer les armes et à rejoindre le cadre établi pour l'indépendance de l'Azawad». Ils ont exigé des groupes d'Al Qaîda de «quitter immédiatement» leur territoire et exhorté la communauté internationale à reconnaître l'Etat de l'Azawad. Ouverts mercredi dernier à Gao, en présence de plus d'une centaine de personnes entre notabilités, chefs des différentes tribus du nord du Mali et cadres du MNLA, le congrès de l'Azawad a pris fin hier matin. Selon quelques participants, les débats «ont été houleux» et c'est le chef de l'état-major militaire de l'Azawad, Mohamed Ag Najiim, qui les a ouverts par «un discours qui se voulait d'un côté unificateur des composantes de sa communauté, et d'un autre, menaçant à l'égard des récalcitrants». La déclaration finale maintient le principe de «l'indépendance» de l'Azawad par rapport au pouvoir central de Bamako et exhorte la communauté internationale et l'ONU «à reconnaître aux Azawadis leur droit à l'autodétermination». Cette déclaration repose sur sept points, dont les plus importants «ont été arrachés au forceps». D'abord ces deux appels. L'un lancé aux groupes armés qui activent parallèlement au MNLA, notamment Ançar Eddine, Ansar, le Front de libération nationale (FLNA), pour déposer les armes. «Un appel a été lancé à tous les Azawadis armés, bien sûr avec l'approbation des notables et les chefs des tribus, les sommant de déposer les armes, maintenant que le territoire a été libéré de la présence malienne. Tout le monde était d'accord sur le principe qu'il ne restera en circulation que les armes détenues par le MNLA et qui servent uniquement pour le maintien de l'ordre. Les autres doivent être restituées. Il est exigé des Azawadis de rejoindre le mouvement dans le cadre de l'instauration du nouvel Etat.» Selon le chef des cinq régions de l'Azawad, Abdelkrim Ag Tayeeb, les congressistes se sont par ailleurs «mis d'accord pour l'instauration d'une république, dont les principes seront décidés en commun accord lors d'une réunion à court terme avec les chefs des tribus et les notabilités de la communauté. Des débats sur la question de la charia et de la laïcité ont été très longs et nous avons décidé de réunir les plus importantes et influentes notabilités pour décider de la nature de l'Etat de l'Azawad. L'appellation et la Constitution seront un travail de consensus», déclare le responsable. Selon lui, la tenue d'autres réunions est nécessaire dans la mesure où les chefs de certains groupes, comme Ayad Ag Ghaly de Ançar Eddine, n'ont pas pris part au congrès. «Il y aura une réunion avec l'ensemble des chefs des groupes armés azawadis pour les convaincre du dépôt des armes», note-t-il. L'autre appel, souligne le responsable, est destiné aux organisations d'Al Qaîda, qui sont «sommées de quitter immédiatement le territoire de l'Azawad». Une action difficile à mettre en exécution, eu égard à l'évolution rapide sur le terrain de ces groupes, devenus puissamment armés et extrêmement riches. D'ailleurs, le jour même de l'ouverture des travaux du congrès à Gao, des éléments du Mouvement pour l'unicité du jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) ont tenté, pour la seconde fois, de faire exploser l'aéroport de Gao, sous prétexte, que le tarmac pouvait être utilisé pour un débarquement militaire. «C'est vrai que quelques éléments se présentant au nom d'Al Qaîda ont tenté de franchir Al Bouaba (porte) qui est un peu loin de l'aéroport. Il voulait faire exploser ce dernier, mais les combattants du MNLA les en ont empêchés. Il y a eu quelques altercations avec ces groupes, mais le MNLA contrôle la situation», a déclaré Abdelkrim Ag Tayeeb. Il précise par ailleurs, qu'en ce qui concerne les groupes de trafiquants, «il a été décidé de les mettre en garde et de les informer que s'ils sont attrapés en flagrant délit, la loi leur sera appliquée». Le troisième appel est lancé en direction des Maliens qui ont fui les violences au début de la rébellion pour se réfugier dans les pays limitrophes. «Nous avons appelé tous les réfugiés se trouvant en Algérie, Burkina Faso, Niger et Mauritanie à revenir chez eux, maintenant que l'Etat de l'Azawad est né. Nous avons beaucoup insisté sur la nécessité de conjuguer les efforts pour permettre à ces derniers de revenir…», indique notre interlocuteur. Il souligne également que les congressistes ont appelé le gouvernement malien au dialogue en expliquant : «Nous sommes prêts au dialogue avec Bamako, mais d'Etat à Etat, et non pas d'un gouvernement à une rébellion comme cela a été le cas durant les nombreux soulèvements. Nous avons tenté toutes les options possibles mais après 50 ans de lutte, il n'est plus possible de continuer à être trahis à chaque fois.» Selon lui, les déclarations de la Communauté économique des chefs d'Etat de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) sur l'envoi immédiat de 3000 militaires au Mali, pour l'aider à résorber la crise du Nord «ne constituent pas un danger pour les rebelles. Nous les attendons de pied ferme. Mais nous savons que Bamako ne peut absolument rien faire. Ses dirigeants n'arrivent même pas à sortir de la crise dans laquelle ils se sont mis. Comment voulez-vous qu'ils puissent gérer une telle armée, sachant que la leur a été laminée». Le responsable conclut en disant que «d'autres réunions avec les chefs des tribus et les notabilités auront lieu dans les jours à venir et devront aboutir à la mise en place de nouvelles structures de l'Etat de l'Azawad». Interrogé à propos des otages détenus par Al Qaîda sur le territoire de l'Azawad, le responsable affirme que «le sujet n'a pas été abordé directement lors du congrès. Il a été fait allusion aux enlèvements dont les auteurs seront sévèrement punis par la loi en cas de leur arrestation en flagrant délit, tout comme pour les trafiquants. Il y a eu un consensus sur cette question, et les notabilités ainsi que les chefs de tribu se sont engagés à tout faire pour que leurs enfants ne soient mêlés ni de près ni de loin par ces actes qui nuisent à l'image de la région et qui sont condamnés par tous». Pour ce qui est des sept otages algériens, enlevés il y a plus de trois semaines à Gao, notre interlocuteur se dit «optimiste», affirmant : «Rien de nouveau pour l'instant, leur libération est une question de temps.» Même s'il a réussi la tenue du congrès dans des conditions extrêmement difficile, le MNLA est aujourd'hui devant un défi. Celui des groupes terroristes d'Al Qaîda, de ceux qui lui sont proches idéologiquement, comme les organisations islamistes armées, mais aussi des grands barons de la cocaïne. Mieux armés et plus riches, ils constituent, un lourd danger auquel il ne pourra faire face, sans l'appui de la communauté internationale en général, et les pays du champ en particulier. Or, ces derniers refusent tous toute idée de partition du Mali et certains, comme le Niger, plaident pour une intervention étrangère au Nord. Ce qui lui laisse une marge de manœuvre très minime et l'obligera inévitablement, s'il ne veut pas être isolé, de revoir sa position.