L'entraîneur belge de l'équipe nationale de football, Robert Waseige, s'envolera demain à destination de Bruxelles. Il rentre chez lui 48 h après la résiliation du contrat de deux ans qui le liait à la Fédération algérienne de football (FAF). La défaite (0-3) des Verts, dimanche à Annaba, contre le Gabon a précipité son départ. Mardi après-midi, il a eu un tête-à-tête avec le président de la FAF, Mohamed Raouraoua, qui a débouché sur ce qui était prévu depuis dimanche soir. En fin de journée, Robert Waseige nous a conviés à un rendez-vous chez lui, à Club des Pins, à Alger, pour parler de sa courte expérience à la tête des Verts, du match contre le Gabon et de bien d'autres choses. Un commentaire sur la rencontre de dimanche dernier face au Gabon ? Qu'ajouter de plus sur ce qui a été dit depuis ce soir maudit ? Ce fut un match affreux avec des conséquences dramatiques sur les chances de qualification de l'Algérie à la Coupe du monde 2006. Maintenant après coup, il est facile de refaire le match. C'est trop tard, le coup est parti. Je souhaite que mon départ provoquera un déclic au sein du groupe afin de ne pas compromettre les chances de qualification à la CAN 2006. Mathématiquement, c'est encore jouable puisqu'il reste six matchs à jouer. Vous pensez que l'Algérie a encore des chances de se qualifier à la CAN 2006 ? Tout est encore possible, même si je concède que la tâche ne sera pas facile. J'ai une certitude. L'Algérie jouera mieux contre le Rwanda et je ne serais pas surpris si elle s'impose à Kigali. Les joueurs vont avoir une réaction positive face au Rwanda. Blessés dans leur amour-propre, ils réagiront bien. J'ai l'intime conviction qu'ils se rachèteront à partir du prochain match. Ensuite, tout sera possible, s'ils mettent la volonté et le cœur, deux choses qui nous ont fait cruellement défaut à Annaba. Vous avez une explication sur la débâcle de dimanche soir ? Elle est le résultat d'un enchaînement de faits qui se sont accumulés. Nous sommes passés à côté du sujet, tout simplement. Je pense qu'il ne faut pas aller chercher des explications alambiquées pour tenter de justifier ce qui est arrivé. A mon sens, nous n'avons pas été à la hauteur de ce qui était attendu de nous ce soir-là. Voilà, c'est tout. Ce qui a manqué n'a rien à voir avec le talent des joueurs, la stratégie ou la tactique. Nous avons péché essentiellement au niveau du mental. La carence se situe à ce niveau. Est-ce à dire que l'état d'esprit du groupe n'était pas ce qu'il devait être ? C'est cela. Pourtant, j'avais tiré la sonnette d'alarme avant la rencontre amicale face au Burkina Faso. Il y a eu un peu trop de liberté avec la rigueur qui sied avec le rang d'une sélection. J'ai senti une forme de relâchement et j'ai mis en garde les joueurs. Dans la préparation des rendez-vous face au Burkina Faso et le Gabon, j'ai lancé des avertissements pour qu'il y ait plus d'application. Le message n'a pas été reçu. Les joueurs n'étaient pas concentrés sur le match ? A mes yeux, pas suffisament. Si le match avait été abordé avec un mental fort, nous n'aurions jamais concédé la défaite devant le Gabon. Nous avons péché au niveau du mental. On n'aborde pas la haute compétition avec la fleur au fusil. Le groupe a préparé et joué le match avec un esprit détendu et pas avec le maximum de concentration. Ils ont compliqué leur tâche.Ensuite, tout s'est enchaîné. Nous avons fait la démonstration sur le terrain que nous n'étions pas capables de battre le Gabon. Avant le match, rien ne laissait présager une telle issue ? C'est vrai, dans la mesure où avant le match contre le Burkina Faso, je restais sur une impression de progrés et de beaucoup de promesses. Malheureusement, la suite n'a pas été à la hauteur de mes espérances. Des joueurs n'ont pas donné le maximum. Ils gesticulaient, parlaient au lieu de se battre comme l'a fait Saïfi, par exemple. Il y a des joueurs à qui on ne peut rien reprocher parce qu'ils se sont battus avec un esprit de gagneur et une rage de vaincre. Vous n'aviez rien vu venir avant le match ? Il est facile après coup de dire ceci ou cela. Je ne suis pas un homme qui fuit ses responsabilités, surtout aprés une défaite. J'assume ce qui est arrivé du fait que j'étais le premier responsable technique de la selection. J'avoue que le match était mal embarqué avant le coup d'envoi. Je ne sais pas pourquoi, mais la motivation nous a fait défaut. Samedi, la veille de la rencontre, j'ai mis fin, prématurement, à la séance d'entraînement parce-que les joueurs ne montraient pas d'allant dans le travail. Ils ont rechigné dans le travail. Après une courte observation, j'ai dit « Stop ! On arrête la séance, vous n'êtes pas concentrés ». J'ai demandé : « Qu'est ce qui ne va pas ? ». Un joueur m'a répondu : « On veut des jeux. » On faisait des exercices d'affûtage mental du jeu aérien pour préparer l'équipe en prévision du match de dimanche. Dans le second briefing de la journée du match, le premier a été fait par Rachid Cheradi, j'ai dit aux joueurs : « Ce soir, il n'y a pas d'autre résultat positif que la victoire. Nous n'avons pas d'autre choix. Elle est impérative. » A l'arrivée, il n'y a pas eu le résultat escompté... Je suis le premier navré et déçu de la tournure des événements. Je suis ruiné intérieurement. C'est la fin d'un beau rêve que j'ai caressé en venant en Algérie. Je voulais tellement contribuer à la qualification de l'Algérie à la Coupe du monde. Au départ, tout semblait possible. Le groupe venait de sortir d'une belle aventure qui est la CAN 2004. Honnêtement, je dis, j'ai fait le maximum pour apporter ma contribution à la progression de l'équipe nationale. Malheureusement, les choses n'ont pas emprunté la voie souhaitée. Sans vouloir donner l'impression de me dérober devant mes responsabilités, il faut reconnaître que le facteur temps a été un grand handicap dans la conduite de notre mission. Deux semaines après ma prise de fonction, nous avons joué le premier match des éliminatoires devant l'Angola (0-0). En cinq mois de présence à la tête de la sélection, il y a eu quatre rencontres éliminatoires de Coupe du monde. Avec un peu plus de temps devant nous, on aurait, peut-être pu faire mieux. Je concéde que j'ai pris mes fonctions en pleine connaissance de cause. Je savais où je mettais les pieds avant de commencer mon travail. Ces arguments, aussi objectifs qu'ils soient, n'atténueront pas la grosse déception après la défaite contre le Gabon que beaucoup ont qualifié d'humiliante ... La défaite, je la qualifie de honteuse par rapport à ce qu'attendaient de nous les supporters. Je ne plaide pas l'innoncence parce que j'ai ma part de responsabilité dans ce qui s'est produit sur le terrain. Dimanche, après le match, j'étais triste, brisé, blessé, abattu... mais à aucun moment je n'ai abandonné les joueurs. Lors de la rencontre avec le président Raouraoua, ils lui ont dit : « Nous sommes les fautifs. Nous n'avons pas donné ce qui était attendu de nous. » Ils ont raté le match qu'il ne fallait pas. C'est le football, c'est la vie. Votre parcours à la tête de l'équipe d'Algérie s'achève en queue de poisson ? J'aurais souhaité un meilleur sort que celui-là. C'est aussi cela le métier d'entraîneur. Je saisis cette occasion pour délivrer le message suivant. J'accepte d'être critiqué après ce qui est arrivé, tout en mettant en garde contre toute tentative de règlement de compte. Il faut faire le maximum pour éviter pareille situation. Ceux qui prêchent dans cette direction sont des irresponsables. Mon départ peut s'avérer une bonne chose pour l'équipe nationale. Je reste convaincu que les joueurs vont vite réagir pour rétablir la situation. Je ne suis pas venu en Algérie pour gratter des euros, mais pour participer à une aventure humaine et sportive. A la veille de votre retour chez vous en Belgique, quel tableau dressez-vous de votre présence à la tête de l'équipe d'Algérie ? J'avoue qu'à mon arrivée, j'ai trouvé une structure en place et une bonne organisation autour de l'équipe nationale. Le football algérien a la chance de posséder un président, comme Raouraoua, visionnaire et qui donne à l'équipe nationale tous les moyens pour concrétiser ses objectifs. Ce n'est pas de la brosse pour lui puisque je m'en vais. J'exprime un sentiment sincère à l'endroit d'un grand homme. J'ai vu des présidents dans ma longue carrière et Raouraoua fait partie de ceux que j'estimerai toujours. Il a été correct avec moi, depuis le premier jour. Avant de me recruter, il m'a brossé le vrai tableau de la réalité du football algérien. Je n'ai pas aussi à me plaindre de la collaboration des autres membres du staff technique. Ils ont tous été loyaux à mon égard. Vous quittez l'Algérie en laissant derrière vous une équipe nationale en pleine déconfiture. Je n'ai pas ce sentiment car mis à part le match face au Gabon, l'équipe nationale n'a cessé de progresser dans le jeu, comme l'attestent ses sorties successives au Zimbabwe et au Nigeria. Cela personne ne peut le nier. La sélection commençait à trouver ses marques. Elle a quand même fourni deux belles prestations à Hararé et à Abuja. Le match de Annaba a tout remis en question, mettant à plat nos espoirs de retour au premier plan. Je pense qu'il s'agit d'un simple accident de parcours et que la sélection va repartir de bon pied et combler son retard. Il ne faut pas perdre espoir. Je reste convaincu qu'à force de travail, l'Algérie finira par retrouver sa place. Il suffit de mettre le paquet sur la formation et les infrastructures. Il est inutile de s'attarder sur le passé. Continuer à rêver aux belles années 1980 ne fera pas avancer le football algérien. Le Gabon vient de nous administrer une leçon. Cessons de croire que nous sommes les meilleurs. Cette époque est révolue. Se remettre en cause, travailler durement, se fixer des objectifs conformes à nos possibilités, faire confiance au talent des joueurs et à la qualité de l'encadrement technique sont les ingrédients du succès. L'Algérie reviendra au premier plan à ce seul prix. Vivre avec les souvenirs du glorieux passé ne fera pas avancer le football algérien. Il s'agit d'assumer toutes les responsabilités, à commencer par se dire que les autres sélections africaines ont accompli d'énormes progrès et qu'il ne faut plus les sous-estimer. Un dernier mot avant de conclure... Je quitte l'Algérie avec un sentiment d'échec. Je suis meurtri parce que je n'ai pas donné le bonheur et la joie escomptés aux millions d'Algériens qui portent la sélection dans leur cœur et qui m'ont accueilli comme eux seuls savent le faire. Je suis un homme de bon sens qui ne fuit jamais ses responsabilités. J'assume les miennes après ce qui s'est passé à Annaba. Je rentre chez moi avec le sentiment d'avoir tout fait pour accomplir ma mission. Je resterai un fervent supporter des Verts à qui je souhaite bonne chance lors des prochaines échéances.