De 153 millions de dollars de surfacturation il y a deux mois, le ministre passe à 153 milliards de dinars aujourd'hui ! Un écart abyssal… Les déclarations contradictoires du ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Djamel Ould Abbès, à propos des montants des surfacturations des matières premières destinées à la fabrication de médicaments suscitent des interrogations : 153 millions de dollars il y a deux mois à 153 milliards de dinars aujourd'hui. L'écart est abyssal. Il avait même déclaré que ses services avaient empêché le transfert du premier montant. Alors que les Douanes algériennes annoncent, par la voix du directeur du contrôle, Regue Benamar, avoir engagé 12 nouveaux contentieux relatifs à la surfacturation de médicaments et qui «seront portés prochainement devant la justice, alors que d'autres affaires de majoration sont au stade de l'enquête» (sans autres précisions), M. Ould Abbès anticipe et affirme, dans une déclaration à la Chaîne III de la Radio nationale, que «12 laboratoires algériens et étrangers font l'objet de poursuites judiciaires pour surfacturation de matières premières de médicaments atteignant 153 milliards de dinars en 2012». Le ministre de la Santé parle de «surfacturation étonnante». Une manière de déculpabiliser son département chargé du contrôle des dossiers des laboratoires avant toute importation de médicament. Une procédure obligatoire qui répond à des mécanismes réglementaires pour que la direction de la pharmacie délivre un visa d'importation. Si les services des Douanes ont décidé d'ouvrir des enquêtes sur ces fraudes commerciales, c'est parce qu'il y a défaillance d'un des maillons de la chaîne. Dans l'affaire Sanofi Aventis Algérie, dont le directeur a été condamné à une année de prison avec sursis et à une amende de 20 millions d'euros pour surfacturation, le ministère de la Santé a bel et bien adressé une correspondance au directeur des Douanes algériennes, signée par M. Bouchenak, le secrétaire général, pour libérer la marchandise : «Je vous saurai gré d'intercéder auprès de vos services pour permettre le dédouanement des matières premières importées sur la base des programmes prévisionnels signés et remis par le ministère de la Santé aux laboratoires pharmaceutiques», sans faire référence à aucun moment au laboratoire en question. Concernant le montant de cette surfacturation pour l'année 2012 qui est, selon M. Ould Abbès, de 135 milliards de dinars, elle aurait été, selon le même responsable, «économisée» puisque lors d'une séance plénière consacrée aux questions orales tenue au Conseil de la nation en janvier dernier, il avait déclaré que «les services du ministère de la Santé ont empêché le transfert de 153 millions de dollars sous forme de factures gonflées de matière première importée destinée à la production pharmaceutique depuis le début de l'année 2012». La même déclaration a été faite en marge de la cérémonie de signature d'un accord de partenariat entre le groupe Saidal et la société pharmaceutique danoise Novo Nordisk, en avril dernier, que ses services «ont évité le transfert de 153 millions de dollars vers l'étranger de manière illégale, sous forme de factures gonflées destinées à l'importation de matières premières utilisées dans la production de médicaments depuis le début de l'année». Il avait même prédit, en novembre 2011, avant même la signature des programmes à l'importation, que «la surfacturation des médicaments atteindra 150 millions de dollars en 2012». Comment peut-il aujourd'hui affirmer le transfert de 153 milliards de dinars et avoir économisé le même montant alors que le chiffre d'affaires global de la production nationale pharmaceutique n'est que de 79 milliards de dinars ? Le ministre de la Santé se félicite, ainsi, que «c'est la première fois qu'un responsable révèle au grand jour la corruption, les dessous de table et les transferts illégaux de devises perpétrés par ces importateurs. J'ai remis ces dossiers de corruption au ministère des Finances qui, à son tour, les a remis à la justice», a-t-il ajouté.